Stendhal et les voyages au sens profond d'Emmanuelle Llop

Elle ne travaille pas directement dans le voyage, mais pourtant, certaines de ses victoires ont façonné l'industrie et son quotidien.

Emmanuelle Llop est l’avocate de l'industrie touristique.

Et si tout le monde apprécie son expertise juridique et a été impressionné par son ascension du Kilimandjaro, peu de personnes connaissent réellement sa manière de voyager et la vision de l'industrie qu'elle porte en tant que présidente de Femmes du Tourisme.

Son premier voyage, elle l’a organisé pour ses 20 ans, avec Nouvelles Frontières. Elle partait alors au Mexique.

"Sac multicolore acheté à l’agence du boulevard Saint-Michel à Paris en bandoulière et Guide du Routard en poche, j’ai sillonné tout le Mexique sauf le nord, en autocar et même en train !

Du slow-tourisme avant l’heure, qui m’a permis de découvrir à mon rythme les villes, les villages, l’histoire du pays et surtout, les gens !

Parler couramment espagnol est évidemment un atout dans une contrée où, parfois, dans les coins reculés du Chiapas, quelques pierres ont frôlé mes jambes, avant que des échanges amicaux ne prennent la place de la méfiance.

Au bout de 15 jours, j’avais l’accent mexicain et des amis à chaque étape, même quand il fallait plutôt parler avec les mains avec de purs Indiens descendants des Mayas à Palenque.

J’ai appris que le tourisme respectueux, c’est d’abord s’intéresser aux personnes dans leur environnement," nous confie l'avocate.

Si ce voyage n'a pas influencé son futur professionnel, quelques moments lui ont rappelé que la vie est parfois un concours de circonstances.

"Le premier petit caillou blanc sur mon chemin vers ma carrière d’avocat était dédié aux professionnels du tourisme.

Quatre ans après ce voyage, je terminais mes études, passais l’examen d’avocat dont le sujet principal était de rédiger la défense d’une agence... Nouvelles Frontières !

Puis, j’ai été recrutée dans le cabinet d’avocats parisien de... Nouvelles Frontières, Selectour, Jet Tours et bien d’autres agences, mais aussi le SNAV, l’APST !

Alors on peut dire que ce voyage a eu un impact, inattendu certes, sur ma carrière," sourit Emmanuelle Llop.

Depuis cette visite du Mexique et ce premier contrat, elle a assisté à des dizaines de congrès, salons et séminaires, en France et ailleurs dans le monde.

Et d'ailleurs, le dernier à l'avoir marquée n’est autre que celui d'un réseau qu'elle chouchoute particulièrement : le CEDIV.

"Je suis partie au Sénégal, où justement les valeurs qui me sont chères étaient au rendez-vous : respect de l’autre, échanges, dons, responsabilité.

Puis, personnellement, c’était un retour au Mexique, sur la côte caraïbe, pour célébrer une nouvelle union, donc dans une ambiance plutôt détendue : beachbeds, cocktails et ceviches, entrecoupés de quelques visites nonchalantes de sites mayas."

Et s'il y a des voyages lointains, Emmanuelle Llop passe aussi ses vacances dans le sud de la France, dans une maison de famille.

Entre ce premier voyage et le dernier, beaucoup de choses se sont passées, notamment dans sa manière de voir le monde.

"J'évolue en même temps que la conscience collective, qui commence à se former sur l’impact du tourisme dans le monde, entre nécessité économique pour les destinations, désir de découvrir le monde ou de buller sur une plage, et écologie et urgence climatique.

Je me suis ouverte à ces problématiques en même temps et je ne transige pas sur ces principes.

Désormais, je n’irai plus me balader à dos d’éléphant en Thaïlande ni voir des dauphins captifs à Cuba. Je préfère replanter des palétuviers au Sénégal ou fabriquer (enfin, essayer) du pain dans le désert marocain," affirme la fondatrice du cabinet spécialisé EQUINOXE AVOCATS.

Et en tant que maman, Emmanuelle Llop a voulu transmettre certaines valeurs à ses trois filles.

Le voyage ne peut pas être futile ou oisif, du moins pas uniquement.

"Mes enfants voyagent aussi seules, en donnant d’abord à leurs voyages un sens profond : reconstruire des écoles au Népal, veiller à l’éclosion des œufs de tortues au Costa Rica ou soigner des oiseaux dans un sanctuaire en Équateur...

Mon entourage me connaît bien, je les secoue pour que leurs voyages aient du sens, autant que possible.

Ma vision du voyage, sincèrement — et tant pis si cela semble un peu candide, voire à la mode —, c’est de voyager peut-être moins, mais mieux et durablement quand c’est possible, dans le respect des humains et de la planèt," souhait-t-elle.

Et si elle a éduqué ses filles pour que leurs voyages aient du sens, la jeune Emmanuelle Llop a puisé son inspiration dans l'un des plus grands auteurs français du XIXe siècle : Stendhal.

De son vrai nom, Henri Beyle a été un grand voyageur au cœur d'un XIXe siècle en pleine transformation. Amoureux de l'Italie, il a aussi donné envie à l'avocate de découvrir la péninsule italienne.

"Je suis une littéraire, et vers 15 ans, j’ai été marquée par les Promenades dans Rome de Stendhal, dont la forme de journal de voyage illustré m’a inspirée pour tous mes voyages privés, au cours desquels j’ai tenu un carnet de bord – aujourd’hui remplacé, il est vrai, par des images – et cela m’a donné envie d’aller flâner dans la Ville Éternelle dès que je le pourrai.

J’ai pu le faire quelques années plus tard, à mon rythme.

J’aime, il est vrai, me laisser porter par les lieux, prendre mon temps pour dénicher les coins peu fréquentés et parler aux gens, passer du temps dans une église bien fraîche, flâner dans les ruelles ombragées d’une médina, bavarder avec un commerçant et fixer cela sur des images...

Une fois, à Fès, j’ai passé une journée extraordinaire dans la famille d’une jeune étudiante rencontrée au souk, dont le père y vendait des épices et des potions étranges, et la mère cousait de magnifiques robes traditionnelles. J’ai partagé le couscous à la main, assise en tailleur sur une toile cirée, et je me suis fait peindre les mains au henné.

Je n’oublierai jamais cette famille, si moderne et ancrée dans ses traditions à la fois.

J’aime, bien sûr, voyager avec les gens que j’aime, qui me poussent parfois dans mes retranchements, qu’il s’agisse de plonger avec des baleines à bosse ou d’escalader les pentes d’un volcan (petit clin d’œil à mes trois filles).

Et tout cela, si possible, en dehors des périodes touristiques," conclut Emmanuelle Llop.

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