Lourdes crée sa propre plateforme de réservation

Le Sanctuaire de Lourdes fait sa révolution digitale.

Face à l’emprise des géants du voyage en ligne comme Booking ou Expedia, qui captaient l’essentiel des réservations hôtelières de ses visiteurs, le site religieux a décidé de reprendre la main en lançant sa propre plateforme de réservation, en marque blanche, directement intégrée à son site web.

Une innovation portée par la start-up française Odyssey, fondée par Jean-Antoine Tamet.

Chaque année, Lourdes attire 3,5 millions de visiteurs, dont 90 % sont des individuels qui ne passent pas par les services de pèlerinage du Sanctuaire pour organiser leur séjour.

Ces voyageurs réservaient essentiellement via des OTA (Online Travel Agencies), comme Booking ou Expedia. "Ils proposaient une expérience froide, sans participer à l’économie locale", souligne Jean-Antoine Tamet, CEO d’Odyssey.

Le Sanctuaire souffrait ainsi d’un double manque à gagner, une absence de contact direct avec les visiteurs en amont du séjour, et la perte de revenus liés aux commissions, parfois très élevées.

"Les hôteliers étaient soumis à la pratique commerciale très agressive des OTA, avec des commissions allant jusqu’à 25 % et des systèmes de surenchère. Le Sanctuaire, lui, se privait de revenus récurrents supplémentaires", explique-t-il.

Odyssey a donc développé pour Lourdes une interface de réservation similaire à celle des géants du secteur, mais accessible depuis le site du Sanctuaire lui-même.

Filtres, annulations, paiement sécurisé… "On a vraiment copié en tout point l’expérience de Booking", confie le fondateur. Sauf que cette fois, les bénéfices restent dans l’écosystème local.

La plateforme, lancée au printemps, connaît déjà un franc succès. "Aujourd’hui, 85 % des chambres d’hôtels de Lourdes sont référencées sur le site. Les deux syndicats hôteliers de la ville ont appelé leurs adhérents à rejoindre le projet", se félicite Jean-Antoine Tamet.

Côté visiteurs, les premiers retours sont très positifs, notamment grâce aux outils d’accompagnement proposés avant l’arrivée.

"À J-7, les voyageurs reçoivent une boucle d’emails ou une vidéo WhatsApp avec les infos pratiques : plans, lieux clés, recommandations. L’idée, c’est de désengorger les points d'information et d’offrir une expérience plus chaleureuse", ajoute-t-il.

Le grand atout de cette nouvelle plateforme ? Une commission plafonnée à 10 %, contre parfois 25 % sur les OTA classiques.

"On n’a pas besoin de saigner autant les hôteliers. Les plateformes comme Booking sont extrêmement gourmandes. Sur une chambre à 100 €, un hôtelier ne touche parfois que 75 €", déplore Jean-Antoine Tamet.

En supprimant les systèmes d’enchères et les offres promotionnelles financées par les hébergeurs, Odyssey entend redonner du pouvoir aux professionnels du secteur.

Autre avantage souligné par les hôteliers : la plateforme permet de réduire la pression sur les comptoirs d’accueil. "Les visiteurs arrivent mieux informés, les demandes d’orientation ou de renseignements sont moins nombreuses. Les hôteliers, qui servaient parfois de points d’information officieux, soufflaient un peu", relate le CEO.

Fort de cette première collaboration réussie avec Lourdes, Odyssey voit plus loin. "Ce projet est né d’un concours de circonstances, mais notre solution peut s’adapter à d'autres destinations qui bénéficient d’un fort trafic physique et digital", assure le dirigeant.

Les stations balnéaires figurent parmi les prochaines cibles. "Beaucoup se contentent d’un simple annuaire d’hébergements qui renvoie vers des OTA. Résultat : aucune retombée économique locale et aucun lien avec les visiteurs."

Avant de lancer un nouveau projet, Odyssey mène systématiquement un audit du site web de la destination : analyse du trafic, du référencement SEO, des intentions de recherche des internautes…

"On regarde si les visiteurs sont intéressés par des infos pratiques ou par de l’hébergement, et on évalue notre capacité à remonter devant Booking ou Expedia dans les résultats de recherche."

Le chantier n’est pas sans complexité.

Il implique notamment l’interconnexion avec les Channel Managers, ces outils qui synchronisent les disponibilités des chambres entre différentes plateformes. "On travaille avec The Edge, le leader européen, mais il en existe une vingtaine en France. On doit identifier celui utilisé localement pour se connecter", précise Jean-Antoine Tamet.

Autre difficulté : la paperasse. "Contrairement aux OTA américaines, on est soumis à des règles françaises strictes. Il faut récupérer les KBIS, les pièces d’identité des dirigeants… C’est lourd, mais c’est la contrepartie de notre ancrage local."

Enfin, une stratégie SEO offensive est indispensable pour apparaître en tête des résultats Google. Pour Lourdes, Odyssey a créé près d’une centaine de pages de référencement.

Le pari est ambitieux, mais les premiers résultats laissent entrevoir un changement de paradigme. Avec cette solution, Lourdes reprend le contrôle sur son attractivité touristique, tout en soutenant son tissu hôtelier.