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Betty Rech (ATD) : "Le développement durable ne signifie pas décroissance" [ABO]

Interview de Betty Rech, la nouvelle directrice d'Acteurs du Tourisme Durable


Deux mois après sa nomination à la tête d’Acteurs du Tourisme Durable, Betty Rech prend la parole. Grâce à cette prise de poste, l’ancienne "Madame tourisme durable" d’Atout France donne encore plus d’épaisseur à ses convictions personnelles, dans un contexte particulier. Elle craint que la dynamique observée jusqu’à la fin des années 2010 ne s’essouffle et que le développement durable ne soit plus au cœur des priorités. Rencontre avec une nouvelle figure de l’industrie touristique.


Rédigé par le Jeudi 28 Août 2025

"Nous avons besoin de nous re-questionner, car nous voyons dans l’écosystème touristique une remise en cause de certaines priorités concernant le tourisme durable" selon Betty Rech - Crédit photo : ATD
"Nous avons besoin de nous re-questionner, car nous voyons dans l’écosystème touristique une remise en cause de certaines priorités concernant le tourisme durable" selon Betty Rech - Crédit photo : ATD
TourMaG - Vous avez un parcours atypique pour une directrice d’une association qui fédère des professionnels du tourisme. Vous avez passé la majeure partie de votre carrière dans les ministères. Est-ce que votre recrutement a une dimension de lobbying ?

Betty Rech :
Exactement. Il y a un rôle de plaidoyer, et c’est ce que cherchait à développer ATD.

Depuis quelques années, l'association a publié pas mal de tribunes, mais elle aimerait aller plus loin. Il s’agit de veiller à ce que le secteur ne perde pas de vue les enjeux du tourisme durable et de pousser les décideurs à se mobiliser sur ces problématiques.

Nous voulons continuer d’éveiller et d’interpeller pour que demain, on puisse transformer le tourisme. Ma connaissance du secteur et des acteurs me permet de remplir, je l’espère, au mieux cette mission.

Dès ma nomination, il y a eu la fameuse tribune publiée suite au colloque au Sénat d’Alliance France Tourisme.

Ce ne sont pas des prises de parole frontales, mais pragmatiques : nous avançons des faits, et nous nous appuyons sur des acteurs qui démontrent que ça marche.

Dans le tourisme, il y a des intérêts économiques, certes, mais aussi des intérêts environnementaux, sociaux et socio-économiques, qu’il ne faut pas oublier.


"J'étais Madame Tourisme Durable chez Atout France"

TourMaG - Comme je l’ai dit, vous avez un C.V. pas comme les autres dans le secteur. Pourriez-vous nous en faire un bref résumé, et expliquer le lien avec le tourisme durable ?

Betty Rech :
J’ai fait des études en lien avec le tourisme à l’Institut de Recherche et d’Études Supérieures du Tourisme (IREST), puis j’ai intégré le monde politique à travers un stage au ministère des Affaires étrangères (MAE), dans un service chargé de la promotion du tourisme.

Ce stage m’a ouvert des portes.

J’ai enchaîné à Bercy, à la sous-direction du tourisme, puis je suis retournée au Ministère des Affaire Etrangères. J’ai ainsi pu découvrir le fonctionnement institutionnel du tourisme, mais aussi constater en quoi ce secteur est un vecteur essentiel d’emplois dans notre pays.

Avec Jean-Baptiste Lemoyne, j’étais en charge du suivi des filières prioritaires : le tourisme culturel, l’écotourisme et l’œnotourisme, entre autres.

Ensuite, une nouvelle mission m’a été confiée, en partenariat avec l’ADEME, pour définir les priorités de promotion du développement durable dans le tourisme. Dans ce cadre, nous avons publié, avec l’ADEME, une étude phare sur le tourisme durable.

C’étaient des enjeux et des convictions personnelles que j’avais déjà, mais que je n’avais jamais appliqués dans mon travail. Suite à cela, Atout France a eu besoin de quelqu’un pour mettre en place et assurer le suivi de la feuille de route dédiée au tourisme durable portée par Caroline Leboucher.

J’étais “Madame Tourisme Durable” chez Atout France. J’ai notamment mené comme grand projet la réalisation de la plateforme France Tourisme Durable, destinée à accompagner l’écosystème dans sa transformation..

"ATD arrive peut-être à un tournant, au regard du contexte"

TourMaG - Que représente pour vous votre nomination comme directrice d’Acteurs du Tourisme Durable ?

Betty Rech :
C’est finalement la belle prolongation d’un projet qui a démarré il y a quelques années. Sauf que désormais, l’engagement et la parole vont aller plus loin.

Je poursuis la relation que j’avais déjà avec tous les acteurs, institutionnels et métiers, mais d’une façon plus engagée pour le tourisme durable, avec aussi d’autres moyens et leviers.

Il est agréable et confortable d’intégrer ATD, une association qui a bien grandi et qui arrive peut-être à un tournant. Nous avons besoin de nous requestionner : nous voyons dans l’écosystème touristique une remise en cause de certaines priorités concernant le tourisme durable.

Plus globalement, l’association que nous voulons continuer de faire grandir est là pour accompagner ses adhérents, en fournissant toujours plus d’outils et de services.


TourMaG - De par votre connaissance du monde politique, quel regard les cabinets ministériels portent-ils sur le tourisme ? Les professionnels ont toujours l’impression que le secteur n’est pas considéré et que les ministres pensent qu’il suffit de se baisser pour récolter les fruits…

Betty Rech :
Je ne suis pas vraiment d’accord avec ce constat.

Dire qu’ils ne prennent pas conscience de l’importance du tourisme est inexact, pour preuve, les deux derniers ministres étaient des ministres délégués et non de simples secrétaires d’État.

Le secteur est donc bien considéré à haut niveau.

Au-delà de cela, vous avez aussi des conseillers de qualité, comme Sophie Portier, qui conseille Nathalie Delattre sur le tourisme durable. D’ailleurs, la ministre est à l’écoute, elle rencontre de nombreux acteurs et ATD a déjà pu échanger avec elle.

Je pense que les enjeux sont bien identifiés, mais les moyens d’action restent trop limités. Quand on voit que le Fonds de Tourisme Durable n’est pas reconduit et que d’autres initiatives s’arrêtent, il y a effectivement pas mal de choses à redire sur ces sujets..

ATD : "Nous n’avons jamais eu autant d’adhérents"

TourMaG - Au-delà du lobbying, quels sont les objectifs et défis que doit relever la nouvelle directrice ?

Betty Rech :
Alors, comme je vous l’ai dit, nous sommes un peu à un tournant au vu du contexte général. Nous devons pérenniser la structure et poursuivre notre travail d’accompagnement, notamment à travers des formations.

Mon premier enjeu sera de réussir les Universités du tourisme durable qui se tiendront à Angers en octobre prochain. Elles sont ouvertes à tous : nous avons un programme solide, des engagements forts de nos partenaires et une journée avec cinq éductours autour d’Angers.

Cette année, la thématique est celle du vivant, de la biodiversité au sens large. Nous aurons les témoignages de chercheurs et d’experts comme Tarik Chekchak, Lumia sur le tourisme régénératif, ou encore Surfrider et la LPO.

Nous allons aussi laisser carte blanche, durant une matinée, à l’INNTO, le réseau des écoles universitaires de tourisme.

Nous devons également réussir à attirer des acteurs de toutes tailles et de tous horizons, afin qu’ils trouvent les bonnes informations, pratiques et solutions pour leurs entreprises dans le cadre de cet événement.

En quelque sorte, nous voulons être un centre de ressources fiable pour nos adhérents.

Je prends le temps de réaliser une sorte d’audit de tout ce que fait ATD et de ce que nous pouvons proposer pour aller plus loin. Je pense que les annonces auront lieu plutôt l’année prochaine.


TourMaG - En quelques chiffres, que représente ATD en août 2025 ?

Betty Rech :
Nous n’avons jamais eu autant d’adhérents, nous sommes autour de 300.

Nous représentons toutes les filières et tous les métiers, de l’hébergement à la restauration, en passant par les sites de loisirs, les agences de voyages ou encore le voyage d’affaires.

Nous aimerions accueillir davantage d’agences de voyages, un secteur où nous sommes encore peu présents, ainsi que des acteurs de l’événementiel.

"Le développement durable ne signifie pas décroissance"

TourMaG - Vous arrivez dans un contexte particulier pour l’industrie. Le Premier ministre a fixé le cap des 100 milliards de recettes, alors que le président souhaite faire de la France la première destination durable du monde… Nous avons l’impression de suivre deux quêtes contradictoires. Qu’en pensez-vous ?

Betty Rech :
Je ne sais pas si ce n’est pas possible, mais il faut des clés, un plan et des moyens pour y arriver.

Dans le dossier de presse du Comité interministériel du tourisme, quelques mesures abordaient la thématique du développement durable du tourisme. C’est peu, il faut espérer que cela va gagner en importance.

Pour reprendre les propos tenus dans le cadre de la tribune du colloque d’Alliance France Tourisme, aujourd’hui, nous n’avons plus le luxe de penser uniquement à travers le prisme des objectifs économiques. Il faut avoir conscience des impacts de l’industrie.

Il est important d’agir, de montrer qu’il est possible d’être acteur du changement. Nous sommes pragmatiques chez ATD. Nous ne sommes pas là pour dire que nous ne voulons plus de tourisme, bien au contraire, une autre voie est possible.


TourMaG - Pendant le Covid, tout le monde ou presque était frappé de durabilité aiguë. Nous ressentons que c’est moins "à la mode". Le secteur se détourne-t-il de cette problématique ?

Betty Rech :
Je pense que pas mal d’acteurs se sont saisis du sujet et n’en parlent plus, tout simplement parce que c’est devenu la nouvelle norme. En revanche, il reste encore une part importante à convertir, sensibiliser et à faire monter en compétence.

Jusqu’à la fin des années 2010, il y avait une dynamique forte, soutenue par des politiques publiques et des institutionnels, puis cela a ralenti progressivement.

On voit, dans les discours, que la priorité n’est peut-être plus au développement durable.

Nous aimerions faire comprendre que le développement durable ne signifie pas décroissance ou remise en cause de tous les enjeux économiques. Il existe un marché, une partie de la clientèle est sensibilisée. Pourquoi ne pas appliquer les principes de durabilité à tous les clients, même à ceux qui ne s’en préoccupent pas ?

Dans la montée en qualité de l’industrie, nous devons intégrer ce volet durabilité, comme c’est déjà le cas avec le Label Destination d’Excellence. Cela doit devenir la norme. Mais nous n’en sommes pas encore là.


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