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Champ d’application de la TVA sur marge : la CJUE s’est prononcée !

la chronique de Nathalie Habibou, avocat spécialisé en TVA et taxes indirectes


Suite aux conclusions de l’Avocat Général Bobek du 5 septembre 2018, que nous avons commentées le 15 octobre 2018, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) s’est prononcée le 19 décembre 2018 sur deux affaires concernant le taux de TVA applicable au régime de TVA sur marge, et la détermination de la marge taxable.


Rédigé par le Mardi 22 Janvier 2019

Sur le taux de TVA applicable au régime de TVA sur marge - Alpenchalets Resorts GmbH (Aff. C-552/17)

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) s’est prononcée le 19 décembre 2018 sur Champ d’application de la TVA sur marge - Depositphotos - AndreyPopov
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) s’est prononcée le 19 décembre 2018 sur Champ d’application de la TVA sur marge - Depositphotos - AndreyPopov
Pour mémoire, cette affaire concernait une Société allemande qui louait des maisons auprès de leurs propriétaires, afin de les donner en location de vacances à ses clients particuliers.

Au-delà de l’hébergement, les propriétaires fournissaient également aux clients des services à leur arrivée sur place (nettoyage, blanchisserie, livraison de petits pains).

Après avoir appliqué le taux normal de TVA, la Société a réclamé l’application du taux réduit applicable sur les prestations d’hébergement. Sans véritable surprise, la CJUE a suivi les conclusions de l’Avocat Général et considère que la seule fourniture de logements de vacances par une agence de voyages suffit pour que le régime particulier de la TVA sur marge s’applique.

Le fait que d’autres livraisons de biens ou d’autres prestations services accompagnent cette fourniture de logement n’a pas d’impact sur la qualification de l’opération.

Lire : TVA à la marge : quel champ d’application ?

Il ne doit donc pas être recherché si ces livraisons de biens ou prestations de services sont accessoires ou principales à l’opération.

La Cour en conclut donc que la mise à disposition par une agence de voyages d’une résidence de vacances louée auprès d’autres assujettis constitue un service unique relevant du régime particulier des agences de voyages.

Il importe peu que cette location soit seule ou accompagnée de prestations supplémentaires et l’importance de ces prestations supplémentaires n’a pas d’impact sur la qualification de l’opération.

La CJUE considère donc que le taux réduit de TVA ne peut pas s’appliquer. Les opérateurs doivent donc s’assurer du taux de TVA appliqué à leurs opérations dès lors qu’ils rendent une prestation d’hébergement acquise auprès de tiers assujettis, les faisant entrer, de facto, dans le champ d’application de la TVA sur marge.

Bien entendu, les opérateurs spécialisés dans l’hôtellerie, non soumis au régime particulier de la TVA sur marge, ne sont pas concernés par cette décision.

Sur la détermination de la marge taxable - Skarpa Travel (Aff. C-422/17)

Pour mémoire, cette affaire concernait une agence de voyages polonaise soumise au régime de TVA sur marge et qui percevait des acomptes de ses clients qui pouvaient s’élever jusqu’à 100 % du prix à payer.

Celle-ci a refusé de collecter la TVA lors de l’encaissement des acomptes et a différé la collecte de la TVA à la date à laquelle la marge était définitivement connue.

Lire : TVA à la marge : quel champ d’application ?

La CJUE a suivi les conclusions de l’Avocat Général dans son raisonnement en deux temps.

- Dans un premier temps, la CJUE considère que la TVA doit être collectée et reversée au Trésor au moment de l’encaissement de l’acompte par l’agent de voyage, si les éléments pertinents de la future prestation sont précisément connus au moment du versement de l’acompte. Tel est notamment le cas lorsque le voyage à une certaine date et que le pays concerné est déjà déterminé.

- Dans un second temps, tirant les conséquences de la difficulté pratique liée à cette règle de collecte de TVA, la CJUE retient la méthode des « coûts estimés » pour déterminer la marge bénéficiaire.

En principe, conformément aux dispositions prévues à l’article 308 de la Directive TVA, la base d’imposition de la TVA est déterminée par la marge bénéficiaire de l’agent de voyage : la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par cette agence pour les prestations de services d’autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur.

En pratique, au moment de l’encaissement d’un acompte versé par le client correspondant au prix total ou à une partie significative du prix total, l’agence peut ne pas avoir encore supporté l’intégralité des coûts.

Dans l’affaire Skarpa Travel, la CJUE considère ainsi que lors du versement de l’acompte, l’agent de voyage peut être dans l’incapacité de déterminer le coût effectif du service ou ne pas encore en avoir supporté l’intégralité.

Retenant la méthode du « coût estimé » proposé par l’Avocat Général, la Cour précise que :

1. l’agence de voyages pourra déterminer une marge bénéficiaire prévisible calculée sur une estimation de coût effectif total qu’elle aura, in fine, à supporter (i.e., incluant les coûts déjà encourus) sur l’opération concernée.

2. une fois le coût effectif connu, les opérateurs pourront procéder aux régularisations nécessaires sur leurs déclarations de TVA.

A notre sens, cette solution semble s’éloigner de la lettre de l’article 308 de la Directive TVA qui implique la prise en compte de « coûts effectifs » et non pas « estimés ».

En France, l’article 266, 1, e du CGI ainsi que la doctrine administrative (BOI-TVA-SECT-60 n° 220 et 230) ont suivi la Directive TVA sur ce point : les dépenses à retenir pour déterminer la marge imposable comprennent le montant net des sommes facturées à l'organisateur de voyages par les différents prestataires (transporteurs, hôteliers, restaurateurs…) qui exécutent matériellement les services rendus à la clientèle.

Ainsi, pour plus de sécurité juridique, la méthodologie proposée par la CJUE devrait, selon nous, être commentée et encadrée par les autorités françaises.

Nathalie HABIBOU
Avocat au Barreau de Paris, spécialisé en TVA et Taxes indirectes, au sein du cabinet Arsene. Depuis 11 ans, elle accompagne au quotidien les clients français et étrangers, en conseil comme en contentieux, notamment dans le secteur du tourisme (tour-opérateurs, croisiéristes, agences, prestataires de loisirs, start-ups, etc.).

Arsene est le premier cabinet d’avocats indépendant, exclusivement spécialisé en fiscalité. Fondateur du réseau international Taxand, Arsene est depuis 2004 un acteur incontournable du conseil fiscal sur mesure.

www.arsene-taxand.com

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Tags : habibou, marge, tva
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