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II. - Force majeure, l’arrêt 'Océane' ou les errements de la Cour de Cassation…

par Me Emmanuelle LLOP, avocat associé Clyde & Co


On a beaucoup lu et tout entendu sur la force majeure, notamment après les arrêts « Océane » et « Thomas Cook » rendus par la Cour de Cassation le 8 mars 2012. Aussi est-il temps de remettre les choses à plat et faire un point en trois étapes. Me Emmanuelle Llop s'y est collée. En voici le second volet : Force majeure : l’arrêt « Océane » ou les errements de la Cour de Cassation…


Rédigé par Me Emmanuelle LLOP le Jeudi 12 Avril 2012

La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt pour le moins étonnant - et aux conséquences économiques sans doute au-dessus des considérations hautement juridiques qui l’animent – dans le cadre des conséquences du volcan sur le retour des clients./photo dr
La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt pour le moins étonnant - et aux conséquences économiques sans doute au-dessus des considérations hautement juridiques qui l’animent – dans le cadre des conséquences du volcan sur le retour des clients./photo dr
Alors qu’à de nombreuses reprises, les agence de voyages ont été exonérées de tout remboursement, (comme par exemple à la suite de la tempête de 1999 lorsque des clients empêchés de rejoindre l’aéroport ont réclamé le remboursement du voyage et des dommages et intérêts : ils ont été déboutés sur le fondement de la force majeure).

La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt pour le moins étonnant - et aux conséquences économiques sans doute au-dessus des considérations hautement juridiques qui l’animent – dans le cadre des conséquences du volcan sur le retour des clients.

Il en ressort que l’agence de voyages doit supporter à ses frais le séjour supplémentaire de ses clients pendant le temps d’attente d’un vol, ainsi que la location de voiture nécessitée par une arrivée dans un aéroport différent, au nom des prestations de remplacement que l’agence de voyages doit proposer.

Tout en citant furtivement l’article L. 211-16 et la force majeure comme exclusive de la responsabilité de plein droit, la Cour s’emmêle les pinceaux juridiques, regarde en arrière vers l’article L. 211-15 consacré aux modifications après départ, et décide que, si le client a pu trouver des solutions de remplacement, l’agence aurait pu le faire aussi …

La Cour conclut alors que le premier juge a eu raison de faire supporter à l’agence le prix de ces prestations de remplacement. Non, mille fois non !

Un triste et curieux mélange entre deux textes

La Cour de Cassation a opéré un triste et curieux mélange entre deux textes qui ne traitent pas des mêmes questions.

Ces textes sont L. 211-15 qui organise le remplacement des prestations modifiées après le départ mais que l’agence maîtrise ou doit maîtriser (par exemple, la défaillance d’un TO), aux frais de l’agence ;

Et l’article L. 211-16 qui traite des conséquences d’un événement que personne ne contrôle et qui met fin au contrat de voyage en cours.

En effet, il ne devrait pas être question dans l’affaire « Océane » de prestations de remplacement.

Lorsque les clients doivent rester sur place parce que leur aéroport de retour est fermé, l’agence conserve son obligation d’assistance qui consiste à leur apporter de l’aide dans la recherche d’une solution.

C’est ce que rappelle la Directive européenne sur les voyages à forfaits qui demande, en cas de force majeure, à « l’organisateur et/ou au détaillant partie au contrat de faire diligence pour venir en aide au consommateur en difficulté » (article 5).

Mais cela n’implique pas pour l’agence d’en supporter le prix, au contraire de l’article L. 211-15 qui évoque les prestations de remplacement parce qu’elles sont possibles : elles demeurent donc aux frais de l’agence, dans le cadre de son obligation de diligence, car l’agence conserve la maîtrise des opérations (changement d’hôtel, date de voyage etc.).

Il était logique jusqu’à présent de considérer que, lorsque la force majeure a anéanti tout ou partie des prestations prévues au contrat de voyage initial, l’agence exonérée de toute responsabilité n’avait pas à trouver des prestations nouvelles à ses frais.

Alors non, la force majeure n’a pas disparu !

II. - Force majeure, l’arrêt 'Océane' ou les errements de la Cour de Cassation…
Désormais, il est amusant que la Cour de Cassation – et son humour nous ravirait si les conséquences n’en étaient pas aussi lourdes – puisse imposer aux agences de trouver par exemple un vol retour, comme s’il s’agissait d’une prestation de remplacement au sens de l’article L. 211-15, alors que… les vols retour sont justement …impossibles à la même date, en raison de la force majeure…

Redoutablement tautologique n’est-ce pas ?

A chaque cas de force majeure, et chaque année nous réserve son lot de catastrophes, révolutions, attentats ou épidémies, il nous faudra alors continuer à œuvrer pour que le client assume une partie du risque lié à tout déplacement hors de chez lui, bénéficie certes de l’assistance des professionnels du voyage dans la mise en œuvre des solutions de retour différé ou autre, mais en supporte le coût (et s’assure pour cela ?).

Alors non, la force majeure n’a pas disparu !

Parmi les professionnels du voyage on compte également les compagnies aériennes, qu’un autre arrêt du 8 mars 2012 évoque brièvement... (à suivre)


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Tags : llop
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Commentaires

1.Posté par alexis Selinger le 12/04/2012 11:32 | Alerter
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1- En opposant Code civil -article 1148 - et Code du tourisme articles L211-14, L211-15 et L211-16 Emmanuelle Llop semble oublier la primauté du droit spécial par rapport au droit général, or dans les litiges portant sur la consommation de produits touristiques, c'est le Code civil qui est le droit commun tandis que le Code du tourisme est un droit spécial.

Partant de l'adage qui veut que le droit spécial déroge au droit général, (specialibus generalibus derogans) le Code civil ne peut adoucir et encore moins exonérer les agents de voyages des dispositions prévues au Code du tourisme en matière de remboursement, d'assistance, et de rapatriement des clients consommateurs.

2- La règle étant, si seul le Code civil traite une question de droit il sera appliqué mais s'il est contredit par le Code du tourisme, c'est ce dernier que les juges doivent retenir.

C'est le sens de l'arrêt rendu par la Cour de cassation et plaise ou non à Emmanuelle Llop les juges du fond ne se sont pas « emmêlés les pinceaux ».

Rappelons que les affaires jugées par la Cour de cassation le sont en formation de section, comprenant au moins cinq juges ayant voix délibérative, ou, sur décision de son Président, en formation plénière, comprenant tous les membres de la chambre, quand la décision à intervenir porte sur une question difficile ou pourrait entraîner une modification de la jurisprudence.

3- L'exemple de la tempête de 1999 qu'évoque Emmanuelle Llop pour illustrer son propos n'est pas significatif.

Si dans la nuit du 26 décembre les dégâts causés par cette tempête avaient rendu les routes du département de la Marne impraticables empêchant le transfert des époux M... vers Orly comme prévu au contrat, l'aéroport par contre était en activité le 27 décembre et la destination finale n'était pas mise à l'index par le Ministère des affaires étrangères.

Alors que leur agent de voyages leur avait fait la proposition de décaler d'un jour leur départ, les époux M... ont refusé cet arrangement et ont exigé par voie contentieuse contre droit et raison le remboursement intégral de leur voyage ainsi que des dommages et intérêts.

Tout naturellement ils ont été déboutés de leurs prétentions par le tribunal en 1ère instance puis en appel , la Cour de cassation n'a fait que confirmer le bien fondé des jugements rendus.

4- Contrairement à ce que laisse entendre Emmanuelle Llop l'obligation d'assistance et de rapatriement auxquels sont soumis les professionnels du voyage n'a pas impacté uniformément l'ensemble du secteur mais une minorité de celui-ci.

Il s'agit de la poignée d'opérateurs industriels qui affrètent et gèrent des établissements hôtelier et qui de ce fait, ne peuvent se décharger de leurs obligation sur des tiers prestataires -transporteur, réceptif, hôtelier - comme ont pu le faire majoritairement les agences de voyages et TO assembleurs en 2010/2011.

A l'avenir pour se protéger des risques liés à ce type d'évènement fortuit, il leurs appartient de souscrire une assurance spécifique.

5- La force majeure existe toujours, simplement elle ne peut plus servir de prétexte facile pour des enrichissements sans cause au détriment des consommateurs.

alexis Selinger

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