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Jean-Luc Lagrange : "Réinventons-nous pour retrouver la Grande Famille du Voyage !"

Le regard d'un professionnel sur le métier qu'il quitte



Rédigé par le Dimanche 13 Septembre 2020

Quelques pistes pour travailler un redécollage vers le bon cap

1/ Tout commence avec le porte-monnaie. Dans une famille, il vaut mieux éviter les déséquilibres. J’aime utiliser la parabole de l’avion, qui, si une des ailes est trop chargée, aura beaucoup de mal à tenir son cap. Le circuit du paiement de consommateur devrait mieux être réparti entre les acteurs du tourisme.

De plus, le modèle actuel est basé sur la peur de ne pas être payé, donc de méfiance au lieu de confiance. Dans le cas d’un forfait avec un tour-opérateur, le client donne un acompte de 30% à l’agence de voyages.

Puis un mois avant le départ, le client solde. Le voyageur part et l’agence paye, grâce à sa centrale de paiements jusqu’à 15 jours en moyenne après le retour du client. L’intégralité de la somme est donc restée à l’agence puis à la centrale. Cela permet évidement de pérenniser l’argent du client en cas de défaillance du tour-opérateur.

Lorsque l’argent ainsi placé rapportait des produits bancaires, cela apportait une marge annuelle non négligeable à l’agence et à la centrale. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Si on fait un meilleur partage du montant de l’acompte versé à la réservation (type 40% agence - 20% centrale - 40% tour-opérateur) puis les soldes en deux fois, le 5 (pour les départs du 1er au 15) et le 20 (pour les départs du 16 au 31), cela permet d’équilibrer les trésoreries, de fiabiliser les investissements sur les principaux acteurs (transports - réceptifs).

Pour réaliser cela, il manque juste la confiance. Que les acomptes et les soldes versés aux tour-opérateurs puissent être garantis comme pour l’agence de voyages en cas de défaillance. L’APST et les autres garants, qui assurent déjà les acomptes et les soldes des ventes directes des tour-opérateurs, pourraient créer la même garantie pour les clients d’agence de voyages.

Bien entendu, les tour-opérateurs devront intégrer une cotisation dans leur prix de vente au même titre que pour leurs clients directs. Les agences de voyages hésitent beaucoup à travailler avec les tour-opérateurs et réceptifs non référencés par un réseau. Les risques financiers sont aujourd’hui trop grands.

C’est idiot car nombre de ceux-ci sont souvent d’une qualité identique, voire supérieure à ceux référencés. Combien de formidables personnes devrions-nous rencontrer lors de Top Resa et que nous évitons pour cette raison ?

La création d’un fonds de garantie occasionnel, avec un forfait souscrit par l’agence au prorata du montant total du voyage, puis facturé au client délivrerait la confiance, à l’occasion d’un projet que ne propose pas le réseau.

Cela permettrait un remboursement assuré, avec, maximum, une franchise de 10%, en cas de défaillance.

2/ Dans le cas d’un package dynamique facile (3 ou 4 prestations), les conditions de vente de chaque prestation sont beaucoup trop restrictives. Comment libérer les projets de voyage quand on a une épée de Damoclès financière sur chaque produit composant l’organisation ? Il faut absolument revenir à plus de souplesse pour les professionnels.

On se retrouve dans des situations dans lesquelles les conditions de vente ne sont plus en adéquation avec les conditions d’achat. N’oublions pas que l’agent de voyages a le même tarif que le client sur le Net, il doit donc, non pas faire un mark up, qui le met de suite hors marché, mais faire valoir sa prestation par des frais de services annoncés et expliqués en amont.

Un devis sur un package dynamique est caduque dans les 10 minutes, à cause du Yield. Ce n’est donc plus un devis au sens juridique du terme. Redonnons au professionnel la possibilité de bloquer toutes les prestations souhaitées et un tarif final valable pendant 48 heures. Ce sera déjà un bon début et on ne perdra plus de temps à toujours refaire le devis en annonçant presque systématiquement une augmentation.

3/ Dans le cas d’un package plus complexe (+ de 5 prestations et/ou utilisation d’un réceptif), le réseau est presque indispensable pour alléger le processus de réservation mais la problématique reste la même. On ne décide pas en 48 h, surtout si c’est en famille ou un groupe d’amis.

La différence est que dans ce cas, la marge est globale et donc invisible pour le consommateur. Les formations, les connaissances et l’expérience sont donc indispensables car il faut du temps pour acquérir une, voire plusieurs spécialisations géographiques.

La réputation et le bouche-à-oreille se font presque toujours sur ces critères qui anoblissent le métier d’agent de voyages. 96 h d’option possible au-delà de 5 passagers serait souhaitable.

4/ Je passe sur certaines nouvelles idioties des compagnies, comme ne plus prévenir les GDS en cas de no-show, pour m’arrêter sur leurs conditions de vente. Qu’un billet soit non remboursable et non modifiable, soit ! Mais que l’on soit obligé de racheter un billet pour une coquille sur le nom ou le prénom, cela devient insupportable.

On ne fera pas croire que l’on ne peut rééditer un billet moyennant, certes un forfait type 30 euros ou gratuitement pour un professionnel. Je pense qu’il est également absurde que des billets soient totalement non modifiables au-delà de 500 euros. Arrêtons également les tarifs aériens long-courriers déguisés et, comme disait Albert Camus, « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du Monde ».

Que le prix du vol soit exact + les taxes réellement remboursables. On ne va pas demander aux compagnies de revenir au système des commissions, mais un effort de souplesse sur les conditions de vente aux professionnels serait déjà très apprécié.

5/ Comme cela a déjà commencé chez certains tour-opérateurs, la création de cellules commerciales mutualisées (avec un vrai champ d’action et de pouvoir) par plusieurs compagnies aériennes, par lesquelles le lien humain et technique serait facilité. Leur SAV sera moins demandé et leur service qualité en sera nettement amélioré.

Pour les tarifs, le principe du yield est acceptable, s’il est bien compris par les passagers et juste. C’est quand même un système de dictature et parfois déviant. La solution d’un barème à deux tarifs par classe serait à regarder (un « early booking » et un « late booking », le premier étant beaucoup plus intéressant que le second).

Sinon, on va tout droit vers une absence de prix, la tarification étant faite en fonction de la typologie du client. Inquiétant ! Je ne crois pas que la pléiade de frais ancillaires fait gagner l’argent de pérennisation car cette source de revenus sera complètement volatile et tirée vers le bas, avec le temps. De plus, cela accroît la difficulté des choix, donc le temps de vente, temps difficile à rémunérer car on rajoute des frais sur des frais.

Le transport aérien est un métier noble et doit le rester. On ne prend pas l’avion comme un moyen d’aller d’un point à un autre, il fait partie du plaisir de voyager, de passer un moment agréable, même pour un trajet très court. Donc tout doit être fait pour que son utilisation soit la plus confortable possible, à tous les niveaux.

6/ Tout le monde est d’accord pour dire qu’il est inadmissible que les autorités des Etats n’aient pas obligé les compagnies aériennes à souscrire un système de garantie financière pour protéger les clients en cas de défaillance. Il est urgent de résoudre ce problème et par la même occasion de garantir le professionnel, qui est responsable dans le cas d’un package dynamique. Tout le monde y gagnera.

7/ Il y a certes le syndicat EDV (Entreprises du Voyage), qui apporte d’excellents services et avancées, mais c’est un syndicat patronal. Il faudrait assurément une vraie représentation des salariés agents de voyages pour valoriser ce métier, car la seule passion ne va plus suffire.

La création d’une autre branche dans ces conseils professionnels type « Conseiller-ères en Voyage » avec un statut, au sein de l’EDV, financée par une participation minimale du salarié par adhésion facultative, faciliterait la communication en amont et la remontée des problèmes rencontrés en front-office.

Les éventuelles négociations entre salariés et employeurs n’en seraient que meilleures.

8/ Le devis payant commence faiblement à s’installer sur certaines plateformes web. Le temps consacré à son élaboration est de plus en plus long, d’autant plus que les tarifs en lecture directe ont disparu des brochures.

Dans les faits, le devis payant, ce n’est pas si simple. Il y a le coup de fil pour un billet d’avion, il y a la demande par mail, il y a « le passant qui passe » et bien d’autres situations.

Les délais de réponse demandés sont de plus en plus courts pour des grands projets et, de plus, le devis est déjà caduque après un délai restreint. En revanche, il serait peut-être plus judicieux de faire payer la pose d’option, si celle-ci devenait possible, et remboursable à la confirmation.

9/ Petit message aux loueurs de voiture qui ont été à la limite de l’arnaque, changeant les règles des cartes bancaires sans prévenir personne, et créant ainsi un sentiment de prise en otage des clients et des partenaires. Même les brokers ont subi cette cacophonie sur les nouvelles conditions de location.

Refaire une autre location avec un autre tarif pour juste changer le nom de conducteur, à cause de ce satané yield, sort du bon sens. Essayer de changer vos systèmes de résa pour plus de latitude humaine.

10/ L’obligation de présentation des papiers d’identité, pour vérification à l’agence de voyages (physique ou on line) au moment de l’achat doit devenir obligatoire.

11/ Les marges sont trop faibles pour un risque financier trop important. Entre les petites erreurs humaines impliquant d’énormes conséquences financières pour l’agence (dont les RC PRO ne font de cas que si les clients sont sur place), les arnaques à la carte bancaires, les impayés ET surtout les aléas mondiaux dont un ou deux par an viennent impacter directement le résultat.

Ce modèle économique est trop fragile. Les assureurs RC Pro devraient y réfléchir et proposer sur une vraie solution de protection pour tous ces problèmes, sûrs de se produire.

12/ Les agences de voyages ou tour-opérateurs se font presque toujours l’intermédiaire avec les spécialistes des visas, soit en prenant des frais, soit en ayant une commission. Mais pourquoi ?

L’idée serait simplement d’indiquer un ou deux spécialistes de visa au voyageur pour qu’il puisse faire lui-même ses démarches et ainsi se libérer de cette contrainte qui ne peut plus être dans le champ d’application des agences et des tour-opérateurs. En revanche, la notion d’obligation d’information doit être gardée. Et bien sûr, il y a en tant d’autres à voir ensemble…

Soyons les premiers à réhumaniser nos métiers

Mon père, aujourd’hui disparu, me disait il y a déjà 35 ans, que les affaires qui ne font que de l’argent sont de bien maigres affaires.

Il voyait déjà un changement du temps long en temps court et répétait : "A force de marcher sur la tête, on perd ce que l’on a dans les poches et, dans beaucoup de situations, des problèmes vont être rajoutés aux problèmes".

C’est tellement vrai aujourd’hui. Il faut donc retrouver nos 5 forces* pour ne pas se tourner le dos mais vivre comme ce que nous proposons. Un voyage, c’est une communion entre différents prestataires qui doivent bien se connaitre afin qu’au final, l’enrichissement soit partagé par tous et surtout par les passagers.

* Recouvrons donc la Sagesse Africaine, la Patience Asiatique, la Sérénité de l’Orient, la Maturité de l’Occident et la Jovialité latine.

Le voyage n’est pas une science exacte et beaucoup d’événements, qu’ils soient humains, naturels ou politiques, peuvent complexifier, voire compromettre sa réalisation.

Le monde change toujours les conditions dans lesquelles un voyage peut avoir lieu. Il n’y a pas une année sans un ou deux problèmes majeurs à gérer, qui imposent de s’adapter, d’expliquer et qui contribuent presque toujours à freiner les possibilités et facilités de voyager. Cette partie du métier est extrêmement chronophage et toutes les forces de vente ne sont pas au même niveau pour appréhender les conséquences humaines et financières.

Presque tous les pays sont en croissance touristique, du fait de la démographie mondiale et de l’augmentation moyenne du niveau de vie. Même dans cette période de Covid, exceptionnelle et difficile, on ne peut imaginer un arrêt total des voyages. Un optimisme, de plus ou moins long terme est donc de rigueur, pour affermir nos liens.

C’est pour toutes ces raisons qu’on ne doit pas se mettre de bâtons dans les roues les uns les autres. Au même titre qu’un client choisira, maintenant, plutôt un produit en fonction de son empreinte carbone ou de sa conception, n’ayons pas peur de sélectionner, en priorité, nos partenaires en fonction des agréments et moyens humains qu’ils proposent.

Cette famille disloquée, chacun dans son coin, a tous les atouts pour montrer l’exemple d’un nouveau départ. Nos métiers ont été de formidables terrains de jeu pour les Gafam avec leurs algorithmes toujours plus « micro-targeteur » et déshumanisants. Utilisons-les comme outils, mais opposons-leur notre ensemble de proximité et nos valeurs.

Alors oui ! Les voyages doivent être plus onéreux, car ils seront plus vertueux, plus écologiques, plus équitables, et surtout plus humains, pour un tourisme responsable.

C’est vraiment le moment des remises en question pour pérenniser notre famille et nos professions. Nous avons eu tellement d’aléas, de nécessités d’adaptation, d’altérations et de bouleversements, mais nous sommes toujours présents et nécessaires.

L’hédonisme et la détermination restent nos seuls carburants pour nous inspirer de nouvelles pistes et ainsi reconstruire ce trait d’union magique, que beaucoup d’autres professions nous enviaient.

Après tant d’années passionnantes, je m’envole vers une nouvelle aventure consacrée à transmettre, mais j’aurais toujours cette passion et ce virus du voyage, que je ne cesserai de contaminer et de partager.

Pour conclure, applaudissons les forces vives que sont les agents de voyages, toujours dévoués et enthousiastes, et qui viennent de passer une des pires périodes qui soit en front office, avec leurs voyageurs, leurs clients, leurs amis ou famille.

Bravo et milles mercis ! Je vous aime !

Jean Luc

Mini-Bio

- Mars 2013 - mars 2019 : élu et réélu Délégué Régional Poitou Charentes pour l'APST

- Septembre 2007 - avril 2020 : création d’Armonie Voyages en co-gérance

- Août 2000 - août 2007 : responsable de l'agence Vienne Voyages, Ambassade Fram

- Août 1984 - juin 2000 : responsable d'agence Voyages Bertrand à Poitiers

Précisions d'Armonie Voyages

En ma qualité de Directrice d’Armonie Voyages, je souhaite établir des précisions concernant l’article intitulé « Réinventons-nous pour retrouver la grande famille du voyage » écrit à la seule initiative personnelle de Monsieur Lagrange.

En tout premier lieu, Monsieur Lagrange n’est pas le « patron » d’Armonie Voyages comme indiqué en introduction.

Il a effectivement bien été co-gérant de l’agence, précisément du 19 Juin 2007 au 18 Mai 2018 ; pour ensuite avoir le statut de salarié jusqu’à son départ en avril 2020.

Depuis mai 2018, j’assure aujourd’hui la direction de cet établissement.

Aucun amalgame ne doit donc être fait entre les réflexions personnelles de Monsieur Lagrange qui d’ailleurs a quitté la famille du tourisme depuis avril 2020 et l’agence ARMONIE VOYAGES.

Les propos de cet article appartiennent à Monsieur Lagrange uniquement et ne sont nullement le reflet et la position de l’agence ARMONIE VOYAGES.

Florence GUILBOT

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Commentaires

1.Posté par Jean Hervé le 14/09/2020 09:52 | Alerter
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Amigo jean Luc, on a traversé de si belles années ensemble, prés de trente ans à partager des moments forts, de bons coups professionnels grâce à ton expérience et à un travail acharné. J'étais fournisseur, tu étais distributeur mais nous avons toujours travaillé main dans la main, en Harmonie ;-)
Et la musique nous a aussi rassemblé, après les séances boulot, les boeufs musicaux, dans ton studio ou n'importe où dans le monde où l'on trouvait une guitare et un piano !
Et ton île d'Asie du Sud Est, celle où j'ai passé mon voyage de noces en 1991, ton petit paradis secret, ta retraite pour te ressourcer, j'en ai choisi une autre, pas très loin, pour que l'on sache que nous sommes toujours proches.
Que les dieux et les vents favorables te portent vers tes rêves, ta seconde vie
A très vite l'ami !

2.Posté par Gomes le 15/09/2020 02:39 | Alerter
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Mon cher Jean Luc, l'âge d'or du Tourisme est révolu. Un peu comme notre société en fait, le chacun pour soi prédomine à présent. Incompatible avec votre souhait de voir la grande famille se mettre autour d'une table pour revoir les bases de notre métier.
Après 22 ans dans cette "Grande Famille" mon constat est sans appel...fuyez, il n'y a pas d'avenir dans ce métier dans le fonctionnement actuel ou peut-être que si dans des secteurs de Niche.

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