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#JesuisAgentdevoyages - X. Alain de Mendonça (FRAM/Promovac) : "Nous avons réglé 2 millions d'euros pour rapatrier nos clients !"

#jesuisagentdevoyages, la série


Alain de Mendonça est un gros bosseur. Le redressement de FRAM, il en a fait un point d'honneur face au scepticisme de l'industrie. Après 36 mois d'un travail acharné, déclare-t-il, le voyagiste toulousain était désormais à l’équilibre financier alors qu'il affichait une perte opérationnelle de 23 millions d’euros par an au moment de sa reprise. Le coronavirus vient de ruiner une partie de ces efforts... Interview.


Rédigé par le Lundi 30 Mars 2020

Alain de Mendonça : "Les vrais dégâts économiques de cette crise risquent de se répercuter d’ici 12-18 mois" - DR
Alain de Mendonça : "Les vrais dégâts économiques de cette crise risquent de se répercuter d’ici 12-18 mois" - DR
TourMaG.com - Comment Karavel-Promovacances en général, et Fram en particulier, se sont-ils organisés face la crise sanitaire actuelle ?

Alain de Mendonça :
"Notre première préoccupation a été de rapatrier tous nos clients. Nous avons renforcé les équipes opérationnelles en nommant :

- un leader pour chaque pays, afin de coordonner les actions des réceptifs, des délégués, des chefs de centres Framissima et des équipes du siège

- un leader pour régler les sujets avec les compagnies régulières et un autre pour l’affrètement de vols spéciaux.

Nos centres d’appels sont aussi mobilisés pour répondre aux questions des clients ou agences. Nos clients ont pu aussi compter sur nos équipes à destination et notre cellule 24/7.

Notre service informatique a dû organiser la mise en place du télétravail en 48 heures avec notamment la mise à disposition d’ordinateurs portables pour certains collaborateurs, et aussi l’installation des configurations techniques et les formations nécessaires.

D'autres départements sont en chômage partiel entre 40% et 100% selon les services.

TourMaG.com - Vous avez récemment affrété des avions pour rapatrier tous vos clients. Où en êtes-vous et combien cela vous a-t-il coûté ?

Alain de Mendonça :
"Nous avons affrété des avions sur le Maroc, Djerba, Tunis, Lanzarote, Grande Canarie, Fuerteventura, Tenerife, Louxor et quelques autres destinations.

Cela représente un coût considérable pour notre entreprise, qui sera probablement de l’ordre de 2 millions d’euros car certaines compagnies aériennes ont augmenté leurs prix !

Nos équipes ont travaillé jour et nuit. Cela a été un travail héroïque car certains espaces aériens ont été fermés, des compagnies ont annulé des vols au dernier moment, des transits sont devenus interdits pour les Français…

Dans les rares cas où les avions circulaient encore librement, ce sont parfois les PNC qui ont refusé de monter à bord de peur d’être contaminés.

Nous avions des clients sur 48 destinations différentes. A ce jour nous avons ramené en France quasi 100% de nos clients. Je tiens à souligner le travail extraordinaire et le dévouement de nos équipes, qu’elles soient aux côtés des vacanciers ou parties prenantes des opérations de rapatriement.

Quand un client part avec un tour-opérateur et une agence de voyages, des moyens extraordinaires sont mis en place pour assurer son rapatriement, alors que si le client achète son vol tout seul, il doit se débrouiller par lui-même. Voilà un argument supplémentaire à faire valoir en faveur de notre profession."
 
TourMaG.com - Les compagnies aériennes ont-elles joué le jeu ?

Alain de Mendonça :
"Comme toujours, certaines se comportent mieux que d’autres. Les compagnies aériennes sont très exposées à cette crise car elles ont des actifs lourds avec leur flotte d’avions et aussi des effectifs très nombreux.

Certaines seront nationalisées ou recapitalisées, d’autres feront faillite ou feront l’objet de fusions.

Par conséquent, je ne me permets pas de les juger car je pense qu’en situation de crise, tout le monde vit des moments tragiques qu’il est parfois très difficile de comprendre de l’extérieur."
 
TourMaG.com - Que vous inspire la position de l'IATA par rapport au BSP ?

Alain de Mendonça :
"J’ai lu avec attention l’excellente lettre ouverte de Nicolas Brumelot et je suis solidaire de ses demandes. Si les compagnies aériennes remboursaient tous les PNR sur les vols annulés, cela permettrait de faire des reports sans frais à tous les clients.

A date, cela n’est pas le cas. Cela veut dire que le report des voyages des clients va être d’une grande complexité opérationnelle : il va falloir expliquer aux clients que leur nouveau voyage doit se faire sur la même compagnie aérienne, avec en plus des restrictions sur la date de réservation et la date de départ et parfois même certains suppléments.

Nous analysons chacune des conditions des compagnies aériennes, certaines demandent que les reports de voyage se fassent avant le 31 mai ! Or, je ne pense pas que nos clients soient prêts à réserver dès maintenant leur nouveau voyage..."

"Il est bien trop tôt pour chiffrer l’impact financier..."

TourMaG.com - Quel sera l’impact financier pour le Groupe ? Etes-vous en mesure de tenir ?

Alain de Mendonça :
"Il est bien trop tôt pour chiffrer l’impact financier, nous ne savons même pas quand la crise va s’arrêter.

Nous avons la chance de n’avoir aucune dette financière à notre bilan depuis qu’Equistone (ex-Barclays) est redevenu actionnaire de l’entreprise en 2018 et ils nous accompagneront dans cette épreuve.

Après, si la crise s’éternise… personne ne pourra tenir, que ce soit les compagnies aériennes, les agences de voyages, les hôtels ou les tour-opérateurs (la valeur de l’action de TUI a chuté de 70% en quelques jours et l’Etat allemand vient d’annoncer un prêt d’urgence pour les aider).

Il faudra alors se recycler dans l’industrie du papier toilette ou la production de masques, qui sont les rares industries à profiter de cette crise ! 

Je suis de tout cœur avec les patrons anxieux ou les équipes inquiètes. Restons positifs et solidaires car tout le monde souffre très durement."
 
TourMaG.com - Avez-vous été réglé par les réseaux pour février et qu’anticipez-vous suite à l’ordonnance sur l’à-valoir ?

Alain de Mendonça 
: "A ma connaissance, les réseaux ont payé. De plus, cela est l’un des fondements de la relation entre les réseaux et les fournisseurs : le réseau est garant du paiement de ses adhérents aux fournisseurs.

Si un réseau se mettait en défaut de son obligation de paiement, alors cela provoquerait une remise en question du concept même de réseau.

De plus, il ne faut pas oublier que la distribution a encaissé l’argent de tous les clients en partance pour mars et avril dont les voyages vont être reportés jusqu’à 18 mois plus tard pour certains dossiers.

Pour autant, les tour-opérateurs ont déjà payé cet argent aux compagnies aériennes via le BSP ou aux hôtels à travers les déposits faits en début d’année. Cette crise est une pénitence pour tous les acteurs, mais la trésorerie des tour-opérateurs est la plus en tension.

Sur l’ordonnance à-valoir, je tiens à saluer le travail fait par Jean-François Rial, René-Marc Chikli (SETO) et Jean-Pierre Mas (EDV) car elle va permettre aux agences de pouvoir conserver l’argent des clients le temps qu’on organise les reports de voyages. Cela va aider les agences et je suis content qu’elles puissent avoir ainsi accès à une manne financière."
 
TourMaG.com - J’imagine que la crise actuelle est une grosse déception pour Fram, qui avait redressé la barre ?

Alain de Mendonça
 : "En effet, après 36 mois de travail difficile, Fram était désormais à l’équilibre financier alors que nous avions repris l’entreprise avec une perte opérationnelle de 23 millions d’euros par an !

Nous avons dû repenser une nouvelle entreprise sur la plupart de ses dimensions (marketing, commercial, stratégie produit, organisation interne, achat, yield management, etc.).

L’année 2020 démarrait très bien car nous profitions de l’arrêt de Jet tours, mais aussi de l’ouverture de 11 nouveaux Framissima et 13 nouveaux clubs Jumbo (repris à Thomas Cook).

"Ce sont les périodes sans crise qui sont devenues suspicieuses !"

Maintenant, cela fait 20 ans que je travaille dans cette industrie et j’ai l’impression d’aller de crise en crise… En fait, ce sont les périodes sans crise qui sont devenues suspicieuses ! Mais au fil des années, nous avons renforcé fortement nos capacités de gestion de crise."]b
  
TourMaG.com - Comment voyez-vous la suite des événements et, selon vous, comment va évoluer l’industrie du voyage ?

Alain de Mendonça : 
"Outre cette crise sanitaire, il est maintenant acquis qu’il y aura une crise économique : les plus optimistes parlent d’une récession, les plus pessimistes parlent d’une Dépression comme en 1929 !

La société civile lutte contre ce virus, mais l’économie fait un arrêt cardiaque et l’Etat est en train de faire une piqûre d’adrénaline en plein « cœur » de notre économie française.

Grâce à l’arsenal des mesures du gouvernement - déplafonnement du plafond de chômage partiel jusqu’à x4,5 SMIC, prêts bancaires garantis à 90% par l’Etat, etc. - je pense que cela va limiter le nombre de dépôts de bilan dans les prochains mois.

Cependant, les entreprises vont « charger » leurs bilans en dettes financières qu’il faudra repayer.

Cela veut dire qu'elles devront dégager vite des résultats opérationnels pour rembourser ces créances mais avec la récession attendue et l’impact sur la consommation des ménages, ce sera encore plus difficile. Les vrais dégâts économiques de cette crise risquent donc de se répercuter d’ici 12-18 mois."
 
TourMaG.com - Que pensez-vous de l’action des Pouvoirs publics sur les mesures spécifiques concernant le secteur du tourisme ?

Alain de Mendonça :
"On peut toujours trouver matière à critiquer mais je pense que l’ordonnance sur les bons à-valoir est un geste très solidaire. Toute la profession peut être soulagée de cette victoire."

TourMaG.com - Comment Fram va-t-il gérer les reports des voyages annulés ?

Alain de Mendonça :
"Avec nos partenaires distributeurs, nous allons appliquer les consignes de l’ordonnance publiée le 25 mars.

Cependant, il nous faut avant clarifier la politique des compagnies aériennes car certaines ne veulent pas rembourser et risquent d’imposer indirectement des frais aux TO s’il n’est pas possible de trouver un voyage de report au même prix sur les classes de réservations initiales.

Nous sommes en train d’analyser compagnie par compagnie. C’est un vrai « mikado »...

De toute manière, Fram n’autorise pas encore les reports car nous n’avons aucune garantie que les espaces aériens et aussi nos principales destinations estivales (Italie, Espagne, Grèce, Maroc, Tunisie) soient accessibles pendant les prochains mois.

De même, il est fort probable que les compagnies aériennes réduisent fortement leur nombre de vols car pour le moment, leur flotte est immobilisée !

D’après l’ordonnance, nous avons un mois (notification à-valoir) + trois mois pour faire les propositions de report.

A date, les conditions sanitaires mondiales ne sont clairement pas réunies pour autoriser les reports. Il nous faut tous être prudents..."

Jean Da Luz Publié par Jean Da Luz Directeur de la rédaction - TourMaG.com
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