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Non, le tourisme ne remplacera pas l’agriculture 🔑

L'Ă©dito de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Outre les guerres massives et interminables, outre les plans d’austérité, la délinquance ordinaire des petits et gros « dealers », la crainte de prochaines inondations et la dramatique pénurie de neige en montagne mettant très à mal l’avenir de nos massifs et de leur activité reine, on ne peut fermer les yeux sur les grèves du rail, la crise de l’immobilier et autres malaises minant notre société notamment le malaise agricole. Un malaise lancinant, tuant tous les ans quelques dizaines de travailleurs désespérés, impuissants à endiguer le marasme économique qui les touche et touche à la fois l’ensemble de la population. Ainsi que, par ricochet, le monde du tourisme…


Rédigé par le Lundi 26 Février 2024

Des milliers d’agriculteurs partout dans le monde ont intégré à leur emploi du temps, les activités liées au tourisme, épaulés par les chambres d’agriculture, conseils départementaux, régionaux, des ONG, des ministères… - Depositphotos.com  Auteur AlexGukBO
Des milliers d’agriculteurs partout dans le monde ont intégré à leur emploi du temps, les activités liées au tourisme, épaulés par les chambres d’agriculture, conseils départementaux, régionaux, des ONG, des ministères… - Depositphotos.com Auteur AlexGukBO
… Porte de Versailles à Paris, le Salon de l'agriculture a donc ouvert ses portes et n’a pas fait fête au président de la république. Un peu partout en France, les cortèges de tracteurs ont repris les chemins de la contestation.

Reposant fermement les problèmes subis par le monde agricole, les paysans en colère veulent se faire entendre et en finir avec les injonctions contradictoires : celles de l’Union Européenne d’un côté et de la France de l’autre, celles des écologistes d’une part et des agriculteurs conventionnels de l’autre.

Il est vrai qu’en dépit de la cause agricole commune à défendre, la vie des campagnes dans son ensemble n’est pas de tout repos.

Y compris dans sa version touristique de plus en plus dynamique mais porteuse elle aussi de quelques conflits. Que s’est-il passé ?


La naissance du « tourisme vert »

Depuis fort longtemps, notamment après-guerre, le tourisme s’est développé dans des régions désertées par l’exode rural et s’est positionné comme une activité majeure pour un territoire accueillant quelque 30% des nuitées touristiques françaises.

Notamment, grâce aux résidences dites secondaires et grâce à des réseaux comme Bienvenue à la ferme, Accueil paysans ou les Gîtes de France. Nés dans les Alpes du sud, la Savoie, l’Auvergne compenser l’activité agricole défaillante, les Gîtes dont les premiers hébergements ouverts en 1951 donneront naissance à la Fédération nationale des Gîtes de France en 1955, ont très tôt donné l’exemple d’un modèle d’habitat touristique respectant à la fois les paysages, l’environnement, les ressources et une population.

Et cela, grâce au dynamisme, la créativité et l’ingéniosité de paysans, élus et fonctionnaires œuvrant ensemble pour survivre dans un milieu difficile où l’hôtellerie avait été ravagée alors même que les premières vagues de vacanciers raffolaient des atouts de nos campagnes : son espace, ses paysages, son patrimoine, ses traditions, son air pur et ce contact avec la nature déjà fort recherché et apprécié…

Quelque 70 ans plus tard, des milliers d’agriculteurs partout dans le monde ont intégré à leur emploi du temps, les activités liées au tourisme, épaulés par les chambres d’agriculture, conseils départementaux, régionaux, des ONG, des ministères…

Transformés en hôteliers, ils ont contribué à faire du territoire rural un espace touristique hospitalier, animé, dépaysant tout en offrant des loisirs adaptés à tous les goûts…

On ne parlera donc plus désormais de « tourisme rural. », une terminologie un brin technocratique et désuète et l’on développera un « tourisme vert » tellement plus vendeur, que les néo ruraux attirés par la qualité de vie de nos campagnes abonderont en proposant à leur tour des hébergements de plus en plus haut de gamme ainsi que quelques tiers-lieux et autres espaces originaux combinant les fonctions de musées, parcs animaliers, terrains d’accro branches…

Peu à peu, certaines régions mieux dotées que d’autres comme le Lubéron ou le Périgord noir vont ainsi se « gentrifier ». Parfois à l’excès, provoquant une rivalité commerciale mais aussi les premiers conflits avec la population locale dont les coqs sont attaqués parce qu’ils chantent trop tôt le matin alors que les cloches des églises font l’objet de ridicules plaintes et que les effluves de certains élevages s’offrent à la vindicte populaire à cause des émanations de pesticides répandus en abondance sur les vignobles ou les champs de blé…

Les tensions s’intensifient

Ecartelés entre les intérêts de plusieurs catégories de population, les territoires ruraux subissent par ailleurs et irrémédiablement trois autres peines : la fermeture des écoles, des hôpitaux, des banques… qui poussent même quelques néo ruraux, jeunes et télétravailleurs à plier bagage et à rejoindre des villes moyennes, plus faciles à vivre.

Les nuisances liées au dérèglement climatique notamment la sécheresse et les inondations. Sans compter dans certaines régions, les pollutions liées au « sur tourisme » ainsi que toutes les nuisances liées par les agriculteurs à l’usage des pesticides et autres fongicides détruisant les sols et l’air.

Le hiatus entre une campagne idéalisée et une campagne réelle est donc complet. Entre une campagne qui fait les brochures touristiques et celle qui produit des légumes, des fruits, du lait, de la viande à grand peine, écrasée par des réglementations et la concurrence des pays voisins, les tensions s’exacerbent d’autant plus que l’opinion considère que la campagne doit être en adéquation avec le développement durable et préserver ses éco systèmes !

Les paysans sauveront-ils la campagne ?

Et, c’est malheureusement bien ainsi qu’il faut voir la campagne d’aujourd’hui et de demain. Il faut la voir comme un territoire résolument mixte où se cohabitent des populations dont les intérêts doivent être respectés, malgré leurs divergences.

Mais, où, in fine il serait logique de donner l’avantage à ceux qui y travaillent car ce sont ceux qui nous nourrissent et ne peuvent pas être remplacés par des organisateurs de stages de permaculture ou de yoga, confortablement installés dans des gîtes et chambres d’hôtes.

Dans un excellent plaidoyer, la géographe Sylvie Brunel est d’ailleurs de cet avis. Selon elle qui a par ailleurs été présidente d’Action contre la faim : le monde a besoin de ses paysans pour nourrir l’humanité toute entière.

Et mieux, les touristes ont besoin des paysans car ce sont eux qui entretiennent nos campagnes, ses paysages, ses chemins, sa diversité végétale et animale et plus que tout autre des traditions indispensables à notre réputation touristique, surtout quand celles-ci diffusent dans nos assiettes d’excellentes charcuteries, légumes et fruits.

Alors que faire ? Pour combattre les menaces et les contradictions qui plus que sur d’autres territoires touristiques risquent de provoquer des crises, ne faut-il donc pas repenser et réinventer cette immense partie de notre pays et notre tourisme plus vulnérable qu’il y parait ?

Josette Sicsic
Josette Sicsic
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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