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La France va-t-elle perdre son leadership mondial en 2021-2022 ?

La tribune de Rachid Gorri, expert en marketing du tourisme et des marques


La France pourrait-elle perdre sa place de leader dans le classement international touristique ? C'est ce que pense en tout cas Rachid Gorri, expert en marketing du tourisme et des marques, dans cette tribune.


Rédigé par Rachid GORRI le Dimanche 31 Mars 2019

Depuis une quinzaine d’années environ, la France ne cesse de décliner sans provoquer la moindre inquiétude, ni de la part des gouvernements qui se sont succédé, ni du côté des professionnels - Depositphotos.com sborisov
Depuis une quinzaine d’années environ, la France ne cesse de décliner sans provoquer la moindre inquiétude, ni de la part des gouvernements qui se sont succédé, ni du côté des professionnels - Depositphotos.com sborisov
2021-2022. Le glas a déjà sonné la fin des schémas et des cartes classiques du tourisme mondial.

Les bouleversements géopolitiques, géostratégiques et sociaux divers et durables qui secouent la France et les Etats-Unis en particulier, mais qui impactent aussi le monde entier dans une certaine mesure, sont là pour nous le montrer.

Hélas, le destin « touristique » de la France était déjà prévisible.

Depuis une quinzaine d’années environ, ce pays ne cesse de décliner sans provoquer la moindre inquiétude, ni de la part des gouvernements qui se sont succédé, ni du côté des professionnels.

La France, malgré une expérience qui n’est plus à prouver dans le domaine du tourisme et des efforts produits - plus ostentatoires que réels -, se dirigeait, doucement mais sûrement, vers une voie sans issue.

Qui prendra la première place du podium ?

Sauf que maintenant, il est clair que la « destination France » est quasiment arrivée sur le seuil du Louvre des vieilles championnes du monde de tourisme.

Qui prendra alors définitivement la première place du podium en 2021 ou 2022 : la Chine ou l’Espagne ?

Ces deux géants du tourisme bourrés de conviction et de volonté, ont un objectif commun : évincer les USA et la France du TOP 5 des destinations touristiques.

Ces deux compétiteurs acharnés parviendront-ils à leur fin et à se hisser à la première et à la deuxième place de l’échiquier international ?

La réponse est oui, compte tenu des chiffres réalisés, de leurs enviables classements précédents, mais surtout des stratégies mises en place pour relever ce challenge de taille.

Un petit bémol concernant les Etats-Unis : l’Oncle Sam a plus de chance de décrocher en 2022 plutôt qu’en 2021.

C’est à l’Espagne que reviendra à coup sûr le jackpot.

La péninsule ibérique, eu égard au tout « petit reliquat » qui la sépare de la France en nombre de visiteurs, possède 99% des chances de ravir à la fois la place de première destination mondiale en nombre de visiteurs, mais aussi la première place mondiale en termes de recettes réalisées.

La France ignore et sous-estime plusieurs phénomènes

Sachant que cet athlète du tourisme - de toujours - détient depuis de nombreuses années le rang de second mondial en termes de recettes, après les Etats-Unis.

Voici venu le temps des regrets, car la France n’est presque plus en compétition.

Ce pays, après des décrochages réguliers et surtout imprévus, pratiquant encore et toujours la politique de l’autruche, poursuivra inexorablement son déclin.

La France ignore et sous-estime avec arrogance et condescendance les phénomènes suivants qui l’encerclent :

1) L’arrivée massive sur le marché du tourisme de très nombreuses stratégies silencieuses, nouvelles ou renouvelées et des destinations aux rapports qualité/prix jamais encore égalés comme : la Grèce, l’Egypte, la Turquie, le Togo, la Géorgie, l’Argentine, la Hongrie, le Cambodge, le Honduras, la Bulgarie, la Bolivie, le Viêt Nam, le Sri Lanka, l’Inde, et bien d’autres encore.

Rappelons tout de même que la majorité de ces destinations n’ont aucune envie de perdre, eu égard à la précarité de leurs économies.

2) Le développement agressif de l’aérien low cost moyen et long-courrier qui continuera de « siphonner » la demande interne - les nationaux - en permettant aux Français de choisir des destinations étrangères pour le même prix et pour davantage de prestations.

3) Le dispositif d’aide et de soutien au développement du tourisme des pays pauvres (Afrique et Asie principalement), mis en place par l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT).

4) Le touriste d’aujourd’hui n’est ni celui d’hier, ni celui de demain… Les tendances orientées nouveaux tourismes, les nouvelles attentes des touristes d’aujourd’hui et de demain, le désir de vivre de nouvelles expériences, l’envie de changement, etc.

5) b[Le caractère toujours « has been » de la plupart des produits touristiques français.]b

6) La prise de conscience (depuis déjà fort longtemps) des destinations touristiques sud-méditerranéennes - très proches de la France à la fois géographiquement et culturellement - de l’importance du tourisme pour leurs économies chancelantes et l’équilibre de leurs nations.

Ces pays savent à présent qu’ils n’ont pas le choix et qu’il est urgent d’investir massivement dans le tourisme, eu égard aux nombreuses opportunités économiques qu’il recèle. C’est un fait, aujourd’hui, que le tourisme est leur seule chance de survie.

Par conséquent, ces pays sont obligés de mettre des bouchées doubles pour adapter sans attendre leurs destinations aux attentes des touristes européens et internationaux.

7) Les institutionnels français dont la stratégie est dirigée principalement par l’Etat croient que la demande touristique internationale est élastique à l’infini et que l’offre touristique est quant à elle, verrouillée et limitée.

Cette stratégie, en faisant abstraction du fait que de l’autre côté, des offres touristiques grandissantes se diversifient et adaptent leurs atouts à vitesse grand V aux nouvelles attentes des touristes internationaux, est vouée à l’échec.

Il serait souhaitable, pour compléter leur analyse, de tenir compte de l’évolution de l’offre sur le plan international, d’une part pour limiter les dégâts et les risques encourus par le tourisme français et, d’autre part, pour rendre cohérente leur stratégie face à ce contexte pour le moins confus.

8) La France enregistre depuis fort longtemps un des plus mauvais rapport qualité/prix de toutes les destinations touristiques du monde. Par conséquent, la durée moyenne de séjour (DMS) est réduite. Ainsi, des centaines de milliers d’emplois sont en jeu.

Il est urgent de repenser les modèles économiques des activités, de baisser le prix des prestations, de « rafraîchir » l’offre pour augmenter la DMS et devenir plus compétitive, tout simplement.

9) Paris, perd une place dans le classement global, passant de la 37e à la 38e place des villes les plus attractives en termes de qualité de vie. Paris est loin de faire partie des villes les plus attractives d’Europe. Cf. tableau du Cabinet Mercer du mois de mars 2019 ci-dessous.
La France va-t-elle perdre son leadership mondial en 2021-2022 ?

La France, vers une 3e place mondiale ?

Autant de raisons, de stratégies, de motivations, de transformations, de surprises et de nouveautés qui feront que d’ici à 2025 (au plus tard), la France occupera au mieux la troisième place mondiale en nombre de visiteurs et la cinquième ou sixième place en termes de recettes.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Voici les principaux leviers d’action pour sauver le tourisme français. D’abord, il faut en finir avec les blablas stériles, oiseux et vains mais surtout répétés sans vergogne chaque année par les mêmes porte-paroles.

Voici les suggestions qui me paraissent urgentes à mettre en œuvre pour « réparer » la machine du tourisme français et mettre ainsi fin à son déclin.

1) Refaire le diagnostic complet du secteur du tourisme, car celui qui en est fait est totalement faux.

Pour réussir un diagnostic - phase essentielle de toute stratégie -, il faut commencer par changer les équipes chargées de le faire et ensuite poser le « stéthoscope » là où il faut.

Les diagnostics réalisés jusqu’à présent par les « docteurs du tourisme » sont erronés car les équipes en charge de ce projet se sont contentées d’ausculter les chevilles au lieu de commencer par les organes vitaux, comme le cœur et les poumons, tout comme le ferait un médecin digne de ce nom.

Cette figure de style, symbolisant justement la manière dont les études et les diagnostics sont réalisés (trop souvent biaisée) n’est pas faite que pour rire, mais bien pour faire réfléchir.

2) Passer au peigne fin la totalité des besoins en formation du secteur du tourisme.

Il n’échappe à personne que la formation est un outil décisif pour ce secteur. Comment, me diriez-vous ? Par l’application intelligente, souple et simple d’une GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences).

Ce dispositif, s’il est appliqué dans les règles de l’art, permettra d’anticiper les besoins en ressources humaines grâce à l’analyse des ressources présentes, pour pouvoir adapter et combler ces besoins essentiels.

3) Valoriser les métiers du tourisme.

Cette affaire concerne tout le monde : il faut en finir avec cette image de « voie de garage », cette mise à l’écart des métiers du tourisme par rapport aux autres secteurs de l’économie.

Les forces à mobiliser pour donner envie de faire carrière dans ce domaine sont l’éducation nationale, l’enseignement supérieur privé et public, les chambres syndicales, les régions, les entreprises du secteur du tourisme…

4) Accorder une autonomie aux régions pour qu’elles puissent décider de leur stratégie touristique, à l’instar de l’Espagne.

Cela passe entre autres par l’attribution de budgets proportionnels à leurs tailles, à leurs moyens et à leurs ambitions, mais aussi instaurer la suppression d’ingérences injustifiées qui auraient pour effet d’entraver toute initiative émanant des régions.

5) Accorder un statut particulier au tourisme : baisser les impôts et les charges qui pèsent sur les petites entreprises du secteur.

Il faut changer de mode de gestion de la taxe de séjour en favorisant la transparence sur son utilisation et en instaurant un droit de regard pour les entreprises qui y sont assujetties.

6) Davantage de pédagogie : le secteur du tourisme est très réglementé et de ce fait, mérite un peu plus de « diplomatie » et de bienveillance pour mieux accueillir et appliquer les lois et les normes toujours plus contraignantes pour les entreprises du tourisme.

7) Assurer l’égalité de traitement : qu’elles soient petites, moyennes, de taille intermédiaire ou très grandes, l’administration doit considérer et traiter ces TPE, PME, PMI, ETI ou très grands groupes du tourisme, de la même manière.

8) La politique étrangère : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! » Danton, (1759-1794), avocat au Conseil du Roi et homme politique français.

Chaque mot prononcé par un Président de la République ou un de ses ministres engage la France et, par ricochet, impacte les relations internationales qui impactent à leur tour le tourisme français.

Il est indéniable que les deux ou trois derniers gouvernements qui se sont succédé ont été dans ces domaines - diplomatie et relations internationales -, les moins performants jamais connus par notre pays.

Ce n’est pas par hasard que le déclin économique global du pays se soit prononcé aux mêmes périodes. Pouvons-nous encore nous attendre à des merveilles économiques et diplomatiques ?

Pourtant il y a plus de deux siècles, la France a été, sur le plan diplomatique, un leader mondial incontesté. Mais ça, c’est du passé ?

Rachid Gorri - DR
Rachid Gorri - DR
Rachid GORRI est consultant en marketing et communication, professeur des écoles de commerce et expert en marketing du tourisme et des marques.

Pour le contacter : conseil@pointdevuemarketing.com

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Tags : France, gorri
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