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Loi climat : la suppression des lignes domestiques "est totalement disproportionnée"

l'interview de Nicolas Paulissen, Délégué Général de l’UAF


L'Union des aéroports français (UAF) et la branche européenne du Conseil international des aéroports (ACI Europe) ont porté plainte devant Bruxelles contre l’Etat Français que les deux associations accusent de "tordre" la règlementation européenne. La suppression de certaines lignes aériennes intérieures prévue dans le cadre de la loi « Climat et résilience » ne respecterait pas le droit communautaire.
TourMaG.com a fait le point avec Nicolas Paulissen, Délégué Général de l’UAF.


Rédigé par Christophe Hardin le Mercredi 20 Octobre 2021

Nicolas Paulissen (UAF) sur la loi climat et la suppression de certaines lignes aériennes domestiques : "On voit que nous avons là une mesure totalement disproportionnée par rapport même à l’objectif de la mesure et totalement inefficace dans la lutte contre le changement climatique" - Depositphotos.com Auteur peshkova
Nicolas Paulissen (UAF) sur la loi climat et la suppression de certaines lignes aériennes domestiques : "On voit que nous avons là une mesure totalement disproportionnée par rapport même à l’objectif de la mesure et totalement inefficace dans la lutte contre le changement climatique" - Depositphotos.com Auteur peshkova
TourMaG.com - Lors des débats parlementaires autour de l’article 36 de la loi climat (en mars 2021 ndlr) vous aviez annoncé que vous saisiriez la commission européenne. C’est chose faite. Il s’agit bien d’une plainte ?

Nicolas Paulissen : Oui il s’agit bien d’une plainte formalisée.

TourMaG.com - Contre qui ?

Nicolas Paulissen :
C’est une plainte contre l’Etat Français pour non-respect de la règlementation européenne puisqu’il nous semble que la disposition législative qui est maintenant bl’article 145 de la [loi « climat et résilience » est incompatible avec le droit communautaire]b et notamment avec l’article 20 du règlement européen 1008/2008.

Quand on lit cet article 20 on comprend bien qu’il a été écrit pour répondre à des « atteintes graves à l’environnement »,ponctuelles et locales. En fait pour des cas de pollution temporaires.

Nous demandons donc à la commission d’enjoindre à la France d’abroger cet article 145.

TourMaG.com - Avez-vous une idée des délais d’instructions ?

Nicolas Paulissen :
La commission est censée instruire le dossier et se prononcer sur la plainte avant l’entrée en vigueur de la mesure, à savoir le printemps 2022.

TourMaG.com - Que contestez-vous précisément ?

Nicolas Paulissen :
Nous contestons deux choses. L’article 20 prévoit bien que lorsqu’on suspend un mode de transport pour des atteintes graves à l’environnement ce ne peut être que pour 3 ans maximum. Or, la lutte contre le changement climatique s’inscrit dans le temps long et est incompatible avec des mesures d’une durée de seulement trois ans.

Les objectifs de la commission en matière de réduction des émissions de CO2 sont à horizon 2030 voire2050. Il y a selon nous un véritable détournement de l’article 20 pour permettre à la France de passer cette interdiction de certains vols intérieurs. Et je rappelle que l’ article 20 est une dérogation au principe général de libre prestation de service pour les transports aériens à l’intérieur de l’Union Européenne.

L’article 20 s’applique seulement s’il y a une atteinte grave à l’environnement. Or aujourd’hui personne n’a prouvé que c’est le cas pour la ligne Bordeaux – Orly par exemple.

Vous n’avez aucune étude d’impact qui le dit.

Crainte d'une jurisprudence

TourMaG.com - Effectivement on peut lire dans la presse les déclarations de Thomas Juin, Président de l’UAF qui affirme que les lignes concernées par la loi "Climat et résilience" "ne représentent en cumulé que 0,23 % des émissions de CO2 du transport aérien intérieur français et 0,04 % des émissions des transports en France".

Nicolas Paulissen :
Oui on voit que nous avons là une mesure totalement disproportionnée par rapport même à l’objectif de la mesure et totalement inefficace dans la lutte contre le changement climatique.

TourMaG.com - D’où tenez-vous ces chiffres ? C’est une étude que vous avez réalisée ?

Nicolas Paulissen :
Oui mais ces chiffres proviennent de sources sures.

TourMaG.com - Vous craignez une forme de jurisprudence qui ferait que cette interdiction touche d’autres lignes en Europe ?

Nicolas Paulissen :
Complètement.

Nous ne pouvons accepter qu’il y ait dans cette affaire un fondement juridique qui soit incertain. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le dire. Si vous relisez l’avis du conseil d’Etat sur la disposition législative d’interdiction de certaine linges domestiques vous pourrez constater clairement qu’il est fait deux reproches à l’Etat Français.

D'une part l’absence totale d’étude d’impact économique et environnemental et d'autre part une interrogation sur le fondement juridique de la mesure formalisée ainsi : « Le Conseil d’Etat appelle l’attention du gouvernement sur le fait que l’article 20 précité semble avoir été conçu afin de permettre aux Etats de faire face à des problèmes graves d’environnement en présentant un caractère locale et temporaire, ce qui n’est pas le cas des gaz à effet de serre ».

Nous souhaitons donc que la règlementation européenne ne soit pas détournée de son objectif initial et nous attendons que la Commission nous dise ce qu’elle pense de la mesure française.

Pas d'étude d'impact

Nicolas Paulissen - DR
Nicolas Paulissen - DR
TourMaG.com - Depuis votre action, avez-vous des soutiens Bordelais qui se sont manifestés. On a envie de vous demander si Monsieur le maire de Bordeaux vous a encouragé ?

Nicolas Paulissen :
(rires ) Le maire de Bordeaux non assurément. Mais certains milieux économiques bordelais et notamment beaucoup d’entreprises situées autour de l’aéroport de Bordeaux ayant besoin de la ligne Bordeaux-Orly pour travailler avec la zone sud de Paris riche d’industries et d’activités se sont largement exprimées publiquement sur la question. Ils sont en phase avec notre position.

Ils dénoncent eux aussi des effets collatéraux économiques et environnementaux qui n’ont pas été pris en compte car il n’y a eu aucune étude d’impact.

Que vont devenir ces 566 000 personnes qui prenaient l’avion entre Bordeaux et Orly ? Que vont-ils faire ? Vont-ils tous prendre le train ? Aucune étude ne le dit. Se tourner vers la voiture, se tourner vers l’aviation privée ? Est-ce l’effet recherché ?

A tout le moins, et nous le disons dans le libellé de notre plainte, une étude d’impact économique et environnemental était nécessaire avant de prendre la mesure.

TourMaG.com - Certaines compagnies françaises opérant d’Orly vers le long-courrier (Air France, Corsair French Bee, Air Caraïbes ) pourraient souffrir de l’absence de vols Bordeaux- Orly, les avez-vous appelés à vous rejoindre ? se sont-elles manifestées ?

Nicolas Paulissen :
Notre initiative est soutenue par de nombreuses compagnies aériennes. Il faudra également prendre en compte la réaction des usagers qui auront à subir une forte dégradation de la qualité de service.

Quand une famille partira de Bordeaux vers Orly avec des bagages lourds et qu’elle devront emprunter le train de Bordeaux jusqu’à la gare de Massy, elle ne pourra pas bénéficier de fréquences nombreuses et elle devra ensuite rejoindre l’aéroport d’Orly soit en bus, navette ou taxi.

Cette dégradation de la qualité de service et de la mobilité, avec désormais un seul moyen de transport en situation de monopole, parfois en grève, se fera forcément ressentir durement.

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