Or le secteur du transport y contribue largement : en France, il représente 31 % des émissions de GES, en Europe 22 % et 17 % au niveau mondial.
Une prise de conscience des pouvoirs publics
Récemment, quelques annonces « chocs » ont rendu incontournables ces questions de mobilité. Paris est devenue, depuis août dernier, une vaste « zone à 30 km/h », confirmant une tendance déjà bien engagée au niveau européen, quand d’autres villes rejoignent régulièrement le mouvement.
La France a en effet été rappelée à l’ordre en 2019 par la Cour de justice de l’Union européenne, pointant du doigt 12 agglomérations françaises « coupables » d’émettre des taux de dioxyde d’azote (NO2) supérieurs depuis 2010 aux seuils autorisés.
Le législateur français s’est donc emparé, ces dernières années, de la question des transports. Issue des Assises de la mobilité tenues en France en 2017, la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 pose, à travers trois piliers, les bases d’une nouvelle mobilité des personnes : investir dans les transports (notamment ferroviaire) ; encourager des solutions alternatives au véhicule individuel ; inciter les particuliers et les collectivités à tendre vers l’objectif de neutralité carbone.
Mobilité hydrogène : comment la France tente d’accélérer sa conversion https://t.co/l02g72JXXl pic.twitter.com/L7NF5nDcmS
— The Conversation France (@FR_Conversation) March 2, 2020
Quant à la stratégie nationale bas carbone (SNBC), dont la dernière version a été adoptée en avril 2020, elle donne des orientations pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (ce qu’on appelle aussi « décarbonation ») et réduire l’empreinte carbone des Français.
Encore de nombreux « trous dans la raquette »
Pourtant, alors que la France tente d’imiter certains de ses partenaires européens nettement plus en avance sur cette transition des transports, le chemin reste long.
Si le plan « vélo et mobilités actives » présenté par le gouvernement en septembre 2018 a pour objectif de tripler la part modale du vélo en France, celle-ci resterait malgré tout à moins de 10 % des déplacements quotidiens (contre 30 % au Danemark ou 43 % aux Pays-Bas).
La France est à la traîne, montrant combien il est difficile de passer du discours aux actes.
La loi d’orientation des mobilités octroie aux communautés de commune rurales une compétence mobilité… mais aucun financement alloué. https://t.co/lpsWKkENPZ
— The Conversation France (@FR_Conversation) May 5, 2021
Ainsi, malgré un contexte politique et réglementaire qui incite voire contraint à ces évolutions, reste une question : celle de savoir comment emmener tous les acteurs dans cette grande aventure de la transformation de la mobilité et, notamment, comment y faire adhérer les citoyens.
Au-delà des chiffres, ce sont des modes de vie qu’il va falloir faire évoluer. En 2017, 74 % des Français utilisent leur voiture personnelle pour se rendre sur leur lieu de travail ; sur courte distance (inférieure à 5 km), c’est le cas pour 60 % des déplacements.
Parallèlement, sur 80 % du territoire français, aucune solution de transport collectif au quotidien n’est apportée aux habitants, ce qui constitue une source d’inégalités indéniable. Ainsi, 1 Français sur 4 a déjà refusé un emploi faute de moyen pour pouvoir s’y rendre…
Résistances au changement
Si le gouvernement joue effectivement son rôle en donnant un cadre sur ce vers quoi doit tendre la mobilité demain, les acteurs publics au niveau local (collectivités) et privés (citoyens, entreprises, investisseurs) se mobilisent eux aussi, conscients qu’il faut accélérer.
Certains territoires s’emparent de la mobilité et tentent de structurer des réponses locales, construites avec les différents acteurs et cohérentes avec les spécificités géographiques, démographiques et économiques du territoire considéré, sur des projets ciblés – de type schéma cyclable – ou plus généraux. Cela nécessite une bonne articulation, pas si évidente dans les faits, entre l’échelon local et le national.
Les citoyens restent le plus souvent dans une attitude passive, voire hostile, les résistances au changement étant avérées. Car même s’ils sont bien souvent en attente de solutions alternatives, ils pèsent le pour et le contre : qu’est-ce que je perds, qu’est-ce que je gagne ?
Certes, les motifs de réagir sont nombreux, au premier rang desquels les aspects sanitaires. Des études ont mis en évidence l’impact néfaste de la pollution de l’air, avec des effets indirects voire directs sur notre santé.
Passer à des moyens de transport plus propres (véhicules moins polluants) ou à des mobilités douces (marche à pied, vélo…) – lorsque c’est possible – nécessite une prise de conscience forte.
Retrofit, autopartage, covoiturage…
On le sait bien : les comportements et les habitudes ne se modifient que si un avantage se dessine dans le rapport entre le bénéfice et le sacrifice. Les nombreux travaux sur le management de l’innovation montrent notamment que la proposition de valeur est centrale dans l’appropriation des nouveautés, au risque d’imaginer des produits ou services en décalage complet avec les attentes des utilisateurs.
Innover pour relever le défi de la mobilité, c’est par exemple permettre à chacun de connaître l’empreinte carbone de ses déplacements et la diminuer, disposer d’alternatives grâce à de nouveaux produits et services, repenser une bonne articulation entre transport individuel et collectif, expérimenter les bienfaits des mobilités douces et actives, prendre soin des personnes à mobilité réduite, améliorer le cycle de vie de nos véhicules, développer le recyclage, promouvoir une économie circulaire.
Certains n’hésitent pas à s’y atteler : « retrofit » (remplacement d’un moteur thermique par un électrique sur un véhicule d’occasion), amélioration des batteries, autopartage, covoiturage, verdissement et optimisation des flottes, etc.
De jeunes entrepreneurs cherchent à décarboner, parfois accompagnés par d’autres, plus expérimentés, qui s’engagent à leurs côtés sur ces projets « à impact ». C’est une manière de favoriser l’émergence d’une nouvelle génération audacieuse et réaliste, pour un cycle vertueux.
Triple enjeu économique, social et environnemental
En résumé, ces initiatives nécessitent : une mobilisation des entrepreneurs et des citoyens pour faire émerger l’offre (de produits ou services) et la demande ; une bonne articulation de l’offre de transport à l’échelon local et national ; une coopération publique – privée pour lever ensemble certains freins réglementaires ou financiers par exemple.
Transformer la mobilité, c’est à la fois un enjeu économique qui passe par l’expérimentation, l’innovation et la recherche de modèles soutenables (car il n’y a pas, par exemple, de transport « gratuit », hormis parfois pour l’usager).
C’est aussi un enjeu social et sociétal, dans lequel la participation citoyenne a toute sa place. C’est enfin, évidemment, un enjeu environnemental fort, pour la préservation de notre cadre de vie.
Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, Groupe ESC Clermont et Florence Puiseux, Enseignante, responsable du MSc « Transforming Mobility », Groupe ESC Clermont
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.