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"Le CDG Express... Est un gros enfumage !" selon Jean-Pierre Sauvage (BAR)

Le représentant des compagnies aériennes en France revient sur l'actualité


Nous vous présentions hier, les enseignements du rapport d'Eurocontrol sur le ciel européen en 2040. Aujourd'hui le président du BAR, Jean-Pierre Sauvage revient sur ce dossier, mais aborde aussi la privatisation d'ADP, les Assises, ou encore les contrôleurs aériens. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le représentant des compagnies n'a pas sa langue dans sa poche.


Rédigé par le Jeudi 23 Août 2018

TourMaG.com - Cet été, Eurocontrol a sorti un rapport sur le ciel européen en 2040 (lire l'article sur le dossier, en cliquant ici). Je suppose qu'en tant que président du BAR (Board of Airlines Representatives) vous avez feuilleté ces 40 pages...

Jean-Pierre Sauvage : Tout d'abord, avant de parler du rapport, il faudrait déjà que le ciel unique fonctionne. Le projet remonte à 2002, et aujourd'hui il n'est pas encore dans sa phase de couverture intégrale de l'espace européen.

Ensuite, faire des projections sur 2040, je veux bien, mais en prenant en compte le rythme actuel de développement du secteur, la modernisation des installations en France ou ailleurs, et l'homogénéisation des centres de contrôle... Je suis plutôt perplexe sur cette vision à long terme.

Avant de se projeter, il faut déjà regarder ce qui se passe maintenant. Quand on sait qu'il y a autant de contrôleurs aériens en Europe qu'aux USA mais pour gérer un trafic inférieur, on voit que les marges de manœuvre sont énormes. Cet exemple illustre bien l'organisation actuelle du ciel européen.

TourMaG.com - Pour en revenir sur l'une des conclusions du rapport, sans une modernisation importante des infrastructures, près de 160 millions de passagers ne pourront pas voler d'ici 2040...

Jean-Pierre Sauvage : On ne peut pas déjà les assurer aujourd'hui, donc dire que nous ne pourrons pas les assurer dans 22 ans, c'est une espèce de tautologie.

Nous sommes dans une situation très complexe, illustrant bien ce qu'est l'Europe en ce moment, chacun avance à son rythme et avec ses propres spécificités. Il suffit de regarder ce qui se passe en France.

Les instances veulent moderniser la navigation aérienne, mais de l'autre côté, il y a un mouvement corporatiste voire même politique qui tend à démontrer qu'il n'y a pas assez de contrôleurs, dans ce cas, comment imaginer le futur ? Déjà, commençons par régler ce problème que je qualifierais de "social", avant de livrer une vision de 2040..

Pour arriver à une solution, il faut bien comprendre que dans la réalité, les fractions dans le corps des contrôleurs sont telles que chacun avance à sa propre vitesse et avec ses objectifs. Ainsi, on peut terriblement douter de cette projection en 2040, j'aurais préféré une projection en 2025, pour être en accord avec les nécessités actuelles.

Les grèves des contrôleurs...sont un sabotage de la modernisation de la navigation aérienne

TourMaG.com - Justement les contrôleurs aériens ont fait parler d'eux du côté d'Aix-en-Provence cette année. Quelles mesures préconisez-vous pour avancer main dans la main ?

Jean-Pierre Sauvage : La DSNA a essayé ces dernières années de faire un travail constructif. L'instance a tenté de rationaliser le temps de travail tout en ajoutant une plus large couverture de celui-ci.

Dans le même temps, les systèmes informatiques de type Erato (En Route Air Traffic Organizer) et 4-Flight ont été développés, ces derniers automatisent bien entendu le contrôle aérien, sauf que cela n'a pas été vu d'un bon œil. Les représentants du personnel nous rétorquent toujours le même argument, à savoir : la sécurité.

Toutefois, l'ensemble de ces avancées ont été mises en place de façon je dirais "expérimentale", mais des grèves ont été déclenchées. Le résultat de tout ça est donc que la modernisation n'obtient pas les chiffres espérés, et que l'on tire à boulets rouges dessus. Les gens se demandent alors si l'argent a bien été dépensé ? J'ai envie de répondre, que nous avons peut-être assisté à un sabotage de cette réforme.

Pour revenir sur Aix, ce mouvement a principalement touché le trafic en route. Pour évaluer l'impact il faut savoir que ce trafic représente 70% des budgets de l'aviation civile qui sont bien sûr payés par les compagnies aériennes.

Il ne faut pas oublier que les grèves ont coûté 3 milliards lors des deux dernières années, et je ne parle pas des passagers qui ont eux aussi subi les conséquences de ces mouvements.

TourMaG.com - Si on aborde le sujet des infrastructures, pensez-vous que la France est au niveau ? On a pu voir que le CDG Express fait encore parler de lui cette semaine.

Jean-Pierre Sauvage : C'est encore un autre sujet qui est très polémique. En tant que président du BAR, j'ai une position très réservée, pour rester poli. Pour tout vous dire, le CDG Express doit faciliter le transport pour une seule plateforme parisienne, c'est un gros enfumage !

Il doit permettre à seulement 10% des passagers de Charles de Gaulle, et moyennant une taxe qui est parfaitement inique, d'utiliser ce moyen de transport. Pour rappel l'ensemble des personnes passant par Roissy se verront ponctionner 1,98 euro, alors que seulement 10% du trafic utilisera le CDG Express.

Cela aurait pu s'inscrire dans le projet du Grand Paris, et peut être avec des investissements plus en rapport avec les nécessités.

Les Assises du transport aérien

Jean-Pierre Sauvage est plutôt pessimiste sur les conclusions des Assises du transport aérien - Crédit photo : Linkedin
Jean-Pierre Sauvage est plutôt pessimiste sur les conclusions des Assises du transport aérien - Crédit photo : Linkedin
TourMaG.com - Pour en revenir aux infrastructures françaises d'un point de vue plus large, quel est votre opinion ?

Jean-Pierre Sauvage : Cette question tombe bien, car nous allons revenir sur ce thème le 4 septembre lors des Assises nationales du transport aérien, elle est donc d'actualité.

La réalité du quotidien est que nous sommes toujours sous la menace d'une grève à droite, à gauche. Tout d'abord, il est indispensable de rationaliser l'espace aérien, les temps de vol coûtent cher, puis nous devons obtenir l'acceptation du personnel de la navigation aérienne sur un plan à long terme.

TourMaG.com - Vous semblez bien énervé...

Jean-Pierre Sauvage :]b Enervé non, je traduis seulement l'agacement que nous pouvons avoir au sein des compagnies. Et je pense que mon propos n'est pas si fort par rapport aux sentiments qui habitent les différentes associations de l'aérien en Europe.

TourMaG.com - Vous parliez des Assises du transport aérien, auxquelles vous participez, comment se passent-elles ?

Jean-Pierre Sauvage : Elles se déroulent encore actuellement, plusieurs chapitres ont été ouverts, mais il est clair que d'après les échos que j'en ai, l'opinion est un peu mitigée (rires).

Et sur certains thèmes, l'opinion pourrait même être virulente, mais tant que les conclusions ne sont pas faites, nous ne pouvons pas communiquer dessus. D'un point de vue personnel, j'ai des doutes sur le résultat final de ces assises.

Les redevances aéroportuaires

TourMaG.com - Pouvez-vous nous partager les raisons de vos doutes ?

Jean-Pierre Sauvage : Il y a un exemple concret concernant les redevances aéroportuaires. Nous avons échangé très longuement afin de déboucher sur un consensus concernant l'évaluation de ce qui doit être la juste rémunération des aéroports, et la participation des compagnies aériennes.

L'objectif étant de trouver un équilibre économique entre les uns et les autres, sur un partage équitable des recettes provenant des aéroports.

Nous pensons que les recettes commerciales doivent être réinjectées dans une casse unique, car actuellement sur les aéroports parisiens les deux sources de revenus sont séparées.

Par cette mécanique, ADP tire des bénéfices très substantiels qui vont dans les poches des actionnaires et donc de l'Etat. Je précise que les compagnies financent l'intégralité des investissements aéroportuaires, à juste titre nous pensons légitimes de demander un retour sur investissement. Cela passe selon nous par une réintégration d'une partie des recettes commerciales.

Sauf que l'Etat n'a cure de nos revendications, il ne pense qu'à faire cracher la machine, pour présenter la plus belle des mariées lors de la privatisation.

TourMaG.com - Bruno Lemaire d'ailleurs a annoncé que l'examen de la privatisation d'ADP pourrait être décalé...

Jean-Pierre Sauvage : Ce n'était pas le seul commentaire du ministre à retenir notre attention. Il devrait aussi maintenir le statu quo concernant les recettes aéroportuaires. De plus, nous avons eu une mésaventure qui nous irrite beaucoup, avec l'aéroport de Nice.

Vous n'êtes pas sans savoir, que cette installation est privatisée, et que son propriétaire a refusé d'instaurer un contrat de régulation économique. Avec ce genre de manigance le gestionnaire évite de discuter avec les partenaires aériens. Dans le même temps, un arrêté est passé le 12 août 2018, instaurant une double caisse.

Voilà, comment se passent les négociations et les discussions de nos jours. A partir de là, il est légitime d'avoir quelques réticences sur ces assises et leurs conclusions, notamment pour nous les transporteurs.

TourMaG.com - Pour terminer, le rapport d'Eurocontrol apporte comme solution aux maux de l'aérien en 2040, la mise en place du plan SESAR. En fait, ce dossier, n'est-il pas de la propagande pour accélérer la mise en place de SESAR (le volé technologique du ciel unique européen) ?

Jean-Pierre Sauvage : Ce plan a été lancé en 2002, avec différentes phases. Théoriquement, nous aurions dû en voir les effets en 2012. Nous sommes en 2018 et nous sommes encore en train de se poser la question de savoir si cela va marcher.

Le pire dans tout ça étant que le dossier se pose la question des effets en 2040, il y a donc vraiment un problème sur cette projection.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par michel Tschann le 25/08/2018 16:16 | Alerter
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Pour le CDG express, c'est tout à fait exact.. En plus la ligne existe.. et déjà maintenant certains trains sont sans arrêts entre CDG et Gare du Nord
Il faut y mettre de belles rames sans arrêts entre cdg et gare du nord.. Et peut-être quelques aménagements dans certaines gares pour doubler les autres trains..
Faites le trajet et vous verrez les espaces inutilisés autour des voies actuelles, y compris des rails rouillés sur lesquels visiblement aucun train n'est passé depuis longtemps !
Mais les grands chantiers sont plus valorisants et il y a le lobby des grands groupes de btp
bons vols quand même....

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