"Le tourisme est totalitaire, lorsque nous cherchons Ă rendre touristique tous les espaces de la planĂšte, y compris les plus reculĂ©s des marchĂ©s Ă©metteurs, mĂȘme ceux sans sociĂ©tĂ© dâaccueil" selon RĂ©my Knafou - CrĂ©dit photo : Depositphotos @doethion
TourMaG.com â Vous parliez (dans la 1Ăšre partie de l'interview) de vouloir rĂ©guler le tourisme. Ce dernier a pris un poids considĂ©rable dans lâĂ©conomie mondiale. Nâest-il pas rĂ©gulĂ© du fait de la grande dĂ©pendance quâil exerce sur lâĂ©conomie ?
RĂ©my Knafou : Exactement, il y a une forme dâaddiction au tourisme.
Il a tellement rĂ©ussi quâil a peu de contre-pouvoir en face de lui. Il ne faut pas casser la machine, mais lâencadrer et la rĂ©guler.
Le fait de mettre des jauges est une suite logique, pour les lieux surchargĂ©s ou/et menacĂ©s. AprĂšs cela ne remet pas en cause notre libertĂ© dâaller ailleurs.
AprĂšs la sĂ©lection par lâargent, je nây suis pas personnellement favorable, mais cela fonctionne depuis toujours.
Prenez les cas des croisiĂšres en Antarctique ou dâautres destinations reculĂ©es.
RĂ©my Knafou : Exactement, il y a une forme dâaddiction au tourisme.
Il a tellement rĂ©ussi quâil a peu de contre-pouvoir en face de lui. Il ne faut pas casser la machine, mais lâencadrer et la rĂ©guler.
Le fait de mettre des jauges est une suite logique, pour les lieux surchargĂ©s ou/et menacĂ©s. AprĂšs cela ne remet pas en cause notre libertĂ© dâaller ailleurs.
AprĂšs la sĂ©lection par lâargent, je nây suis pas personnellement favorable, mais cela fonctionne depuis toujours.
Prenez les cas des croisiĂšres en Antarctique ou dâautres destinations reculĂ©es.
"Nâoublions pas que câest par le tourisme que Venise a retrouvĂ© de lâactivitĂ©"
TourMaG.com â Le tourisme a-t-il encore des effets positifs ?
RĂ©my Knafou : Bien Ă©videmment, dâailleurs il apporte tellement quâil a rencontrĂ© un tel succĂšs.
Les retombĂ©es Ă©conomiques sont indĂ©niables. Vous voyez bien que dĂšs que le flux sâarrĂȘte, cela pose problĂšme, notamment pour des destinations prospĂšres, comme Venise.
Il y a eu des reportages naïfs au début de la pandémie, mais nous avons aussi vite oublié les conséquences néfastes sur la cité.
Pour y ĂȘtre allĂ© en juin dernier, jâai pu constater que des commerces fermĂ©s, des hĂŽtels qui fonctionnaient avec 15 ou 20% dâoccupation, des restaurants vides.
Dâailleurs, je voudrais prĂ©ciser que Venise sans la foule, ça nâa jamais existĂ©.
Actuellement, il y a 55 000 VĂ©nitiens, ils Ă©taient 250 000 au moyen Ăąge ! CâĂ©tait une ville qui grouillait de monde, Ă lâimage de ce que vit la ville Ă son plein rĂ©gime touristique.
DĂšs le 16e siĂšcle, le modĂšle Ă©conomique de la citĂ© Ă©tait sur le dĂ©clin. Nâoublions pas que câest par le tourisme que Venise a retrouvĂ© de lâactivitĂ© et de lâenrichissement.
Sans lâargent des touristes, le patrimoine de la ville ne serait pas aussi bien conservĂ©.
Lâargument social ne me parait pas moins important. Les flux entre les populations de cultures diffĂ©rentes font circuler des idĂ©es et des maniĂšres autres de voir le monde.
LâaprĂšs-franquisme a Ă©tĂ© prĂ©parĂ© par la venue des vacanciers europĂ©ens, dans un pays totalement cadenassĂ© et fermĂ©.
Les pratiques des touristes à partir des années 50 sur les plages espagnoles, elles ont préparé le terrain de la révolution culturelle, puis politique.
DubaĂŻ : "câest un non-sens et une catastrophe"
"Pour envoyer un message fort Ă lâindustrie touristique, je propose de sanctuariser touristiquement lâAntarctique" selon RĂ©my Knafou - CrĂ©dit photo : PR
TourMaG.com â Des phĂ©nomĂšnes bien connus, mais est-ce tout ?
RĂ©my Knafou : Le tourisme est aussi un facteur de rencontre avec lâautre. Je ne parle pas nĂ©cessairement de la population locale, mais aussi avec les touristes.
Si vous allez dans certaines grandes stations balnéaires, vous avez assez peu de chances de rencontres des autochtones.
MalgrĂ© tout, il est possible de rencontrer des EuropĂ©ens ou des populations plus lointaines, câest tout lâintĂ©rĂȘt de la vie.
Le tourisme multiplie donc les chances de nous enrichir, grĂące aux rencontres.
TourMaG.com â A contrario, lorsque les touristes europĂ©ens se rendent Ă DubaĂŻ, ils ne rencontrent pas de DubaĂŻotes. En Arabie Saoudite, ce ne sera sans doute le cas. Donc le tourisme a-t-il encore ce pouvoir ?
RĂ©my Knafou : Nous sommes dans des espaces de lâartificialisation tous azimuts, que ce soit environnemental et social.
Les plages sont en partie artificielles, les populations vivent Ă lâintĂ©rieur de lieux climatisĂ©s, câest le paradis de lâartificialisation.
Sur le plan environnemental, câest un non-sens et une catastrophe.
Socialement, nous parlons de territoires qui sont des enclaves touristiques internationales, pas faites pour la rencontre avec la population locale.
Câest lâapogĂ©e dâune forme de tourisme hors sol, dont il ne me semble pas intĂ©ressant dâaccĂ©lĂ©rer son dĂ©veloppement.
Sâil y a une performance dans sa crĂ©ation, câest un modĂšle qui nâest pas durable.
A lire : Saskia Cousin (Sociologue) : "Ce nâest pas parce quâil y a moins de tourisme international quâil y aura moins de voyage"
RĂ©my Knafou : Le tourisme est aussi un facteur de rencontre avec lâautre. Je ne parle pas nĂ©cessairement de la population locale, mais aussi avec les touristes.
Si vous allez dans certaines grandes stations balnéaires, vous avez assez peu de chances de rencontres des autochtones.
MalgrĂ© tout, il est possible de rencontrer des EuropĂ©ens ou des populations plus lointaines, câest tout lâintĂ©rĂȘt de la vie.
Le tourisme multiplie donc les chances de nous enrichir, grĂące aux rencontres.
TourMaG.com â A contrario, lorsque les touristes europĂ©ens se rendent Ă DubaĂŻ, ils ne rencontrent pas de DubaĂŻotes. En Arabie Saoudite, ce ne sera sans doute le cas. Donc le tourisme a-t-il encore ce pouvoir ?
RĂ©my Knafou : Nous sommes dans des espaces de lâartificialisation tous azimuts, que ce soit environnemental et social.
Les plages sont en partie artificielles, les populations vivent Ă lâintĂ©rieur de lieux climatisĂ©s, câest le paradis de lâartificialisation.
Sur le plan environnemental, câest un non-sens et une catastrophe.
Socialement, nous parlons de territoires qui sont des enclaves touristiques internationales, pas faites pour la rencontre avec la population locale.
Câest lâapogĂ©e dâune forme de tourisme hors sol, dont il ne me semble pas intĂ©ressant dâaccĂ©lĂ©rer son dĂ©veloppement.
Sâil y a une performance dans sa crĂ©ation, câest un modĂšle qui nâest pas durable.
A lire : Saskia Cousin (Sociologue) : "Ce nâest pas parce quâil y a moins de tourisme international quâil y aura moins de voyage"
Qu'est-ce que le tourisme réflexif ?
TourMaG.com â Dans votre livre vous parlez dâun tourisme rĂ©flexif. Quel est-il et en quoi il peut changer la donne ?
RĂ©my Knafou : Câest la capacitĂ© que lâensemble des acteurs de lâĂ©cosystĂšme a de questionner les pratiques touristiques.
Câest-Ă -dire sâinterroger sur le bien-fondĂ©, lâutilitĂ© personnelle, sociale, Ă©conomique, etc.
Donc exercer son esprit critique le plus possible pour ne pas uniquement adopter les pratiques qui sont véhiculées par la communication touristique.
Ce qui garantit davantage lâappropriation de lâinformation par le tourisme, câest de solliciter sa capacitĂ© de curiositĂ©. Il est possible dâĂ©veiller la capacitĂ© du touriste, ce sont des leviers de rĂ©flexivitĂ©s.
En Allemagne, des pavĂ©s de laiton ont Ă©tĂ© placĂ©s au sol, devant les domiciles de personnes qui ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es par les nazis et transportĂ©es dans des camps dâextermination.
Il est possible de totalement passer Ă cĂŽtĂ©, mais pour ceux qui regardent et se posent une question, alors câest le dĂ©but de processus mental pour lâappropriation et donc la personne nâoublie plus.
Câest un champ ouvert pour les chercheurs, les artistes et les opĂ©rateurs touristiques.
RĂ©my Knafou : Câest la capacitĂ© que lâensemble des acteurs de lâĂ©cosystĂšme a de questionner les pratiques touristiques.
Câest-Ă -dire sâinterroger sur le bien-fondĂ©, lâutilitĂ© personnelle, sociale, Ă©conomique, etc.
Donc exercer son esprit critique le plus possible pour ne pas uniquement adopter les pratiques qui sont véhiculées par la communication touristique.
Ce qui garantit davantage lâappropriation de lâinformation par le tourisme, câest de solliciter sa capacitĂ© de curiositĂ©. Il est possible dâĂ©veiller la capacitĂ© du touriste, ce sont des leviers de rĂ©flexivitĂ©s.
En Allemagne, des pavĂ©s de laiton ont Ă©tĂ© placĂ©s au sol, devant les domiciles de personnes qui ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es par les nazis et transportĂ©es dans des camps dâextermination.
Il est possible de totalement passer Ă cĂŽtĂ©, mais pour ceux qui regardent et se posent une question, alors câest le dĂ©but de processus mental pour lâappropriation et donc la personne nâoublie plus.
Câest un champ ouvert pour les chercheurs, les artistes et les opĂ©rateurs touristiques.
"Je propose de sanctuariser touristiquement lâAntarctique"
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TourMaG.com â Vous parlez aussi dâun projet totalitaire, quand vous parlez du tourisme, pourquoi ?
RĂ©my Knafou : Câest dans le sens de vouloir englober, tous les Ă©lĂ©ments dâun systĂšme.
Il est totalitaire, lorsque nous cherchons Ă rendre touristiques tous les espaces de la planĂšte, y compris les plus reculĂ©s des marchĂ©s Ă©metteurs, mĂȘme ceux sans sociĂ©tĂ© dâaccueil.
Je pense Ă lâAntarctique qui est seulement habitĂ© par des scientifiques, donc il nây a aucune retombĂ©e Ă©conomique pour les populations, puisquâil nây en a pas.
Pour envoyer un message fort Ă lâindustrie, je propose de sanctuariser touristiquement lâAntarctique.
Ce serait un geste trĂšs fort pour montrer que nous changeons dâĂšre de pratique touristique.
Je ne suis pas hostile au tourisme, car câest essentiel pour former lâindividu, sâouvrir aux autres, mais cela ne doit pas se faire Ă nâimporte quel prix.
TourMaG.com â Pourquoi le tourisme est toujours Ă la recherche dâune nouvelle terre jamais commercialisĂ©e ? Lâindustrie ne sait plus comment communiquer, ni faire rĂȘver.
RĂ©my Knafou : Vous parlez lĂ dâun marchĂ© de niche, vieux comme le tourisme lui-mĂȘme.
Aller en Antarctique nâest pas Ă la portĂ©e de toutes les bourses.
A ces personnes, nous vendons ce que recherchent certains touristes, câest-Ă -dire aller plus loin pour Ă©viter les lieux trop frĂ©quentĂ©s. Câest un tourisme de recherche de distinction, sauf que nous avons atteint la limite.
Si nous voulons parler de tourisme responsable, la premiĂšre des responsabilitĂ©s, câest de songer Ă la prochaine gĂ©nĂ©ration.
Nous devons lui laisser quelques territoires sur lesquelles elles puissent prendre des décisions.
RĂ©my Knafou : Câest dans le sens de vouloir englober, tous les Ă©lĂ©ments dâun systĂšme.
Il est totalitaire, lorsque nous cherchons Ă rendre touristiques tous les espaces de la planĂšte, y compris les plus reculĂ©s des marchĂ©s Ă©metteurs, mĂȘme ceux sans sociĂ©tĂ© dâaccueil.
Je pense Ă lâAntarctique qui est seulement habitĂ© par des scientifiques, donc il nây a aucune retombĂ©e Ă©conomique pour les populations, puisquâil nây en a pas.
Pour envoyer un message fort Ă lâindustrie, je propose de sanctuariser touristiquement lâAntarctique.
Ce serait un geste trĂšs fort pour montrer que nous changeons dâĂšre de pratique touristique.
Je ne suis pas hostile au tourisme, car câest essentiel pour former lâindividu, sâouvrir aux autres, mais cela ne doit pas se faire Ă nâimporte quel prix.
TourMaG.com â Pourquoi le tourisme est toujours Ă la recherche dâune nouvelle terre jamais commercialisĂ©e ? Lâindustrie ne sait plus comment communiquer, ni faire rĂȘver.
RĂ©my Knafou : Vous parlez lĂ dâun marchĂ© de niche, vieux comme le tourisme lui-mĂȘme.
Aller en Antarctique nâest pas Ă la portĂ©e de toutes les bourses.
A ces personnes, nous vendons ce que recherchent certains touristes, câest-Ă -dire aller plus loin pour Ă©viter les lieux trop frĂ©quentĂ©s. Câest un tourisme de recherche de distinction, sauf que nous avons atteint la limite.
Si nous voulons parler de tourisme responsable, la premiĂšre des responsabilitĂ©s, câest de songer Ă la prochaine gĂ©nĂ©ration.
Nous devons lui laisser quelques territoires sur lesquelles elles puissent prendre des décisions.