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Léa : Vendre ou liker, il faut choisir [ABO]

La life de Léa, l'agent de voyages (pas si) blonde


Léa a été inspirée par les derniers grands raouts touristiques qui s'étalent, une fois terminés, sur les réseaux sociaux. Comme à son habitude, c'est avec son humour (grinçant ?!) et non sans une pointe d'ironie, que notre agent de voyages pas si blonde nous partage son feeling... En attendant, elle vous donne rendez-vous sur LinkedIn et TikTok... ;-)


Rédigé par le Mardi 10 Juin 2025

Léa : vendre ou liker il faut choisir - Dessin Raf
Léa : vendre ou liker il faut choisir - Dessin Raf
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Je ne sais pas ce que tu as fait mi-mai, mais si tu ne sais pas que le gratin du tourisme français s’est envolé vers Taghazout, c’est que tu dois être très occupé(e) à trouver des solutions pour tes clients qui t’ont réclamé des « séjours de 15 jours en juillet, n’importe où dans le bassin méditerranéen, sauf au Maghreb et en Turquie, dans un petit hôtel de charme adults only pas trop cher ».

Notre année est rythmée par ce genre de rendez-vous. Il y a IFTM Top Resa, il y a les Pionniers, il y a les réunions de rentrée et… la Convention des EDV.

Cela faisait des semaines qu’on recevait des mails pour nous dire qu’il fallait qu’on se rue sur les « dernières places disponibles ». Et tout le monde y était. Même Tony Estanguet, qui n’est plus collé derrière Hidalgo et qui (le pauvre) s’est fait mettre le grappin dessus par toute la profession.

De quoi remplir les colonnes de TourMaG !

Moi, vous m’excuserez, je n’y étais pas, tout occupée que j’étais à « faire des recherches pour proposer des séjours de 15 jours en juillet, n’importe où dans le bassin méditerranéen, sauf au Maghreb et en Turquie, dans un petit hôtel de charme adults only pas trop cher », mais la rédac’ de TourMaG y était, presque au grand complet… et j’ai croisé leurs infos et les fuites révélées par les copains avec ce que je lisais sur LinkedIn, ma passion depuis la rentrée.

J’ai lu tellement de posts à propos de cette convention, à la fois éclairants, inspirants et tellement honnêtes…


Congrès EDV : un bal de quinquas en costards et tailleurs (mais cool)

La grand-messe annuelle du syndicat patronal du voyage, c’est un espèce de bal de quinquas en costards et tailleurs (mais cool), des PowerPoint trop longs et des applaudissements polis.

Le genre d’événement où il faut poser une question en plénière (en se présentant avec humour et/ou mystère) pour être remarqué par un investisseur à la recherche d’une pépite sur laquelle miser.

On y retrouve les habitués : les PDG bronzés en toutes saisons (et aux tempes qui deviennent de plus en plus silver au fur et à mesure des conventions), les petites dindes en jupes très courtes, les jeunes ambitieux au regard turquoise venus vendre un nouveau concept, les consultants en tout et n’importe quoi, et les intrigants ratés qui cherchent à te vendre un truc moisi, genre éductour 3.0.

Il manquait quand même à l’appel quelques leaders inspirants mais incompris du tourisme :

- L’inventeur du tourisme durable, qui n’a pas honoré Taghazout de sa présence, trop occupé à jouer au foot en Bolivie sous 35 °C et 95 % d’humidité (mais toujours avec le dégradé impeccable, sans une goutte de transpiration, mais avec d’aimables remerciements à Nomade Aventure, Quechua, Horace et Nike, liens en premiers commentaires).

- Le grand dadais qui a inventé la vidéo (non, pas un membre de la famille Lumière, un autre : mais si… tu le connais : celui qui n’est pas sapiosexuel du tout et qui a compris qu’il fallait être beau pour faire du business, alors il a fait un régime, mais ça n’a pas marché, donc il a quitté à regret la grande famille du tourisme).

Et quelques influenceuses.

A Taghazout, le gratin a causé stratégie, innovation, synergies et transmission

Bon… à Taghazout, le gratin a causé stratégie, innovation, synergies et transmission entre deux coupettes et un buffet finger food, mais franchement, qui se soucie du fond ?

La convention, c’est surtout une magnifique occasion de se serrer la pince, d’échanger des cartes de visite (oui, encore), et surtout, de se faire voir. L’un des plus beaux égotrips annuels avec badge nominatif, des fois que le quidam ne te reconnaisse pas.

Et devinez qui était le plus sollicité à la convention ? Celui qui continue à tirer les ficelles pendant que les autres jouent au réseautage grandeur nature : le président du plus gros réseau d’agences de voyages de France, bien sûr.

Il impose ses diktats avec grâce et finesse : partenariats win-win où tu as tout à perdre, standards à suivre, innovations à adopter. Tout le monde râle, mais tout le monde suit.

C’est un peu comme cette cousine reloue qui décide du thème de Noël en août : personne n’ose l’arrêter, et on finit tous en pull moche vert sapin.

Les vrais gladiateurs de la visibilité ne sont plus sur LinkedIn, ils sont sur TikTok

Mais la vraie scène de crime, ce n’est plus la convention. Elle est sur les réseaux sociaux.

D’abord sur LinkedIn, merveilleux théâtre d’ombres où les patrons d’agence rivalisent de modestie ostentatoire. « Fier d’avoir accompagné 10 000 voyageurs cette année », « Honoré d’avoir été invité à parler de moi à la convention », « Humblement heureux d’avoir été élu Plus Beau Sourire du Réseau »… Le tout, bien sûr, avec une photo devant un mur de mousse végétale ou une bibliothèque en bois clair (et si tu peux être cadré avec Tony Estanguet, c’est le Graal).

Dans ce grand festival permanent de l’autocélébration corporate, on distribue des likes comme des cacahuètes, on s’offre des standing ovations numériques pour avoir, tenez-vous bien… travaillé.

A lire aussi : Léa : Linkedin... le graal de l’imposteur ?

Mais attention, les vrais gladiateurs de la visibilité ne sont plus sur LinkedIn : le nouveau front où il faut conquérir de nouveaux territoires, c’est TikTok.

Oui, TikTok. L’appli sur laquelle vos enfants scrollent pour regarder des chats en rollers et des chorégraphies en pyjama licorne. C’est maintenant le nouveau champ de bataille des agences de voyages.

Ça se tire dessus à coups de vidéos des Maldives, de « POV : t’es client chez nous » et de « 5 raisons de partir à Bali avec nous et pas avec eux ».

Chaque agence veut sa part de viralité. On voit des conseillers voyage se transformer en acteurs dignes d’un mauvais bac option théâtre, et des patronnes d’elles-mêmes et deux alternants murmurer en voix off avec fonds musicaux qui fleurent bon l’angoisse algorithmique.

Place au storyselling : si t’as pas ton contenu snackable, t’es cramée...

Le pire ? Ça marche. Une vidéo postée à 22 h 17 peut ramener 3 leads, 100 likes et un partenariat avec un influenceur qui va embarquer une nouvelle génération de followers. Alors forcément, tout le monde s’y met.

Même cette experte en « retour à la terre et en voyage intérieur » qui t’ouvre les portes d’une petite auberge où tu mangeras les meilleures pâtes du monde pour seulement 3 000 € pour deux. Le luxe de la simplicité, pour deux SMIC seulement, pourquoi s’en priver ?

Et grande dame, elle ne veut pas que tu restes dans ta crasse intellectuelle et te livre ses conseils en management ! Je rêve que, bientôt, cette cavalière émérite (elle a été vice-championne de Bourgogne-sud de poney) nous explique comment on remonte en selle après un échec grâce à l’équithérapie (aka « l’art de coacher ses équipes comme des canassons »).

On assiste à une guerre de territoires version digitale, où chacune copie les codes de l’autre. Et pendant ce temps, les clients, eux, scrollent, zappent, likent, rêvent. Ils ne savent plus qui est qui, mais ils veulent que ça claque, que ça bouge, et en moins de 60 secondes, pour pouvoir aller bouffer le contenu d’une autre pseudo-influenceuse interchangeable. L’ère du storytelling ? Terminée. Place au storyselling. Si t’as pas ton contenu snackable, t’es cramée.

Et au milieu de tout ça ? Une floppée de petites agences qui essaient de garder la tête hors de l’eau, entre deux posts LinkedIn inspirants et une vidéo TikTok filmée à la sortie de chez le coiffeur pour que tes boucles blondes tombent en cascade sur tes épaules (par défaut, un carré un peu triste et un foulard Hermès feront illusion un temps).

J’ai un post LinkedIn à écrire sur ma fierté d’avoir fini cet article moins d’une semaine avant la fin de la convention

Pas simple : on veut rester près des choses vraies, être authentique et proposer du sur-mesure, mais faut aussi jouer le jeu. Parce qu’aujourd’hui, vendre du rêve, c’est aussi vendre de l’image. Et que tu sois un artisan du voyage ou une machine de guerre du tourisme, si t’es pas visible, tu n’existes pas.

Alors voilà où on en est : un monde où les conventions ressemblent à des galas d’autopromo, où le réseau d’agences dominant dicte les règles du jeu, où les petites patronnes courent après le volume en s’érigeant en influenceuses, et où la guerre de l’attention se mène en stories verticales.

Mais bon, on ne va pas se plaindre : on fait un métier formidable. On vend de l’évasion, de la liberté, des émotions, des rencontres en 4* all inclusive, mais aussi du branding, des likes et une coupe de cheveux impeccable.

Allez, je vous laisse : j’ai un post LinkedIn à écrire sur ma fierté d’avoir fini cet article moins d’une semaine avant la fin de la convention. Avec un smiley inspirant, évidemment. On s'est retrouvé très vite pour un autre épisode de notre grande série de pince-fesses : on s'est retrouvé au soleil, en marinière, pour écouter entre deux selfies les sachants nous expliquer comment réinventer l’intermédiation du voyage en France.

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Commentaires

1.Posté par Nesta Frédéric le 10/06/2025 14:34 | Alerter
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Bravo Léa, pour cet article entre humour et dérision. J'aai apprécié la lecture et beaucoup souri à sa lecture. Frédéric

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