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Rochefort, la grande saga d’une ville militaire

L'Hermione, un formidable atout pour la ville


En plus de trois siècles, Rochefort en a connu des aléas ! Bâti sur ordre de Louis XIV, l’Arsenal enfante une cité militaire qui perdurera jusqu’à la fin du 19e s., quand le port devient inadapté à la construction navale. Oubliée, décrépite, la ville renaît à partir de 1966, suite au coup de foudre du cinéaste Jacques Demy. Ce sont les prémices d’un long réveil, concrétisé en 2014 par la livraison de l’Hermione, totem touristique et aiguillon aujourd’hui de nouvelles ambitions.


Rédigé par Jean-François RUST le Mercredi 8 Août 2018

Le défi de Rochefort est de continuer l’œuvre de rénovation entreprise depuis les années 1970 et la livraison de l’Hermione, en 2014 - DR : J.-F.R.
Le défi de Rochefort est de continuer l’œuvre de rénovation entreprise depuis les années 1970 et la livraison de l’Hermione, en 2014 - DR : J.-F.R.
Quel feuilleton ! Le touriste de passage pour visiter l’Hermione - à quai à Rochefort jusqu’en 2018 - a t-il le temps de se pencher sur la saga de la ville ? Pas certain, alors un rappel des faits n’est pas superflu.

Cette cité de 28 000 habitants, est, en 1666… inexistante. « On n’y trouve qu’un hameau autour d’une église - la Vieille Paroisse, du 12e s. - et un domaine, celui du seigneur de Cheusses et son hôtel particulier », indique Denis Roland, attaché de conservation du patrimoine à l’hôtel de Cheusses - aujourd’hui Musée national de la Marine.

La quiétude des marais des bords de Charente va vite s’envoler. Parce que Louis XIV veut construire un arsenal au ponant, à l’abri entre Bordeaux et Nantes, il pointe ce rocher sur la carte.

Colbert se charge d’assouvir le dessein du roi. C’est le début d’un chantier titanesque. « On construit une usine à bateaux de guerre sur de la vase. Autour des bassins, pour loger les gens, on édifie des cabanes en bois », éclaire Denis Roland.

« Un vrai far-west ! »

Pour fabriquer les amarres de bateaux, la Corderie Royale sort de terre. Le bâtiment, 374 m de long avec ses pavillons, le plus grand jamais construit en France au 17e s., permet de dérouler les encablures de chanvre.

20 000 personnes se retrouvent alors à Rochefort, « un vrai far-west ! », sourit Denis Roland. Tellement pionnier que les conditions de vie sont insalubres.

Il faut l’arrivée de l’intendant Michel Bégon, en 1680, pour que Rochefort se transforme. Il fait construire des rues au cordeau, des maisons en dur.

L’épitaphe en latin, sur son tombeau de l’église Saint-Louis, le prouve : « Il trouva la ville naissante en bois / il l’a laissa en pierre ».

La cité a conservé son plan en damier, comme elle a maintenu son marché trihebdomadaire, en souvenir des trois jours de la semaine où maraîchers et pêcheurs venaient vendre leurs denrées aux militaires.

L’inévitable Vauban vient aussi pour renforcer les défenses de la ville. En 1722, comme un symbole de la suprématie maritime de Rochefort, l’école de médecine et de chirurgie navale est créée. Elle fonctionnera jusqu’en… 1963.

Les Demoiselles de Rochefort

Sous Louis XVI, la saga continue. On construit l’Hermione, la vraie, avec laquelle La Fayette cinglera vers l’Amérique, pour supporter les insurgés américains.

L’hôpital militaire est inauguré en 1788. Au Second Empire, on innove en fabriquant de nouvelles formes de radoub maçonnées. « Le plus grand bateau jamais construit à Rochefort fut un cuirassé, en 1900 », illustre Denis Roland.

Mais les nouveaux besoins de la marine, le problème récurrent des marées - les bateaux ne peuvent être largués qu’à flux haut - et l’envasement, condamnent Rochefort.

Le port s’endort, la ville aussi. Jusqu’aux années 1960, lorsque l’amiral Maurice Dupont, féru d’Histoire, fait classer la Corderie Royale.

A la même époque, le réalisateur Jacques Demy découvre la ville et sa place Colbert. Il en tombe amoureux. Ce sera les « Demoiselles de Rochefort », film culte qui braque les projecteurs sur la cité. « Pourtant, à cette période, il y a une base américaine à Rochefort et des soldats français passent leur temps à se battre avec eux dans des bars glauques », rappelle Denis Roland.

La suite, c’est celle d’un maire visionnaire, Jean-Louis Frot, élu de 1977 à 2001. Il restaure la Corderie Royale, rénove Rochefort, puis l’idée de construire une réplique de L’Hermione commence à germer.

Le scénario est connu : né en 1992, le projet devient chantier en 1997 et aboutit en… 2014 à la livraison de la frégate.

Ville thermale

Voilà la « légende » rochefortaise dont peuvent s’imprégner les touristes, en arpentant la ville.

Les curistes, aussi. Découverte en 1866, l’eau de source réellement exploitée à partir des années 1955 guide vers Rochefort, chaque année, plus de 15 000 rhumatisants.

On ne visite pas la cité en coup de vent, il y a « trop » de choses à voir. Il faut d’abord marcher dans ces rues à angle droit, bordées ici et là d’hôtels particuliers d’officiers.

Voir le théâtre de la Coupe d’Or, splendide salle à l’italienne créée en 1766 pour distraire les notables. S’arrêter place Colbert et observer ses nobles édifices. Aller les mardis, jeudis ou samedis au marché, sur l’avenue Charles de Gaulle et sous la Halle, pour échanger avec les producteurs charentais et les poissonniers… comme du temps de Colbert !

Découvrir le musée d’art et d’histoire Hèbre de Saint-Clément et la vie de Pierre Loti, l’officier écrivain rochefortais dont la maison - en travaux - est visible grâce à un film en 3D.

Les plus curieux pousseront jusqu’à l’école de médecine et de chirurgie navale. Ils verront une bibliothèque aux 25 000 volumes et une salle d’objets médicaux et de préparations anatomiques étonnantes.

L’Hermione, 4,2 millions de visiteurs

Cette « mise en bouche » achevée, l’Arsenal tend les bras. Près de la porte monumentale du 18e s., le Musée national de la Marine rappelle l’aventure de la construction navale et de la Royale, entre maquettes et reconstitutions.

Quelques pas encore et voici l’Hermione, l’icône touristique de Rochefort.

Le trois-mâts et son musée ont reçu, depuis l’ouverture du chantier à la visite, 4,2 millions de visiteurs, soit 250 000 par an. « La construction a pris beaucoup de temps car il a fallu l’adapter aux moyens dont nous disposions. N’oublions pas que le public, par ses visites, a financé 60% du projet », tient à rappeler Maryse Vital, déléguée générale de l’association Hermione - La Fayette.

La montée à bord de la frégate en bois est un moment fort : entre pont de gaillard et de batterie, cambuse et atelier du bosco, elle fait plonger dans le quotidien des 80 jeunes gabiers qui ont rallié l’Amérique en 2015, lors du voyage inaugural sur les traces de La Fayette, dirigé par le commandant Cariou.

Reste à musarder à la Corderie Royale, dont l’exposition permanente a été revue de A à Z en 2016 et dont l’allure extérieure évoque un Petit Versailles. « Si la corderie était un atelier de fabrication, sa prestance en faisait aussi un outil politique », éclaire Arnaud Dautricourt, en charge de la production culturelle. 

Jusqu’à 200 personnes ont pu travailler ici, essentiellement des hommes. « A l’époque, les gros vaisseaux avaient besoin de plusieurs tonnes de cordage et la durée de vie d’une corde en chanvre était d’un an », ajoute le responsable.

Continuer l’œuvre de rénovation

Le défi de Rochefort est de continuer l’œuvre de rénovation entreprise depuis les années 1970 et la livraison de l’Hermione, en 2014.

Sur le port, déjà, l’ex-magasin aux vivres du 17e s. a été transformé en ensemble immobilier.

Un complexe de cinéma design, Apollo Ciné 8, prolonge à l’ouest l’avenue Charles de Gaulle.

L’ancien hôpital militaire fait l’objet de supputations, comme celle d’y installer le nouveau centre thermal et des appartements.

Le Pont Transbordeur sur la Charente (1900) a entrepris une nouvelle mue.

Surtout, la réflexion porte sur le devenir de L’Hermione. « Nous devons être inventifs pour que le visiteur continue de venir. Nous avons des idées d’animations, d’un nouvel espace muséal, d’attractions interactives. Mais peut-être ne nous sommes-nous pas assez penchés sur le futur lors de la construction », avoue Maryse Vital.

Parmi les projets, celui d’un « Parc Arsenal » conçu autour de L’Hermione, à l’image d’un parc de loisirs, fait son chemin. Pendant ce temps, imperturbable, la Charente continue de charrier son flot boueux de fleuve qui en a vu d’autres…

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Tags : Rochefort, rust
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Commentaires

1.Posté par LESCOUZERES le 09/08/2018 21:02 | Alerter
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Bonjour,

Article intéressant, mais pour info, Maryse Vital n'est plus la Déléguée Générale depuis septembre 2017.
PL

2.Posté par Florence Trouillard le 29/08/2018 14:40 | Alerter
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article passionnant, merci à l'auteur et à Tourmag de nous en faire bénéficir. Cela fait du bien entre les actualités volatiles de se plonger dans de telles histoires . Merci

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