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Voyages d'affaires et RSE : il faut "un vrai partenariat avec les fournisseurs"

L’interview d’Amélie Berruex (Axys Odyssey)


A la suite du dernier Grand live du voyage d’affaires organisé par CDS Groupe en partenariat avec l'IFTM Top Resa, nous avons voulu redonner la parole à tous les intervenants pour évoquer les enjeux majeurs du secteur autour de la décarbonation, la digitalisation et la dématérialisation. Aujourd'hui, retrouvez l'interview d’Amélie Berruex d'Axys Odyssey.


Rédigé par le Mercredi 10 Mai 2023

Pour Amélie Berruex, « en tant qu’agence, avoir le cran de dire : « il va falloir voyager moins », c’est très engageant ».
Pour Amélie Berruex, « en tant qu’agence, avoir le cran de dire : « il va falloir voyager moins », c’est très engageant ».
TourMaG.com – Les entreprises ont-elles pris le train de la décarbonation ?

Amélie Berruex : Sur la partie mobilité, je vois un décalage entre le discours, ce que communiquent les grandes entreprises, et la réalité, et ce pour deux raisons. La première c’est que la politique mobilité est un aspect très transverse dans l’entreprise.

Même quand il existe une direction RSE, il faut que cette politique soit déclinée par la direction Industrie, le Travel Manager, les Achats. Or, il n’est pas simple de coordonner leurs actions, et beaucoup de sujets ont du mal à émerger uniquement pour cette raison. Tout ce qui est transverse reste poussif malgré toutes les bonnes volontés.

Cette organisation est déjà bien en place en revanche au sein des entreprises qui se sont déjà largement saisies des scope 1 et scope 2, le secteur de l’industrie en particulier qui a de forts enjeux sur ces volets, et qui a développé une démarche autour de la RSE et de l’environnement.

Concernant les entreprises de services, elles n’ont pas beaucoup investi ces deux scopes, mais elles doivent agir en faveur du scope 3, qui représente une part importante de leur bilan carbone. Donc, l’organisation va devoir se mettre en place.


Calcul de l'empreinte carbone : il manque encore des standards dans l'industrie

La seconde raison, c’est que j’ai la sensation qu’il y a actuellement beaucoup de communication sur le retour aux volumes de 2019. Les entreprises et leurs collaborateurs se disent : « la crise est derrière nous, ça y est », et il y a un peu ce côté psychologique de reprise de business et de la vie d’avant. Les entreprises n’ont pas pris conscience qu’il fallait mettre un gros coup d’accélérateur sur la réduction des déplacements.

Elles se satisfont d’utiliser un peu plus de train ou de l’électrique mais cela ne va pas suffire. Ce n’est pas du greenwashing mais il persiste un défaut de prise de conscience des enjeux et, de ce fait, les entreprises ne maîtrisent pas précisément leurs postes d’émission carbone.

Par exemple, qu’est-ce que cela change si je choisis telle flotte d’une compagnie aérienne versus une autre ? Les collaborateurs n’en ont aucune idée.

Il y a pourtant un vrai effort collectif à faire pour engager les collaborateurs. S’ils ne sont pas dans une démarche personnelle de décarbonation, l’entreprise naviguera à contre-courant. Toute initiative sera alors très poussive car dans le contrôle.

Ce qui manque, ce sont les bonnes informations au bon moment. Prenez l’empreinte carbone des déplacements, qui est la plupart du temps calculé par kilomètre parcouru. Pour un même mode de transport, l’avion par exemple, quel que soit le choix qui est fait, on aura toujours la même empreinte carbone.

Pourquoi ? Parce que les informations qui permettraient de faire les bons choix ne sont accessibles ni aux voyageurs ni aux décisionnaires. Il manque encore des standards dans l’industrie. Ainsi, quand l’entreprise change d’agence de voyages, le calcul de son empreinte carbone pourrait être différent.

L’entreprise peut néanmoins déjà agir sur le long-courrier, ce qui va avoir un impact énorme. Si déjà elle travaille à les optimiser, indépendamment du calcul, elle aura un impact positif sur son empreinte carbone.

Calculer à la fois l’impact collaborateur et l’impact environnemental

"Il faut veiller au bien-être du collaborateur : si l’impact carbone est excellent et que l’on est à contre-courant de la culture de l’entreprise et des enjeux du déplacement en lui-même, les voyageurs trouveront toujours les moyens de contourner le système." - Depositphotos.com Auteur michaeljung
"Il faut veiller au bien-être du collaborateur : si l’impact carbone est excellent et que l’on est à contre-courant de la culture de l’entreprise et des enjeux du déplacement en lui-même, les voyageurs trouveront toujours les moyens de contourner le système." - Depositphotos.com Auteur michaeljung
TourMaG.com – Doit-on concilier cette décarbonation avec les besoins du voyageur ?

Amélie Berruex : Il faut veiller au bien-être du collaborateur : si l’impact carbone est excellent et que l’on est à contre-courant de la culture de l’entreprise et des enjeux du déplacement en lui-même, les voyageurs trouveront toujours les moyens de contourner le système. Ce qui est important pour faire le bon choix, c’est de calculer à la fois l’impact collaborateur et l’impact environnemental, ce qui varie d’une entreprise à l’autre.

TourMag.com : L’industrie du voyage d’affaires est-elle prête à proposer à son client de renoncer à un déplacement pour privilégier une visio ?

Amélie Berruex : Beaucoup de petites agences sont maintenant à même d’accompagner leurs clients dans leur démarche environnementale autour des déplacements professionnesl. En tant qu’agence, avoir le cran de dire, comme c’est le cas chez Advito/BCD : « il va falloir voyager moins », c’est très engageant.

Il faudra peut-être accepter que le modèle de l’agence, qui est basé sur celui de la transaction, n’ait plus aucune logique dans le monde de demain. Il faut la rémunérer pour le service qu’elle apporte.

L’entreprise aura peut-être la sensation de payer plus cher au début mais, à terme, elle aura un service de meilleure qualité. La RSE et la décarbonation nécessitent de rentrer dans un vrai partenariat avec les fournisseurs. Le levier pour décarboner ce sont les partenaires : c’est l’agence qui va proposer des solutions. À condition d’être mieux rémunérée, sinon elle ne pourra pas rentrer dans cette dynamique.

TourMaG.com – La digitalisation peut-elle aider à faire les bons choix ?

Amélie Berruex : Par rapport à d’autres activités, le voyage d’affaires est déjà un secteur très digitalisé. Ce qui manque encore dans le process digital, ce sont les interconnections qui ne sont pas encore complètement au point.

Même si l’expérience voyageur est déjà digitalisée, derrière, en back-office, le niveau d’interconnexion entre l’agence et ses prestataires n’est pas identique selon la prestation choisie.

Il peut y avoir des ruptures dans la chaîne, pour que le parcours soit fluide, par exemple, avec les loueurs de voitures, les réservations hôtels, l’application mobile… Néanmoins, les agences font aujourd’hui de la digitalisation de l’ensemble de ce process un chantier prioritaire.

Mais d’autres enjeux de digitalisation persistent. Notamment, dans les agences de petite taille, pour en finir avec les tâches manuelles sans valeur ajoutée afin de dégager du temps aux conseillers qui sera mieux employé.

Autre progrès attendu, cette fois-ci par le voyageur : les jeunes générations aspirent à vivre, pour leurs déplacements d’affaires, un parcours client identique à celui auquel elles sont habituées pour leurs propres réservations personnelles.

Si ce n’est pas le cas, ces voyageurs ont de plus en plus tendance à passer en dehors des circuits. Ils ne feront pas non plus l’effort d’aller chercher l’information si elle n’est pas disponible immédiatement. Les agences doivent donc la mettre à disposition en instantané, au bon endroit et au bon moment.

Ce défi de l’information voyageur ne se borne pas à l’action de réservation. C’est aussi comment je pousse l’information contextualisé au bon moment. Dans l’entreprise, cela va permettre d’économiser du temps interne : pour quelqu’un qui fait de la hotline toute la journée pour répondre aux questions des voyageurs, le gain serait énorme en temps/homme s’il s’appuyait sur un chat automatique. C’est aussi un vrai plus pour le voyageur.

Enfin, la digitalisation de la relation entre l’agence et ses prestataires continue aussi à se perfectionner. On voit de plus en plus d’agences qui vont proposer des circuits où elles indiquent aux voyageurs, au moment où ils sortent de l’avion, que leur correspondance est décalée avec une proposition de les rebooker sur le vol suivant. Autant d’éléments qui vont faire qu’il n’y aura pas de rupture dans le parcours du collaborateur.

Le voyageur attend de son hôtel une expérience personnalisée

TourMaG.com – Est-ce le manque d’informations contextualisées qui pousse bon nombre de voyageurs d’affaires à réserver des hôtels en direct ?

Amélie Berruex : Bien plus que pour l’avion, le voyageur qui ne dort pas chez lui attend de son hôtel une expérience personnalisée. Les chaînes hôtelières, dès lors qu’il s’agit de réservations professionnelles, ont plus de mal à capter les informations personnelles.

Elles savent qu’elles ont une réservation de la part de telle société mais elles n’ont pas forcément de suivi sur les datas des salariés. Les hôtels mettent par conséquent en place des dispositifs de fidélisation, comme les programmes de fidélité, et c’est effectivement ce qui peut pousser un voyageur d’affaires à passer en direct.

Cela vaut aussi pour des prestataires comme les loueurs de voiture, qui ont besoin de connaître au maximum le voyageur, capter beaucoup plus de données pour personnaliser l’expérience. L’enjeu c’est que cette connaissance du client final leur soit fournie par l’agence de voyages.

Ce qu’aimerait aussi le voyageur, c’est que l’on puisse lui dire : « Vous avez réservé tel hôtel à Rome mais on vous conseille plutôt celui-ci qui est recommandé par vos collègues ».

TourMaG.com – Où en est-on de la dématérialisation pour tendre vers le « zéro papier » ?

Amélie Berruex : Un premier chantier avait démarré autour de la note de frais et de la dématérialisation fiscale des justificatifs via une directive européenne qui l’encadre. C’est effectif depuis plusieurs années en France mais il n’y a pas beaucoup d’entreprises à l’avoir mis en place. Notamment parce que c’est un projet qui implique la Finance, qui est bien souvent en sous-effectif et avec d’autres priorités.

C’est aussi un levier de décarbonation : la dématérialisation permet de ne pas stocker de papier, de ne pas empiler d’archives, de ne pas avoir d’enveloppes envoyées à la compta qui se perdent… Il y a donc de gros enjeux d’efficacité, de process et de « zéro papier ».

L’autre sujet annexe, c’est tout ce qui concerne la dématérialisation des factures.

Entre 2024 et 2026 selon la taille de l’entreprise, toute facturation entrante et sortante va devoir être dématérialisée. Toutes ces informations devront être envoyées à une plateforme agréée par l’Etat pour dire « j’ai vendu 100 euros de prestation de voyages avec 5 euros de TVA et 5 euros de frais » et cela va permettre à l’administration de connaître en temps réel tous les flux concernant la TVA.

Sur la partie « voyage », le process de facturation est souvent différent de celui des autres prestataires de l’entreprise. Elle se pose donc actuellement beaucoup de questions pour savoir comment elle va désormais gérer ces factures. Il y là aussi un enjeu d’efficacité de process. Dans le voyage, on est constamment en mode projet !

Laurent Guéna Publié par Laurent Guéna Journaliste - TourMaG.com
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