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Didier Arino : "le produit France a vieilli, il se repose sur ses acquis..."

L'interview de Didier Arino, directeur général de Protourisme


La France se targue d'être la 1ere destination mondiale ? Pas pour Didier Arino, directeur général de Protourisme, qui nous a accordé une interview sur sa vision de la nécessaire évolution du tourisme en France.


Rédigé par le Mercredi 27 Juin 2018

La Côte d'Azur est l'un des territoires les plus prisés en France - photo : Menton, crédit : Tobi 87 wikicommons
La Côte d'Azur est l'un des territoires les plus prisés en France - photo : Menton, crédit : Tobi 87 wikicommons
TourMaG.com - En ce début de saison, comment se porte le tourisme domestique ?

Didier Arino : Les réservations se portaient très très bien jusqu'en mars - avril, puis toute l'avance a été perdue. Il est de plus en plus facile de partir à l'étranger.

C'est surtout vrai dans les grandes métropoles, où le taux de départs est 15 à 20 points supérieurs aux zones rurales.

Cette année, les Français qui envisagent des vacances à l'étranger sont plus d'1,5 million de plus qu'en 2017. Ce chiffre concentre l'essentiel de l'augmentation du tourisme français. Le calcul est vite fait : l'augmentation profite au tourisme étranger et pas ou peu à la France.

TourMaG.com - Cette préférence des Français pour l'étranger serait due à quoi ?

Didier Arino : Avec l'essor du low cost, partir à l'étranger coûte de moins en moins cher. Avec le prix du carburant qui augmente et la météo qui n'a pas été très favorable, autant partir loin pour le même prix.

D'autant que les grèves ont pu faire craindre des difficultés de déplacements sur le territoire.

Et puis nous avons de plus en plus de concurrence. La croissance des pays voisins s'est démultipliée pendant que la France restait un peu sur ses acquis et la concurrence est rude.

Le retour des Européens

TourMaG.com - Qu'en est-il du tourisme étranger ?

Didier Arino :
Je parlais des grèves comme l'un des facteurs déclencheurs du départ des Français hors du pays. Mais ces événements ont été peu médiatisés à l'étranger, où l'image de la France se redresse. Il y a un effet Macron, on fait un peu plus envie et la peur, suite aux attentats, se tasse.

Globalement, les opérateurs en progression sont ceux qui ne sont pas dépendants du marché français et qui font du haut de gamme, pas forcément du luxe, mais plutôt tourné vers la classe moyenne haute qui peut partir plusieurs fois dans l'année.

Il y a une reprise internationale qui nous profite, il y a une augmentation des étrangers dans l'Hexagone (de l'ordre de 6%), surtout en Île-de-France et sur la Côte d'Azur, les zones urbanisées se portent bien, l'Aude et le pays cathare fonctionnent bien aussi.

TourMaG.com - Les étrangers sont donc au rendez-vous ?

Didier Arino :
Il y a une accélération des clientèles lointaines. Avec une croissance du tourisme mondial depuis 2000 de 4 à 5%, la France récupère un peu de ses parts de marché. Pour la nouvelle classe moyenne supérieure issue des pays émergents, la France fait partie des incontournables.

Cette année, on voit aussi un retour des Européens sur le territoire, ce qui est une bonne chose.

Mais il faut rester prudent, la France est une zone de transit. Les gens passent par le hub de Roissy en se rendant chez l'un de nos voisins.

On a une multiplication des séjours, mais pas forcément une hausse du nombre de nuitées : avec la hausse du low cost, on peut venir en un coup d'ailes pour un week-end. Nous sommes surtout une destination de courts séjours.

De grands classiques et des laissés pour compte

Bordeaux, place de la Bourse : la ville est passé de 400 millions € à 1,2 milliard de retombées touristiques en 10 ans - DR : Xellery wikicommons
Bordeaux, place de la Bourse : la ville est passé de 400 millions € à 1,2 milliard de retombées touristiques en 10 ans - DR : Xellery wikicommons
TourMaG.com - La vision d'un tourisme en France serait faussée ?

Didier Arino : Pendant des années, la France s'est vue comme la 1ère destination au monde mais on compte le routier espagnol qui dort dans son camion. Les chiffres sont trompeurs.

Globalement, le tourisme français se porte ni bien, ni mal, c'est assez neutre. Je dirais "A du potentiel, mais peut mieux faire". Il y a quelques destinations qui vont très très bien, et une multitude de petites qui se portent mal. Nous avons un tourisme a deux vitesses : avec des destinations très fortes et d'autres qui sont ignorées.

TourMaG.com - Quelles sont ces deux France ?

Didier Arino : Pour faire vite, on a des régions qui se détachent nettement : l’Île-de-France et PACA, surtout la Côte d'Azur. Quelques autres zones touristiques comme Bordeaux, de plus en plus Lyon, Biarritz et le Mont St Michel mais c'est très limité. Je dirais que le positionnement touristique en France se fait sur 1/10ème du territoire.

Le reste stagne voire régresse. Toute la campagne, les territoires ruraux par exemple. Pour la montagne, l'été c'est de plus en plus compliqué aussi. Je ne dirais pas que c'est vide mais parler de sur-fréquentation touristique sur le territoire, c'est oublier que dans la plupart des régions, on souffre plutôt de l'effet inverse.

Une réflexion globale et sur la durée

TourMaG.com - Le tourisme durable, qui prône un tourisme de proximité, pourrait-il aider ces régions ?

Didier Arino : Il ne faut pas opposer les choses, on a besoin de tout. Il y a une utilité à l'autoconsommation touristique. Les habitants ou les régions voisines qui viennent visiter et consommer leur propre territoire sont un vivier d'excursionnistes à l'année.

En Aquitaine par exemple, 25% de la fréquentation touristique vient des Aquitains. La tendance à l'autoconsommation régionale est importante dans beaucoup plus de régions qu'on ne l'imagine, mais on a besoin des deux : à la fois la proximité et le tourisme international.

TourMaG.com - Que préconisez-vous pour rehausser la fréquentation des régions plus isolées ?

Didier Arino : On a des produits de qualité mais on a besoin d'une vraie politique touristique globale et sur le long terme.

On se perd dans les phénomènes de mode comme les associations de territoire, les ambassadeurs de destinations... Mais le tourisme ça ne se fait pas d'une saison sur l'autre, ça se pense sur la durée, en revoyant les aménagements. Et puis il faut se moderniser, nous sommes très en retard sur le numérique et le marketing différentiel.

Le produit France a vieilli, il se repose sur ses acquis, propose moins d'animations. Il y a de l'argent mais qui est mal distribué, les moyens sont atomisés dans des micro-structures et des micro-territoires au lieu de moderniser nos politiques et nous donner les moyens d'actions.

Nos politiques de subventions aussi sont à revoir : elles sont axées sur le politique et ego-centrées. Il n'y a pas de vision économique.

TourMaG. com - Un bon élève qui ressort, pour donner l'exemple ?

Didier Arino : En 10 ans, Bordeaux est passée de 400 millions € à 1,2 milliard d'euros de retombées économiques dues au tourisme. Ils ont revu les infrastructures, autour d'un projet européen, la ville est belle et attractive, il n'y a pas de secret !

Les aménagements ont été repensés de manière plus pratiques et de gros investissements ont été faits sur les infrastructures. On a valorisé le patrimoine, en travaillant pour devenir patrimoine mondial de l'Unesco. En point d'orgue, la création de la Cité du Vin, qui génère 450 000 visiteurs par an, ce qui est énorme pour un centre régional.

Mais il y a plein d'autres exemples, comme Nantes, aussi, qui a fait aussi des aménagements avec un gros projet urbain. La Ville a misé sur le culturel et a ouvert un centre de congrès en centre-ville.

Il y a des possibilités, il faut simplement s'en donner les moyens à travers un vrai projet touristique : moderniser et aménager le territoire, être plus créatif en s'appuyant sur le culturel et et ne pas s’éparpiller.


NDLR : à propos du marché domestique que nous abordions en début d'article, Protourisme fait paraître son étude :



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