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Tourisme durable, IA, revenge travel... que reste-t-il du covid ? [ABO]

Retour sur la conférence IFTM "5 ans après le Covid, le tourisme a-t-il vraiment changé ?"


Rappelez-vous, il y a cinq ans, nous scrutions encore chaque jour les chiffres de contaminations annoncés aux journaux télévisés. L’épée de Damoclès d’un deuxième confinement planait au-dessus des têtes des professionnels du tourisme. Tout cela n’est plus qu’un mauvais souvenir. La crise sanitaire est loin derrière nous, mais quels vestiges a-t-elle laissés ? Le monde du tourisme est-il vraiment différent, comme certains l’annonçaient ?


Rédigé par le Mercredi 8 Octobre 2025

Digitalisation, IA, inflation et tourisme durable... Le secteur a-t-il vraiment changé ? - Depositphotos.com, @studiostoks
Digitalisation, IA, inflation et tourisme durable... Le secteur a-t-il vraiment changé ? - Depositphotos.com, @studiostoks
Il y a cinq ans jour pour jour, l’industrie du tourisme tremblait.

Les contaminations repartaient à la hausse, les pays se refermaient et les trésoreries se tendaient.

Nicolas Brumelot, actuel président de Digitrips, prenait la plume pour appeler le président de la République à sauver le soldat voyagiste.

Les bars et cafés tiraient de nouveau le rideau, et les agents de voyages philosophaient sur une industrie qui, selon eux, ne pourrait pas se relever de la même manière.

"Nous sommes face à l'une des ruptures majeures de notre monde. Tout va bouger très profondément," prophétisait Jean Viard.

Et finalement, au moment du redémarrage, l’industrie est repartie comme si de rien n’était, portée par un nouvel engouement pour le voyage.

Tout le monde voulait s’échapper - qu’importe le budget - en plein ère du revenge travel.

Dans le même temps, les entreprises du secteur avaient dû élaguer dans les rangs pour survivre, rationaliser leur fonctionnement et maîtriser leurs coûts.

Pour au final, dresser ce constat : "Le monde d’après est le même que le monde d’avant, il est même mieux. Nous avons plus de clients et les paniers moyens sont hauts. Nous avons eu du temps, nous avons réorganisé nos entreprises, la productivité s’est donc améliorée", a analysé Laurent Abitbol, lors de l'IFTM 2025, où il intervenait sur la conférence "5 ans après le Covid, le tourisme a-t-il vraiment changé ?"

Si le président de Marietton Développement a, bien sûr eu peur, comme bien d’autres, il est ressorti de cette période avec un groupe plus sain, plus fort et plus offensif.

Marietton a mis la main sur Bleu Voyages, Premium Travel, le Groupe Akilanga, Supertripper et prévoit encore deux nouvelles acquisitions dans les prochaines semaines.

Finalement, le chapitre des craintes refermé, le géant français a repris sa marche en avant, à un rythme bien plus effréné.


L’aérien a été marqué par une flambée des prix

Mais la productivité améliorée et l’assainissement financier des entreprises n'auront pas été les seuls vestiges de cette période.

"Le monde d’après est différent, mais pas en profondeur, a souligné pour sa part, Émilie Dumont, encore directrice générale de Digitrips.

L’industrie a rappelé aux clients que la qualité des services a un prix. L’aérien est frappé par des problèmes de routes aériennes, des impacts géopolitiques et des tensions sur l’offre. Dans le top 20 des destinations les plus vendues, toutes affichent des hausses tarifaires," a poursuivi Émilie Dumont.

Une inflation que la DGAC situe d'ailleurs à un niveau très élevé.

Imaginez un peu : en se basant sur les prix de 2023 (indice 100), les vols intérieurs en France enregistrent une augmentation de +26,1 points en août dernier, tandis que le long-courrier grimpe de +7,1 points, et le moyen-courrier de +31,4 points. Tout en sachant qu’en décembre 2023, l’ensemble des vols au départ de la France était 34,3% plus chers qu’en 2017 !

La flambée est bien réelle. Son origine réside à la fois dans le yield management, le besoin de reconstituer les marges et le manque de capacité du secteur. Selon la presse spécialisée, il manquerait encore environ 5 000 appareils à l’industrie.

Néanmoins, cette politique tarifaire à la hausse semble avoir atteint ses limites : celles du portefeuille non extensible des voyageurs.

"Sur l’hiver, nous avons une demande sur une base 102 pour des capacités à 106. Nous voyons un équilibre qui se rapproche, même si, au sortir du Covid, ce n’était pas le cas.

Concernant les livraisons qui n’ont pas eu lieu, nous avons eu la chance de commander des Airbus qui ont été livrés en temps et en heure,
" a précisé Hervé Kozar, le directeur des ventes agences d’Air France, en guise d'illustration.

D'ailleurs, alors que les ventes en agences ont pris un coup de frein brutal depuis avril dernier, la dynamique n'était pas bien meilleure ailleurs : pour remplir, tour-opérateurs et compagnies ont dû mettre en place des rabais.

Des ristournes qui se poursuivent encore en septembre et octobre, de l’aveu même d’Henri Hourcade. Et Air France ou Transavia ne sont pas les seules à procéder ainsi pour stimuler la demande.

"La nouvelle donne : de quoi va être fait mon avenir ?"

De son côté, le cabinet Protourisme, auteur d’un observatoire basé sur une enquête réalisée auprès de 3 000 personnes, constate que le revenge travel n’est plus qu’un lointain souvenir.

Le décrochage entre les prix de l’offre et la croissance de la demande a eu lieu à l’été 2023.

"Ils ont eu peur (durant le Covid, ndlr), mais ce sentiment a ses limites, d'autant plus avec une hausse de +27% en quatre ans des prix dans le secteur du tourisme.

L’envie de voyager est présente, ce n’est pas le problème, mais le pouvoir d’achat ne suit pas. Cet été, 200 000 Français ne sont pas partis à l’étranger, par rapport à l’an dernier.

Si on veut une augmentation du tourisme en France, il faut augmenter le pouvoir d’achat,
a martelé Didier Arino, le directeur général de Protourisme.

La donne maintenant, c’est : de quoi va être fait mon avenir ? Ceux qui ont les moyens commencent à compter. La base avant toute chose, c’est le pouvoir d’achat," a-t-il expliqué.

S’échapper de son quotidien serait une priorité pour de moins en moins de nos compatriotes, ou du moins, ils sont de moins en moins nombreux à pouvoir se le permettre.

La situation politique intérieure, mais aussi les tensions géopolitiques n’arrangent rien.

Face à l’instabilité politique et aux incertitudes économiques, les Français épargnent davantage et resserrent leur budget, dans un réflexe de prudence.

"Les consommateurs ne sont plus prêts à payer des prix très élevés. Une partie de la population se focalise désormais sur le pouvoir d’achat, et très rares sont ceux capables de payer plus cher.

Nous avons développé des solutions de paiement fractionné, plébiscitées par les clients et représentant parfois plus de 50% des réservations selon les segments,
" a affirmé Émilie Dumont.

"Une génération persuadée que les agences de voyages sont ringardes"

L'inflation n'est pas le seul legs indiscutable de l'ère Covid.

"Nous observons une augmentation très forte, une bascule vers les solutions numériques. Cette digitalisation s’est considérablement accélérée dans les entreprises.

Cela entraîne une meilleure productivité, une plus grande réactivité, mais aussi un besoin accru pour les prestataires de se connecter, notamment les hôteliers, jusque-là assez peu enclins à développer des solutions technologiques,
" a analysé Christian Sabbagh, le président directeur général du Groupe Travelsoft.

La digitalisation croissante de la population a donc poussé les entreprises à suivre le mouvement.

Une numérisation à vitesse grand V, qui n’a pas été un désagrément pour les agences de voyages, bien au contraire. Du côté d’Amadeus, ce vaste mouvement ne s’est pas traduit par une baisse d’activité des points de vente traditionnels, pour une raison simple : le besoin de réassurance.

De son côté, Laurent Abitbol estime que les clients qui ont connu de nombreuses galères pendant le Covid pour se faire rembourser, ont finalement réalisé que les tarifs ne sont pas toujours plus avantageux sur Internet.

Mais cette croyance en un retour en grâce des boutiques physiques semble toutefois se heurter à une autre réalité.

"La relation avec le téléphone a évolué. Il n’est plus seulement le prolongement de nous-mêmes, c’est aussi un moyen de paiement et, d’une certaine façon, un assistant personnel avec ChatGPT a souligné le directeur de Protourisme.

Il y a un fossé générationnel, les différences d’usages selon les âges restent fortes car les seniors ont l’argent et sont les principaux clients des agences de voyages.

Néanmoins, cette digitalisation se généralise et le problème n’est pas aujourd’hui, mais demain : il s'agit de celui des consommateurs de la prochaine génération.

Une génération persuadée que les agences de voyages sont plus chères, font perdre du temps, voire sont un peu ringardes,
car c’était le choix de leurs parents ou grands-parents, ce qui les pousse à privilégier Booking ou Airbnb,
" ajoute Didier Arino.

"L’IA peut probablement remplacer un agent de voyages"

Preuve en est, Air France a supprimé l’ensemble de son réseau physique pendant la crise sanitaire.

Si certains secteurs ont définitivement tourné la page, d’autres, en revanche, s’interrogent sur la nécessité de se former à l’intelligence artificielle.

Cette révolution intrigue et alimente les fantasmes les plus fous chez certains, comme celui d’un monde où chacun aurait son propre assistant personnel, sans presque jamais avoir besoin d’échanger avec un humain.

"C’est un game changer pour toutes les industries. Ceux qui pensent que ça ne va rien changer risquent de se prendre les pieds dans le tapis, a affirmé Emilie Dumont.

J’estime que c’est plutôt une chance pour l’industrie. L’IA ne pourra pas remplacer la recherche d’expérience et d’authenticité, mais elle va influencer la manière dont nous commercialisons, travaillons et communiquons.

L’IA peut probablement remplacer un agent de voyages, mais elle ne remplacera pas les agences de voyages,
" estime celle qui sera bientôt l'ex-DG de Digitrips.

Enfin, dernier chapitre rapidement refermé ou moins porteur que prévu durant la pandémie : celui du durable.

Alors que Laurent Abitbol ne croit pas qu’il s’agisse d’un marché
, car "les clients ne viennent pas demander ça dans nos agences de voyages", Christian Sabbagh estime, lui, qu’il ne faut rien attendre des clients et que ce sont aux industriels de prendre les devants sur ce sujet.

D’autant plus que le consommateur fait souvent preuve d’un léger paradoxe. "Ceux qui disent vouloir moins prendre l’avion sont aussi ceux qui le prennent le plus. Cette année, à peine 4% des personnes interrogées nous ont dit qu’elles étaient prêtes à payer 10% de plus pour un séjour durable, a rappelé Didier Arino.

Le tourisme subit un bashing constant et généralisé. Il va devenir difficile de recruter dans le secteur, et encore b[plus si les gens estiment qu’ils travaillent dans une industrie qui pollue, dégrade la planète et ne fait pas de bien. Ce seront donc les entreprises qui devront payer.

Les gens voudront avoir une vie plus saine, rencontrer les autres, etc. Il faut faire de ces changements quelque chose de positif, et non culpabilisant,
" imagine le dirigeant de Protourisme.

Finalement, ce n'est pas un, mais trois changements majeurs - l’IA, la digitalisation et la hausse des prix - qui ont façonné l’industrie touristique telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Le durable, lui, semble relégué à l’arrière-plan de ces pivots essentiels.


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