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Emissions carbone : Secret Planet passe à l'action et fait évoluer son modèle économique

Comment Secret Planet va réduire massivement ses émissions carbone tout en restant viable


Déjà très engagé auprès de ses clients quant à la réduction de l’empreinte carbone de leurs voyages, Secret Planet va beaucoup plus loin en s’engageant à réduire son empreinte carbone de 5% par an dans la trajectoire des accords de Paris, soit -37% en 2030 par rapport à 2019. Un geste fort et nécessaire à l'heure où l’urgence écologique et climatique ne laisse plus la place aux beaux discours et encore moins au greenwashing. Eric Bonnem, fondateur et dirigeant de Secret Planet, nous explique sa démarche en détails, en espérant qu'elle puisse inspirer d'autres voyagistes...


Rédigé par le Jeudi 28 Juillet 2022

Pour Eric Bonnem (Secret Planet) : « La notion de « compensation » est au mieux un leurre, au pire un mensonge. En nous engageant dans une réduction massive de nos émissions carbone tout en assumant notre responsabilité économique et sociale, en France et dans le monde, nous nous engageons dans une véritable expédition… » - Photo Pascal Pompei
Pour Eric Bonnem (Secret Planet) : « La notion de « compensation » est au mieux un leurre, au pire un mensonge. En nous engageant dans une réduction massive de nos émissions carbone tout en assumant notre responsabilité économique et sociale, en France et dans le monde, nous nous engageons dans une véritable expédition… » - Photo Pascal Pompei
Pour Secret Planet, les deux années de pandémie ont divisé l'activité par quatre.

Néanmoins, le tour-opérateur, spécialiste du voyage d’aventure, des expéditions en très haute montagne et dans les zones polaires, a pu organiser quelques expéditions et conserver l’ensemble de son équipe.

L'arrêt forcé de son activité, imposé par le Covid, l'a aussi incité à passer à l'action en ce qui concerne la réduction de l’empreinte carbone de ses voyages.

« Il y a 5 ans, nous avons commencé à mettre au point un modèle de calcul de notre empreinte carbone, qui prend en compte une multitude de critères, comme les vols long-courrier, les vols locaux, les hébergements, la restauration, les transports terrestres... jusqu'à la pirogue !

Pour en savoir plus sur les modalités de calcul mises en place par Secret Planet, cliquez ici

Affiné au fil du temps, il nous a permis de sensibiliser nos clients à cette notion d'empreinte carbone. Désormais, notre action va plus loin », nous explique Eric Bonnem, le fondateur et dirigeant de Secret Planet.

Le Groupe a pris la résolution de s'inscrire dans la trajectoire des accords de Paris, partagée par les experts du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), qui vise à atteindre la neutralité carbone en 2050.

Pour cela, le voyagiste se fixe un premier objectif : réduire son empreinte carbone de 5% par an, soit 37% en 2030 par rapport à 2019.

Un engagement qui l'oblige à revoir en partie son mode de fonctionnement et à trouver des solutions pour subsister économiquement, en emmenant avec lui ses clients, ses équipes, ses guides ou encore ses fournisseurs.


« Renoncer à ce modèle de croissance mortifère »

En effet, entre 2015 et 2019, la croissance annuelle du Groupe a progressé de près de 25% par an (Secret Planet a réalisé près de 5 M€ de chiffre d’affaires en 2019, pour plus d’un millier de clients).

Du côté du bilan carbone, cette performance s'est traduite par une émission annuelle qui est passée de 1 810 à 3 430 tonnes de CO2, dont plus de 85% liés aux vols internationaux.

Aujourd'hui, le Groupe a décidé « de renoncer à ce modèle de croissance mortifère » et se fixe comme cap de ne pas émettre plus de 2 160 tonnes de carbone en 2030. D’ici là, chaque année, dès que l’empreinte carbone fixée sera atteinte, le voyagiste d’aventure cessera de prendre toute réservation.

Ainsi, pour 2022 son « budget carbone » maximum est de 3 260 tonnes. Pour 2023, il passera à 3 100 tonnes. Et ainsi de suite jusqu'en 2030.

Mais comment le voyagiste envisage-t-il d’atteindre concrètement cet objectif ? Certainement pas en compensant !

« Nous avons un devoir moral, une responsabilité, une urgence de prendre notre part et d’agir dès maintenant, déclare Eric Bonnem.

Nous ne pouvons attendre une rupture technologique concrète dans l’aérien avant 10 ou 20 ans, si elle arrive. La notion de « compensation » est au mieux un leurre, au pire un mensonge.

En nous engageant dans une réduction massive de nos émissions carbone tout en assumant notre responsabilité économique et sociale, en France et dans le monde, nous nous engageons dans une véritable expédition.
»

Privilégier les vols directs et rallonger la durée des voyages

Secret Planet ne compte ni recourir au crédit carbone, ni planter des forêts mais réaligner son offre vers des voyages toujours plus porteurs de sens, plus longs et avec plus de valeur ajoutée.

« Nous allons inciter les clients à privilégier les vols directs, afin de réduire entre 20 et 30% les émissions de CO2 », explique Eric Bonnem.

La durée des voyages sera également rallongée. Elle est déjà passée de 18 jours en moyenne en 2019 à 20 jours en 2021.

Les équipes doivent désormais peaufiner les quelque 400 programmes pour les rendre plus sobres en carbone. Mais déjà le voyagiste ne propose plus de voyages dont la durée est inférieure à 14 jours s'il ne trouve pas un moyen de transport hors avion (train, bus, etc.), et ceci à l'exception de deux ou trois expéditions.

« Nous avons dix ans pour trouver les bonnes solutions, en étant innovants, agiles et enthousiastes. Cela risque de devenir de plus en plus complexe au fil des années, quand nous commencerons à approcher des -25% d'émissions...

Mais c'est un peu comme nos expéditions : nous savons où nous voulons aller, sans savoir exactement quel sera le chemin. Nous savons qu'il y aura des moments où nous aurons envie d'abandonner, des moments de joie, des succès, des échecs, mais cela reste une bonne émulation d'innovation, de souplesse, de contraintes. Il faut faire avec, car aujourd'hui nous n'avons plus le choix
 ».

Pour prouver son engagement, Secret Planet rendra compte chaque année de ses résultats, grâce à sa comptabilité carbone dédiée. Mais sur quels éléments repose-t-elle ?

« Pour faire simple, nous travaillons sur deux indicateurs que nous avons mis en place pour modéliser économiquement un développement plus durable pour Secret Planet, explique Eric Bonnem.

Notre raisonnement a été inspiré de la finance et du fameux ROCE (Return On Capital Employed) qui est un indicateur traditionnel-clé de la performance d’une entreprise : en gros, quel retour (RO qui correspond au Résultat Opérationnel après impôt) sur les capitaux employés (CE qui est la sommes des actifs immobilisés et du besoin en fonds de roulement) ».

Deux indicateurs fondamentaux : l'intensité carbone et l'efficacité carbone

Secret Planet va privilégier les vols directs et des propositions alternatives de transport international. Les équipes peaufineront les programmes pour les rendre plus sobres en carbone - Photo Dixie Dansercoer
Secret Planet va privilégier les vols directs et des propositions alternatives de transport international. Les équipes peaufineront les programmes pour les rendre plus sobres en carbone - Photo Dixie Dansercoer
Le fondateur de Secret Planet a donc trouver un moyen de calculer le retour économique au regard du carbone émis, le ROCE correspondant ici à Return On Carbon Emissions.

Pour cela, il se base sur deux indicateurs : l'intensité carbone (IC) et l'efficacité carbone (EC).

« Nous avons repris le concept d'Intensité Carbone (IC) qui est défini comme le « rapport des émissions de CO2 à la production de l’entreprise », comme étant le « rapport des émissions de CO2 au chiffre d’affaires de l’entreprise » », poursuit Eric Bonnem.

L'IC va répondre à la question : combien dois-je émettre de carbone pour réaliser 1€ de chiffre d’affaires ?

« Moins j’en émets bien sûr et mieux le monde se porte... », ajoute le chef d'entreprise. À titre d’exemple pour Secret Planet en 2015, notre IC était de l’ordre de 1, soit 1 kg de CO2 émis pour générer 1€ de chiffre d’affaires, ou encore 1 tonne de CO2 émise pour générer 1 k€ de chiffre d’affaires.

En 2019, notre IC était de 0,7 (donc 700 g de CO2e émis pour générer 1€ de chiffre d’affaires), bien meilleure donc. Enfin en 2021, notre IC était de 0,4 avec les circonstances exceptionnelles liées la pandémie, un recentrage sur de grosses expéditions à forte valeur ajoutée et longues, allié à quelques voyages cours et de proximité ».


Quant à l'efficacité carbone (EC), le concept a été développé comme le rapport des émissions de CO2 à la marge de l’entreprise, qu’il s’agisse d’une marge brute, un EBE, un résultat d'exploitation ou un résultat net.

« Dans notre situation de voyagiste, nous prenons la marge brute (MB) de nos voyages comme indicateur-clé. L’EC est bien sûr l’indicateur qui nous intéresse le plus car c’est de la marge brute donc dépend notre survie », souligne Eric Bonnem.

L'EC va donc répondre à la question : combien dois-je émettre de carbone pour réaliser 1€ de marge brute ?

« Là encore, Secret Planet a pas mal progressé puisque notre EC était de l’ordre de 5 en 2015, soit 5 kg de CO2 émis pour générer 1€ de marge brute, ou encore 5 tonnes de CO2 émises pour générer 1 k€ de marge brute.

En 2019, notre EC était de 3,2 (donc 3,2 kg de CO2e émis pour générer 1€ de marge brute), donc en nette diminution. Enfin, en 2021, notre EC était de 1,7 pour les mêmes raisons exceptionnelles
 ».

Un modèle économique qui intègre l’enjeu du dérèglement climatique

En s'appuyant sur ces deux indicateurs, Eric Bonnem espère pouvoir modéliser le développement de Secret Planet en y intégrant l’enjeu du dérèglement climatique.

« L’efficacité carbone (EC) peut s’écrire comme le rapport de l’intensité carbone (IC) à la marge brute en pourcentage (MB%). Donc pour diminuer notre EC, soit nous diminuons notre IC, soit nous augmentons notre MB%, poursuit-il.

Pour diminuer notre IC, soit on accroît notre chiffre d'affaires à émissions constantes (plus de jours de voyage, plus de valeur ajoutée, etc.), soit on baisse nos émissions à ISO chiffres d’affaires. C’est le travail sur l’empreinte carbone de chaque voyage (vols directs, substitution du vol par des moyens moins polluants, optimisation des transferts locaux et hébergements, etc.).

Pour augmenter notre MB%, nous devons principalement nous concentrer sur les segments où nous sommes les plus performants, où nous avons le plus de valeur ajoutée, base de toute bonne stratégie »
, conclut Eric Bonnem.

Secret Planet démarre donc cette nouvelle décennie avec des ambitions bien claires et une réflexion en évolution perpétuelle.

Une réflexion également « en open source » pour tous les acteurs du voyage qui seraient intéressés et souhaiteraient échanger sur le sujet... A bon entendeur !

Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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