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Incendies en Gironde : quelles conséquences pour le tourisme ? 🔑

Incendies en Gironde : 22% des capacités des campings du Bassin d'Arcachon parties en fumée


En l'espace d'une semaine, de terribles incendies en Gironde ont dévoré plus de 20 000 hectares, léchant même la légendaire Dune du Pilat. Les conséquences sur la faune et la flore sont d'ores et déjà dramatiques et pour les habitants des secteurs concernés, elles sont tragiques. Cinq campings, dont le mythique "Flots Bleus" ont été réduits en cendres, soit plus de 22% des capacités d'accueil du Bassin d'Arcachon. De Gironde Tourisme à la MONA, en passant par l'OT d'Arcachon, nous avons fait le point avec des acteurs touchés, mais qui regardent les enjeux à venir pour l'industrie.


Rédigé par le Jeudi 21 Juillet 2022

En Gironde le temps n'est pas encore au règlement de comptes, ni totalement au bilan, mais à l'émotion.

Depuis plus d'une semaine, les forêts du département sont rongées par les flammes. En tout plus de 20 000 hectares sont partis en fumée, des milliers de personnes ont été évacuées et cinq campings ont brûlé.

"Ces incendies sont sans précédent. C'est une situation hors norme, très difficile," souffle Karine Desmoulin, la présidente de Gironde Tourisme.

Il faut remonter en 1949, pour connaître un scénario aussi dramatique dans les étendues peuplées de millions de pins rendus, facilement inflammables en raison d'une sécheresse exceptionnelle accentuée par les nombreuses vagues de canicule.

A l'époque 50 000 hectares avaient flambé et 82 personnes étaient tuées. Le bilan est pour l'heure fort heureusement moins lourd (humainement).

"C'est dramatique émotionnellement, puisque les flammes détruisent ou touchent les lieux de vie des habitants.

Nous sommes psychologiquement très touchés,
" témoigne Frédérique Dugeny, la directrice générale de l'Office de Tourisme d'Arcachon.

Et malheureusement, ce que décrivent les deux femmes n'est pas un mauvais film d'anticipation, mais une réalité vouée à se reproduire ailleurs.


Incendies : des annulations en août et septembre à Arcachon !

Après 10 jours de lutte acharnée, les pompiers n'arrivent toujours pas à fixer les incendies mais notent, malgré tout une stagnation dans leur progression.

Ils ont laissé derrière eux des images de désolation.

"Avec 5 campings ravagés par les flammes, c'est tout simplement 22% des capacités d'accueil de l'hôtellerie de plein air du Bassin d'Arcachon.

Au-delà d'un crève-cœur pour les vacanciers et les hébergeurs qui ont vu leur outil de travail partir en fumée, il y a de véritables difficultés,
" déplore la Conseillère départementale et présidente de Gironde Tourisme.

Les estivants sur place sont, pour certains, ceux logés à proximité des bois, quand les autres n'ont plus de lieu pour finir leurs séjours. Pour les professionnels, la difficile étape des papiers et échanges avec les assurances, va débuter.

Les conséquences pour le tourisme local ne s'arrêtent bien évidemment pas là.

"Nous constatons une baisse de fréquentation de 10% dans l'hôtellerie et et de 30 à 60% pour les restaurants d'Arcachon.

Dans le même temps, les acteurs sont passés d'un rôle de réassurance, au début des incendies, à enregistrer des annulations pour août et septembre,
" déplore la responsable de l'OT de la ville.

Alors qu'au niveau régional aucune migration n'est à constater, du côté des vacanciers voulant fuir les zones à risques, dans le département le constat est tout autre.

Les fumées et les odeurs ont pu être ressenties à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde.

"Les touristes se désistent dans des secteurs qui ne sont même pas touchés par les feux.

Les répercussions sont immédiates. Non seulement ils ne réservent plus, mais les annulations sont de plus en plus nombreuses et les hôtels se vident progressivement,
" déplore Frédérique Dugeny.

Et l'impact ne s'arrête pas là.

Incendies en Gironde : des effets à long terme à craindre

La Dune du Pilat, léchée par les flammes, accueille chaque année 2 millions de visiteurs, dont 90 000 sur les seuls 15 premiers jours de juillet. Depuis, le 13 juillet 2022, le site est fermé au public.

Un peu plus à l'intérieur des terres, une partie du domaine départemental d'Hostens a été détruit et personne ne sait quand le lieu pourra rouvrir.

Spot touristique par excellence, Arcachon voit sa population décupler chaque été, passant de 10 000 à 100 000. Près de 70 000 excursionnistes s'y rendent chaque jour pour déguster des huitres et autres spécialités du secteur.

"Les conséquences se feront sentir longtemps, cela nous inquiète. Au flanc sud de la dune, les arbres sont calcinés. Les effets immédiats et visuels sont importants.

Nous travaillons d'arrache-pied pour un plan de relance, mais nous sommes dépendants de l'évolution de la situation
" déplore Frédérique Dugeny.

D'autant que les images ne se sont pas arrêtées à nos frontières.

Du NY Times à Al Jazeera, en passant par Reuters, SKY News ou encore le Washington Post, de nombreux médias du monde entier ont relayé l'information.

Alors que les incendies ne sont toujours pas éteints, il est bien sûr trop tôt pour connaître les conséquences des vidéos et titres sur la clientèle étrangère. Mais les professionnels redoutent les répercussions à long terme.

"Nous sommes confrontés à une problématique nouvelle : les fakes news. Nous sommes confrontés à la toute-puissance des réseaux sociaux, pour le meilleur et le pire.

Nous allons devoir être vigilants,
" annonce Nicolas Martin, le président des Mission des Offices de tourisme Nouvelle-Aquitaine (MONA).

Entre les images négatives pour les destinations et les fausses informations, la Gironde pourrait être durablement impactée par ces évènements. Les acteurs sont inquiets pour la saison à venir et aussi pour la suite de l'année.

"C'est un département hautement touristique.

J'invite les Français à venir en Gironde, ce serait une belle preuve de solidarité et cela permettrait de maintenir la tête hors de l'eau à tout un secteur,
" affirme Karine Desmoulin, la présidente de Gironde Tourisme.

Dérèglement climatique : faut-il réfléchir à un autre tourisme en France ?

Au-delà des chiffres et des pertes, le dérèglement climatique va devoir aussi pousser notre industrie à se repenser.

"C'est malheureusement un signe avant coureur de ce qui va arriver de plus en plus souvent.

Il y aura des réflexions à mener sur la politique touristique, les plans locaux d'urbanisme, la répartition des flux, etc,
" prédit Nicolas Martin, le président des Mission des Offices de tourisme Nouvelle-Aquitaine (MONA).

Les campings calcinés par les flammes posent aussi la question de la trop grande concentration des activités touristiques. Le besoin d'espace des touristes, qui s'est fait tant ressentir depuis la pandémie, doit être écouté et étudié.

Emmanuel Macron a promis de rebâtir les campings touchés, "mais différemment" et d'ouvrir un grand chantier national de replantation de la forêt.

La trop grande densité des installations touristiques a entrainé des effets en cascade. Il va falloir y remédier.

"Le Bassin d'Arcachon mène depuis plusieurs années une réflexion pour un développement maîtrisé du tourisme. Malgré tout, elle va devoir s'accélérer," poursuit le patron de la MONA.

Un sujet souvent abordé par les comités régionaux du tourisme, ces dernières années, dans le cadre du virage durable que doit prendre l'industrie.

"Il y aura un lendemain, c'est peut peut être l'occasion pour les prestataires de travailler autrement.

Les canicules à répétition doivent nous faire nous poser des questions sur la conception que nous avons des villes, sur la gestion de l'eau, de la forêt.

Ce sont des questions qui vont au-delà tu tourisme,
ce sont des questions de société,
" résume Frédérique Dugeny, la directrice générale de l'Office de Tourisme d'Arcachon.

Des questionnements qui font écho au grand chantier ouvert par le président de la République, au début de son 2e mandat.

Avec "L'écologie, combat du siècle", Emmanuel Macron appelle à transformer profondément la France, reste à savoir si les actes suivront...

France : vers une forte hausse des risques d'incendie ?

Quelques jours avant le 1er confinement, TourMaG avait échangé avec un expert du changement climatique au sein de l'Agence européenne pour l'environnement.

A l'époque, l'Australie connaissait des incendies monstres qui emportaient 18,6 millions d'hectares de végétation et touchaient 3 milliards d'animaux.

"Dans un scénario moins favorable (émission de gaz à effet de serre, ndlr), les sécheresses pourraient augmenter de 2 à 5 fois plus, notamment au niveau de leur gravité.

Et la sécheresse aura aussi des répercussions sur les feux de forêt, avec une augmentation de 30 à 40% chaque année des risques d'incendies. Les images que nous avons vues en Australie ne seront pas seulement réservées à ce pays,
" confiait alors Wouter Vanneuville.

Pour ce scientifique, si rien n'est fait dans les prochaines décennies alors le Sud de la France et le bassin méditerranéen seront des régions comparables au désert de l'Afrique, que nous connaissons aujourd'hui.

Terre densément boisée, la Gironde et la Nouvelle Aquitaine ont vécu un épisode inédit de par son importance, mais dans une zone particulièrement exposée au risque d’incendie de forêt.

D'après la plateforme européenne d'adaptation au climat Climate-ADAPT, en cas de croissance continue des gaz à effet de serre (le pire des scénarios, mais pas le moins probable) la France devrait vivre 10 jours par an avec un risque élevé d'incendie, d'ici 2066, contre 1,6 jour actuellement.

En Nouvelle-Aquitaine, le risque passera de 1,7 jour actuellement à 10,1 jours, quand en la PACA pourrait voir le nombre de jours multiplié par 3 (passant de 6,6 jours à 21,3 jours).

Entre 1980 et 2020, les pertes économiques totales liées aux événements météorologiques et climatiques se sont élevées à 450-520 milliards d'euros (en euros de 2020) dans les 32 pays membres, toujours selon l'Agence européenne pour l'environnement.

La France arrive 2e dans ce tragique classement derrière l'Allemagne.

Entre la sécheresse qui touche notre pays, les vagues de chaleur et les incendies, nous avons ces derniers mois vécu un condensé des années à venir, si l'humanité décide de ne jamais regarder droit dans les yeux l'impact de sa façon de vivre.

"Entre la fin du mois et la fin du monde, les gens vont choisir la fin du mois, c'est une date limite plus proche.

Il n'est jamais trop tard pour faire des choses, mais cela va devenir de plus en plus dur et coûteux, ne rien faire sera encore pire,
" m'expliquait Wouter Vanneuville, expert du changement climatique à l'Agence européenne pour l'environnement.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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