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Patrimoine de l’humanité de l'Unesco : grandes causes, petits arrangements financiers...

la chronique de Christian Orofino, co-président de l'OBGET


Le label « Patrimoine de l’humanité » de l'UNESCO révèle au grand jour des beautés du monde. Toutefois, l'enjeu économique dépasse largement le but initial de ce label qui a pour premier objectif la préservation d’un patrimoine mondial. Christian Orofino, co-président de l'OBGET revient dans cette chronique, sur les grandes causes, et les petits arrangements...


Rédigé par Christian Orofino le Mardi 11 Mars 2014

Le temple d'ANGKOR au CAMBODGE n'était jusque dans les années 80 absolument pas visité, et qui, après le classement en 1992, a attiré 60.000 visiteurs en 1999, 250.000 en 2001 et 3 millions de visiteurs en 2011 © Aleksandar Todorovic - Fotolia.com
Le temple d'ANGKOR au CAMBODGE n'était jusque dans les années 80 absolument pas visité, et qui, après le classement en 1992, a attiré 60.000 visiteurs en 1999, 250.000 en 2001 et 3 millions de visiteurs en 2011 © Aleksandar Todorovic - Fotolia.com
Canal plus a consacré une émission « spéciale investigation » sur les coulisses de l’UNESCO et de son Comité chargé d’attribuer le label « Patrimoine de l’humanité » à des sites répondant à certains critères de sélection.

Au delà de l’aspect délibérément provocateur, l’émission pose le problème des pressions qu’exercent les états demandeurs pour soutenir des patrimoines qui apparemment ne présentent pas les qualités nécessaires pour obtenir le label.

Le lobbying et les tractations occultes sont de même nature certainement que celles qui ont cours lors des comités olympiques en vue de la nomination des villes organisatrices des Jeux olympiques ou pour le football pour désigner le pays organisateur de la coupe du monde.

Souvent sortent du chapeau des choix que la logique n’avait pas prévu.

Dans un cas comme dans l’autre, l’argent, les renvois d’ascenseurs, les récompenses sont des arguments plus convaincants que la qualité intrinsèque d’un site historique ou celui d’infrastructures sportives.

981 biens classés à l'Unesco

Actuellement 981 biens sont classés « patrimoine de l’humanité » ou « patrimoine mondial ».

Ces 981 sites sont répartis sur 169 états, 759 sont classés culturels,193 sont classés « naturels » et 29 mixtes.

Chaque année l’UNESCO attribue le label à 30 nouveaux sites.

Ce label « Patrimoine de l’humanité » est un moteur de développement économique pour les états ou les régions bénéficiaires car ces lieux historiques ou écologiques sont ensuite au centre de projets touristiques et deviennent l’alibi à des commerces qui n’ont plus rien à voir avec la finalité culturelle du lieu.

C’est pour cette raison que les 21 ambassadeurs des pays membres du Comité de sélection sont soumis à des manœuvres diplomatiques de coulisse et à des influences de puissances émergentes qui ont les moyens de peser sur les décisions, désireuses de reconnaissance culturelle jusqu’à présent réservée aux nations du Vieux Continent.

L’enjeu économique dépasse largement le but initial

Les petits arrangements entre états ne sont pas à la hauteur des missions de l’organisme.

L’enjeu économique dépasse largement le but initial de ce label qui est en premier lieu la préservation d’un patrimoine mondial.

Ce qui est par dessus tout étonnant de la part d’un organisme comme l’UNESCO qui est l’Organisation des Nations Unis pour l’Education, la Science et la Culture, c’est l’absence totale d’évaluation de l’impact social et écologique du label sur l’environnement humain et écologique.

En effet le classement de ces sites permet un supplément d’attractivité décuplé par la médiatisation internationale du label « Patrimoine de l’humanité ».

Certains lieux voient leur fréquentation augmenter dans des proportions trop importantes pour absorber cette surpopulation touristique sans dégâts.

Des régions sont passées de l’anonymat le plus complet à une notoriété internationale grâce à ce label de l’UNESCO.

C’est le cas du temple d’ANGKOR au CAMBODGE qui jusque dans les années 80 n’était absolument pas visité, et qui, après le classement en 1992, a attiré 60.000 visiteurs en 1999, 250.000 en 2001 et 3 millions de visiteurs en 2011.

Cette explosion a entraîné une série de dégradations dues à des flux non contrôlés, telles que graffitis, piétinement massif qui fragilise le site, trafic routier en pleine croissance dont les émissions de gaz érodent les pierres.

Sans parler de la corruption ambiante et de la misère sociale de la population dont une partie vit avec moins d’un dollar par jour, malgré la manne financière que rapportent les recettes de ce label.

Autre exemple avec les rizières en terrasse à YUANYANG

Autre exemple : les paysages des rizières en terrasse à YUANYANG en Chine qui ont reçu le label patrimoine de l’humanité en 2013.

Outre l’esthétisme époustouflant de ce décor naturel tout en géométrie et en couleurs froides, c’est d’abord une véritable organisation ancestrale autour de l’eau qui permet la beauté entretenue de ces rizières et l’autonomie alimentaire de la population.

Depuis le classement du site, beaucoup de paysans délaissent leurs cultures pour investir dans des minibus ou construction d’hôtels misant sur le développement touristique.

Ainsi, ce classement destiné à préserver un site naturel, risque-t-il, à cause d’un manque d’accompagnement, de revenir en boomerang à la figure de l’UNESCO car, quand tous les paysans auront abandonné leurs champs, les rizières en terrasse en friche n’auront plus du tout le même aspect ni le même attrait.

A moins qu’au milieu de routes et d’hôtels seules une ou deux rizières soient artificiellement entretenues pour montrer aux touristes un vestige du passé.

Des lieux où l'Unesco n'a pas jeté son dévolu

Comme cela s’est produit à POMPEI, cette cité endormie, l’état n’a pas rempli sa mission d’entretien, et le flux de touristes n’a pas été correctement régulé.

En conséquence, sur les 50 maisons ouvertes aux visiteurs il y a quelques années, il n’en reste que 2 ou 3 exposées comme des « maisons témoins », et des travaux colossaux payés par la collectivité internationale devront être engagés pour rénover l’ensemble du site.

Le TAJ MAHAL en INDE, un lieu d’une beauté délicate, mausolée ciselé dans le marbre blanc qui se découpe dans le ciel est aussi en danger. C’est un empereur du 17 ème siècle qui fit construire cet édifice par amour pour son épouse Mumtaz décédée en donnant naissance à leur 14ème enfant.

Cet amoureux transi n’avait certainement pas imaginé que ce temple dédié à l’intimité accueillerait plus de 10.000 visiteurs par jour « lâchés » sans aucune gestion dans les jardins et les appartements comme une foule dans les magasins les jours de soldes.

Il reste encore des lieux magiques sur lesquels l’UNESCO n’a pas jeté son dévolu comme BAGAN en BIRMANIE, ou se côtoient plus de 2000 temples et autant de Pagodes dans un périmètre de 50 km2.

La Birmanie s’ouvre à la démocratie, et c’est heureux mais espérons que ce site unique ne soit pas encore la cible d’un tourisme dévastateur.

L’UNESCO devrait associer les pros du tourisme

Le Label attribué par l’UNESCO devrait permettre à l’humanité de reconstituer son histoire dans toutes les régions où les bâtisseurs de temples, par foi ou par amour, ont fait avancer la civilisation dans le chemin du progrès. Un tourisme sans encadrement risque de faire disparaître les témoins de ces civilisations.

L’UNESCO devrait associer les professionnels du tourisme des pays émetteurs et des pays où se trouvent ces hauts lieux de l’histoire de l’humanité.

Ensemble nous devons trouver des conditions acceptables commercialement pour encadrer les visites de ces patrimoines culturels et naturels mondiaux.

Sans cette coopération , ce label de l’UNESCO libre, sans encadrement, est comme la découverte d’un produit pharmaceutique nouveau laissé ensuite en vente libre sans qu’un médecin n’intervienne pour délivrer une ordonnance .

Agences de voyages et Tours opérateurs sommes les « valorisateurs » de ces patrimoines .

Nous pouvons nous porter garant de la préservation des sites par une sensibilisation de nos clients mais aussi du respect des populations et des environnements qui font partie intégrante de cette préservation.

Encore faudrait il que l’UNESCO qui enrichit notre production touristique par la révélation de sites nouveaux, aille jusqu’au bout de son processus en imposant des conditions d’exploitation de ces lieux, et cela fait partie du savoir faire des professionnels du tourisme.

Patrimoine de l’humanité de l'Unesco : grandes causes, petits arrangements financiers...
Christian OROFINO
Président de TOURCONSEIL
Co-Président de l'OBGET
Ex PDG et DG du TO VISIT FRANCE
Président de la commission Tourisme responsable du SNAV
Co-Président de l'Observatoire Géo Politique et Environnemental du Tourisme (OBGET)

Page Facebook de l'OBGET

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Commentaires

1.Posté par Lehalle le 12/03/2014 09:55 | Alerter
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Merci à vous et félicitations à Monsieur Orofino! Je "milite" aussi pour l'association entre Culture et Tourisme, pour l'UNESCO mais aussi pour les Capitales européennes de la Culture : ce programme européen a aussi ses limites, quand on voit que la fréquentation de l'aéroport de Marseille n'a pas décollé, si j'ose dire, en 2013, Année Capitale. Associés trop tardivement, face à des acteurs culturels qui ne comprennent pas grand chose au tourisme et n'en ont généralement que des représentations négatives, les acteurs touristiques pourraient en effet "sauvé" les sites culturels en surcapacité de charge, et garantir une bonne une fréquentation internationale aux grands rendez-vous culturels. Les bénéfices économiques seraient aussi très importants, car si la culture n'a pas de prix, elle a un coût! Re- restaurer le patrimoine faute de compétences pour prévenir les risques ou ne pas assurer à un événement coûteux (MP2013) une bonne fréquentation n'est assurément pas chose normale...Cette question d'une collaboration qui devrait être réglementaire, entre les deux secteurs - Tourisme et Culture- a été passée sous silence aux Assises du Tourisme, faut-il le préciser. " Dépensons, dépensons, il en restera toujours quelque chose!", pensent les deux ministres? :-)

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