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Racines et tourisme durable : et si on mettait les hommes au cœur des voyages ?

La chronique de Christian Orofino


Le tourisme de demain, sera responsable et durable ou ne sera pas. Comme chaque mois, Christian Orofino, président de la commission technique du Tourisme Responsable au SNAV, partage ses convictions dans une chronique consacrée au tourisme durable et responsable et à ses problématiques.


Rédigé par Christian OROFINO le Mardi 21 Février 2012

Le colonialisme puis la démocratisation du voyage, avec les congés payés, ont permis de faire cesser naturellement les pratiques exhibitionnistes, les Européens se déplaçant pour découvrir d’autres civilisations - DR : Expo Exhibitions Quai Branly
Le colonialisme puis la démocratisation du voyage, avec les congés payés, ont permis de faire cesser naturellement les pratiques exhibitionnistes, les Européens se déplaçant pour découvrir d’autres civilisations - DR : Expo Exhibitions Quai Branly
Actuellement une exposition nommée « exhibitions » se déroule au musée du Quai Branly à Paris.

Elle évoque les différentes foires et music halls français, anglais, allemands ou américains qui avaient pour objet l’exhibition des sauvages : bons, inquiétants, monstrueux, c’était l’étrange, l’exotisme.

Au 19ème, début 20ème siècle, des montreurs de foires allaient les chercher au fin fond des continents, souvent de l’Afrique pour les ramener en Europe.

Ceci aux seules fins d’en faire des bêtes de foires : en terme plus crus, pour créer des « zoos humains ». La foire universelle de Paris allait même jusqu’à reconstituer des décors en carton pâte pour représenter aux spectateurs le décor d’origine de ces importations humaines.

Les autorités scientifiques renforçaient cette volonté de connaissance des autres, de leur différence, en mesurant et comparant tout ce qui pouvait révéler l’écart mesuré entre la norme et l’autre.

Au 19e siècle, le concept du voyage était quasiment inconnu...

C’est dans ce cadre que l’on connaît le triste parcours d’une jeune femme sud africaine Saartje Baartman surnommée la « Venus Hottentote », enlevée de son milieu naturel, du Cap au 19ème siècle et qui possédait des parties génitales hors du commun.

Après des exhibitions orchestrées et des viols répétés organisés par ses différents « dresseurs » en Angleterre et en France, elle mourut alcoolique et syphilitique à l’âge de 35 ans dans la misère et l’indifférence la plus totale et loin de son pays et de sa famille.

D’autres « bons sauvages » eurent un destin moins tragique. Mais tous étaient exhibés comme des phénomènes venus d’ailleurs.

Il est vrai que cet « ailleurs » n’était pas connu par la grande majorité des populations occidentales, seuls les rapports d’explorateurs accessibles à peu décrivaient l’existence de ces peuplades.

Les médias étaient au degré 1 d’une échelle de Richter médiatique qui en comporte 1000 aujourd’hui et le concept du voyage était quasiment inconnu de 99% des populations.

La seule information concernant la découverte raciale se trouvait dans ces foires populaires ou la curiosité des badauds ajoutait à la dégradation de ces hommes et femmes.

Le "bon sauvage" remplacé par des représentations folkloriques

Racines et tourisme durable : et si on mettait les hommes au cœur des voyages ?
A partir de la première moitié du 20ème siècle, le colonialisme puis la démocratisation du voyage, avec les congés payés, ont permis de faire cesser naturellement ces pratiques exhibitionnistes et le flux s’est inversé, puisque ce sont les Européens qui se déplaçaient pour découvrir d’autres civilisations.

Mais cette formidable émergence du tourisme a surtout privilégié la découverte des environnements : le littoral, la montagne comme lieu de loisirs, ou les infrastructures : les hôtels, les clubs de vacances au détriment de la rencontre avec les hommes.

Le voyageur transporte avec lui ses propres valeurs, les normes de son confort, de son alimentation : un peu de piment mais pas trop… Un peu d’aventure, mais juste une nuit sous une tente berbère, avec toutes les commodités cachées derrière le tapis local suspendu.

Quelque part le bon sauvage a été remplacé par des représentations folkloriques de danseuses vahiné ou de charmeurs de serpents. : l’image simplifiée que nous nous faisons des autres nous rassure.

L’identité des pays, un atout majeur pour le tourisme

En effet, il y a même au 21ème siècle encore une réticence voire une peur de placer au cœur des voyages les populations telles qu’elles sont, sans fard ni folklore.

Pourtant, c’est un voyage extraordinaire que celui qui entre dans la vraie vie des hommes, avec lesquels on noue de vrais liens d’amitiés.

Il y a dans le voyage la recherche du rêve mais la découverte des racines permet des voyages durables et profonds.

L’identité des pays, des régions, des îles est un atout majeur pour le tourisme. Grâce à elle les Corses, au grand dam d’investisseurs, ont su préserver leur magnifique littoral.

Les Antillais en refusant les rapports existant entre eux et les touristes dans la grande hôtellerie, ont progressivement installé d’autres formules : petite hôtellerie, gites dont ils sont propriétaires.

Ces deux populations ont refusé chacune à leur manière les comportements folkloriques qu’on attendait d’eux et ont pris en main leurs destins touristiques.

Et si après la visite de sites, si après le farniente balnéaire, si après le confort des hôtels, on mettait les hommes au cœur des voyages, ce serait à coup sûr un succès assuré pour les professionnels qui programmeraient ces découvertes intimes qui sont le vrai motif du VOYAGE.

La découverte de l’autre nous renvoie à notre propre découverte, à nos propres limites mais aussi à l’infini espoir d’une construction humaine faite de tolérance et de respect. Le tourisme participe à cet espoir.

Christian OROFINO
Président de TOURCONSEIL
Ex PDG et DG du TO VISIT FRANCE
Président de la commission Tourisme responsable du SNAV

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Tags : orofino
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Commentaires

1.Posté par Baron Jean-Luc le 17/08/2012 08:50 | Alerter
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"L’identité des pays, un atout majeur pour le tourisme
L’identité des pays, des régions, des îles est un atout majeur pour le tourisme. Grâce à elle les Corses, au grand dam d’investisseurs, ont su préserver leur magnifique littoral."

Tout à fait d'accord avec vous. La population de Raivavae dans l'archipel des Australes en Polynésie française l'a très bien compris en refusant il y a quelques années un hôtel de luxe sur la plus belle partie de son lagon, ne voulant surtout pas ressembler à un Bora Bora.

Les hommes au coeur des voyages, les raivavae l'on également compris en créant leur association d'écotourisme, prenant ainsi leur destin touristique en mains et contrôlant eux mêmes les flux des visiteurs sur leur île. Comme les corses, ces gens là vont préserver leurs atouts majeurs, c'est à dire leur identité, leurs valeurs, leurs traditions et la beauté de leur paradis.

Ici à Genève, nombre de suisses jouent le jeu en passant 1 mois sur leur île encourageant ainsi cette initiative qui devrait s'étendre à d'autres îles authentiques de Polynésie.

Racines et tourisme durable devraient perdurer dans ce coin du Pacifique sud.

Jean-Luc Baron et Pierre Bucheli
Antenne de l'association d'écotourisme de Raivavae
"Te ui tama no Ragnivavae"

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