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Tourisme et bien-être : les diktats du "happiness" ne sont pas sans risques...

La chronique de Josette Sicsic (Touriscopie)


Les opérateurs touristiques ont toujours eu pour vocation de vendre du plaisir à partir de l’esthétique des paysages, de l’environnement, de la nature, du patrimoine, de l’hospitalité, et d’activités de loisirs. Mais, aujourd’hui, ils cherchent à vendre, non pas seulement de la relaxation et des sensations physiques de bien-être, mais l’état émotionnel le plus complexe qui soit. Et souvent, à des tarifs astronomiques...


Rédigé par Josette SICSIC le Mercredi 21 Novembre 2018

« Le développement personnel est-il l’arnaque du siècle ? » se demande le journal en ligne Slate.   Nous aussi, nous nous posons la question - DR : DepositPhotos, NataliaD
« Le développement personnel est-il l’arnaque du siècle ? » se demande le journal en ligne Slate. Nous aussi, nous nous posons la question - DR : DepositPhotos, NataliaD
Le secteur touristique a inclus dans son offre bon nombre de produits censés nous rendre heureux.

Outre les séjours de wellness désormais classiques, de nouvelles activités se déclinent un peu partout dans le monde, à mi-chemin entre spiritualité, detox, développement personnel.

Elles ne sont pas sans risques compte tenu de la rareté d’un personnel qualifié et de l’anarchie dans laquelle évolue ce secteur.

Dans un ouvrage remarquable intitulé « Happycratie : Comment le bonheur a pris le contrôle de nos vies », deux essayistes, l’un psychologue et l’autre sociologue, instruisent un procès contre cette idéologie néolibérale qui, sous des apparences bienveillantes, tyrannise l’individu osant se considérer comme malheureux en lui imposant de se soigner !

Le droit au bonheur

D’ores et déjà, les Nations Unies ont instauré en 2012 « Une journée nationale du bonheur » afin de bâtir un nouveau paradigme économique à la recherche du BNB (Bonheur national brut), calqué sur la démarche pionnière de ce petit Etat qu’est le Bouthan.

Les banques du bonheur à l’échelle internationale se sont aussi multipliées et publient régulièrement leur palmarès des pays ou des villes où il fait bon vivre.

Basées sur des grilles de critères objectivement essentiels à notre bien-être quotidien, ces données sont certes utiles. Sauf que, très matérielles, elles ne coïncident pas toujours avec les données immatérielles qui participent à la création de cet état indéfinissable qu’est le bonheur.

Autre constat : en Chine, le président Xi Jinping n’a pas encore inclus dans la Constitution chinoise le droit au bonheur (comme dans la Constitution américaine) mais, dans un pays totalitaire cherchant à tout prix la reconnaissance internationale, la nouvelle feuille de route des citoyens chinois repose sur trois mots : Wealth, Health, Happiness (Richesse, Santé, Bonheur) !

Une bonne façon de déléguer au citoyen la responsabilité de sa réussite individuelle et de dédouaner les gouvernants de leurs possibles échecs.

Prendre la main sur son état mental pour triompher de son mal de vivre

Dans le monde occidental, même si le message est moins catégorique, une part de plus en plus importante de la population cherche à prendre la main sur son état mental afin de triompher de son mal de vivre et de bon nombre de ses névroses.

Pour preuve, parmi des centaines d’autres, une émission comme « Grand bien vous fasse » sur France Inter, réunit tous les jours entre 10 et 11 heures, près d’un million d’auditeurs.

Animée par Ali Rebeihi, cette émission est en progrès constant depuis sa création. On y parle autant du sommeil que de la façon d’élever ses enfants, que de méditation et de thérapies nouvelles comme la EMDR, que du stress lié au bruit, à la maladie, au travail…

Quant à tous ces titres de presse intitulés : Vital Food, Happinez, Flow ou Society, ils sont parmi les magazines qui ont réalisé les meilleures performances de ventes en France en 2016, d'après les premières tendances dévoilées par l'ACPM/OJD, l'organisme en charge de contrôler la diffusion des titres de presse.

Certes, ces magazines ne sont pas des poids lourds du secteur. Ils ne réalisent qu'entre 50 000 et 100 000 ventes sur des périodes allant de quinze jours à trois mois.

Du chamanisme à la psychologie positive

Comme Touriscopie l’a déjà souligné, le secteur touristique a vite pris la mesure de cette passion de plus en plus partagée par une grande partie de la population mondiale, exception encore faite de l’Afrique.

Une véritable économie s’est mise en place rapportant des dizaines de milliards de dollars.

Selon le Wellness Institute, elle progresse de plus de 10% par an. Et cela, d’autant plus qu’elle inclut non seulement des offres reposant sur la longévité, la beauté, la santé, la perte de poids, la nutrition, la détente, l’environnement mais sur des centaines d’activités puisées dans des traditions parfois millénaires comme le chamanisme ou dans l’évolution contemporaine de la psychologie et de ses dérivés.

Et, notamment dans celle de la psychologie positive. Laquelle a pour but, non pas de soigner des maladies mentales, mais d’apporter le bonheur.

Ainsi, avec l’essor de la psychologie positive, le bonheur s’est mu d’état utopique, voire inaccessible, en un objectif atteignable par tous ceux qui en faisaient le choix et qui, pour atteindre leur but, s’en remettaient à une génération de praticiens soudain dotés d’une légitimité scientifique !

L’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Peu à peu, c’est ainsi que l’industrie du bonheur s’est construite et a pris le contrôle de nos vies.

Certes, tout le monde n’est pas obligé de se soumettre à ses diktats et de se forcer à méditer tous les soirs et à courir dans les forêts rechercher le réconfort des arbres.

Tout le monde n’est pas obligé non plus de tenter de faire des séjours de survivalisme et de remonter dans sa généalogie rechercher ses secrets de famille !

Mais, selon le sociologue Edgar Cavanas et la psychologue co-auteur de l’ouvrage « Happycratie », Eva Illouz, tout le monde se sent obligé de faire bonne figure et d’afficher un bien-être présentable.

Or, ce diktat n’est pas spontané. Il est la résultante d’une économie libérale cherchant à substituer à la recherche du bien-être collectif, le bien-être individuel. Qu’on le veille ou non, « l’approche scientifique du bonheur qui prospère avec l’industrie du bonheur légitime l’idée qu’il n’y a pas de problème structurel mais seulement individuel », insistent les auteurs.

A raison ?

Le secteur touristique via certaines de ses offres est-il bien conscient de tout cela ? Se rend-t-il compte qu’il contribue à tyranniser l’individu en lui imposant une pléthore de « marchandises » censées rectifier ses faiblesses psychiques et les surmonter pour atteindre la félicité ?

Certes, les opérateurs touristiques ont toujours eu pour vocation de vendre du plaisir à partir de l’esthétique des paysages, de l’environnement, de la nature, du patrimoine, de l’hospitalité, et d’activités de loisirs.

Mais, aujourd’hui, ils cherchent à vendre non pas seulement de la relaxation et des sensations physiques de bien-être, ils cherchent pour certains à vendre l’état émotionnel le plus complexe qui soit. Et souvent, à des tarifs astronomiques. « Le développement personnel est-il l’arnaque du siècle ? » se demande le journal en ligne Slate.

Nous aussi, nous nous posons la question. Sans compter que l’une des principales questions à se poser concerne la qualification du personnel : masseurs, herboristes et autres coachs dont les formations sont pour le moins accélérées et souvent opaques !

Pour en savoir plus, abonnez-vous à Touriscopie www.touriscopie.fr

Contact : touriscopie@gmail.com

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