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Climat : Greenpeace épingle Air France, Ryanair, Easyjet and co

Analyse des 7 plus grosses compagnies aériennes européennes


Greenpeace publie un rapport analysant les données des 7 plus grosses compagnies aériennes avant et après la crise covid. Pour l’ONG, les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux.


Rédigé par le Samedi 4 Juin 2022

Greenpeace a fait un tour d'horizon des efforts post-covid des 7 plus grandes compagnies aériennes européennes - crédits =  Airbus SAS
Greenpeace a fait un tour d'horizon des efforts post-covid des 7 plus grandes compagnies aériennes européennes - crédits = Airbus SAS
Certes, ça n’étonnera personne. Mais Greenpeace ne valide ni les résultats ni les efforts du secteur de l’aérien en matière de développement durable.

L’ONG publie un rapport décryptant les données disponibles des sept plus grosses compagnies aériennes européennes (sur la base des chiffres d’affaires 2019) : Lufthansa, Air-France KLM, International Airlines Group (IAG), Ryanair, EasyJet, Scandinavian Airlines (SAS) et TAP Air Portugal. 

L’objectif affiché par le rapport : « analyser la crédibilité et l’intégrité de leurs engagements en faveur de la protection du climat, disséquant leurs promesses et solutions en la matière ». Notamment au regard des aides publiques que le secteur a reçues suite aux pertes engendrées par la pandémie.

Avec la question sous-jacente : ces aides ont-elles été utilisées dans le bon sens ?

Et sans spoiler la suite, les résultats ne sont pas à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre compte tenu des enjeux qui s’imposent aujourd’hui.

Un regard complet sur le développement durable

On pense souvent à l’aspect climatique quand on pense à l’aérien. Greenpeace a voulu étudier tout ce qui définit la notion de développement durable : les relations entre l’écologique, l’économique et le social.

Le rapport dépeint « les responsabilités, les engagements et les performances en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) », autour de quatre thématiques : l’impact climatique, l’emploi, le rapport à l’actionnariat et l’activité de lobbying de la compagnie.

Ces thématiques balaient 339 indicateurs, qui permettent ensuite de donner un score de responsabilité en pourcentage.

Le score d’ensemble est de 39 % en moyenne.

Des résultats que Greenpeace juge médiocres, mais qui peuvent être la promesse d’une belle marge de progression si on décide de voir le verre à moitié plein.

C'est quoi, le développement durable ? Crédit = wikicommons
C'est quoi, le développement durable ? Crédit = wikicommons
L’ONG pointe le manque d’objectif fiable en matière de réduction des gaz à effet de serre, de mauvaises conditions de travail, de fortes disparités salariales et un manque de transparence sur les activités de lobbying notamment.

Quant aux 30 milliards d’euros d’aides publiques versées suite à la pandémie, selon Greenpeace, ils n’ont eu aucun impact ni sur le climat, ni sur les conditions de travail, ni sur la transparence.

Climat : des engagements mais pas de mesure adaptée

Selon l’adage, « les promesses n'engagent que ceux qui y croient ». Greenpeace le concède, l'aérien fait des promesses et s'engage à réduire ses émissions.

Problème : rien n'est fait pour soutenir l'effort et au global, les sept compagnies (Lufthansa, Air-France KLM, International Airlines Group (IAG), Ryanair, EasyJet, Scandinavian Airlines (SAS) et TAP Air Portugal) ne récoltent qu’un score de 32 % sur les questions environnementales.

L’ONG pointe un manque de volonté de décarboner. Les compagnies misent sur la compensation, mais celle-ci ne peut pas être une solution en soi : sans réduction à la source, la compensation est non seulement inefficace, mais aussi dangereuse.

Même analyse pour le carburant dit durable. Seule une compagnie s’intéresse au carburant de synthèse à base d’énergie renouvelable. Les autres se tournent vers la biomasse : moins d’émissions en effet, mais de forts risques de déforestation, avec des conséquences sur la biodiversité et les pénuries alimentaires.

Des efforts qui sont anecdotiques du point de vue de Greenpeace (moins de 200 000 tonnes versus les 300 millions de tonnes de kérosène par an).

Greenpeace note en outre une forte propension au greenwashing : « Il existe un décalage énorme entre les plans actuels de réduction des émissions des compagnies aériennes et l’utilisation par ces dernières d’arguments de communication "verts" »
Au global, les scores des 7 plus grosses compagnies aériennes européennes -  crédit = greenpeace
Au global, les scores des 7 plus grosses compagnies aériennes européennes - crédit = greenpeace

Emploi et actionnariat : de fortes disparités

Si on en croit Greenpeace, la pandémie n’a pas été mauvaise pour tous. Si 4 compagnies sur 7 ont gelé le versement des dividendes entre 2018 et 2020, d’autres au contraire ont donné des sommes étonnantes au regard de la situation économique de la période.

Ainsi, l’ONG pointe IAG, qui a versé à ses actionnaires « 1,3 milliard d’euros pour la seule année 2019, soit plus de trois fois le montant que la compagnie envisage d’investir dans les alternatives au kérosène au cours des 20 prochaines années ».

Selon Greenpeace, les aides publiques ont d’ailleurs parfois servi à la fois à combler les actionnaires et les dirigeants. Car l’ONG pointe aussi de nombreuses disparités entre le salaire moyen et celui des dirigeants et un écart qui se creuse avec la crise.

D’autant que les effectifs ont tendance à se réduire depuis 2019, sans politique de maintien ou de réemploi.

Enfin, l’ONG note un manque de transparence sur les données concernant les discriminations et l’égalité salariale selon l’âge, le genre, l’appartenance ethnique, le handicap…

Lobbying : le danger du conflit d'intérêt

C’est inhérent à l’activité de lobbying, mais Greenpeace met en avant le manque de transparence en la matière dans le secteur de l’aérien.

« Seule Air France-KLM a publié le montant total de ses dépenses en matière de lobbying » et « Lufthansa fournit certaines données concernant son lobbying en lien avec la pandémie de Covid-19».

Si aucune n’entre dans le détail, on remarque cependant un effort particulier dans le secteur environnemental et pour Greenpeace, dans un but allant à contresens : « Aucune ne soutient un système de taxation nationale du secteur et la plupart s’engage spécifiquement contre ces taxes. La plupart des compagnies soutiennent explicitement le système de compensation CORSIA, que Greenpeace considère comme un outil de greenwashing car il freine la transformation du secteur aérien vers une décarbonation complète ».

Trois compagnies sur sept interdisent les contributions aux parties et candidats politiques et une seule des quatre autres déclare ne pas le faire. L'ONG pointe un mélange des genres dangereux (notamment au regard des actions de lobbying menées autour de la question du climat) et des risques de conflits d'intérêt.

Changer de logiciel

Le monde de l'aérien ne semble donc pas prêt à évoluer, si l'on s'en tient au rapport Greenpeace. Cependant, on peut tout de même être plus positif : certaines voix se font entendre pour appeler à un vrai questionnement et surtout de vraies actions pour changer durablement l'aérien.

C'est le cas de Gérard Feltzer, pour qui l'aérien doit désormais opérer sa mue. Il nous disait, pas plus tard que le mois dernier : « Pour moi, il y a deux ruptures essentielles. La première, c’est une rupture comportementale : le voyage ne doit plus être un produit de consommation et d’opportunité, mais un échange culturel, la rencontre entre deux mondes.

La seconde est technologique, il faut massivement investir dans les transports, des solutions commencent à émerger, il faut donner aux progrès les moyens d’exister »
.

Lire aussi : Aérien décarboné : "nous devrions oublier la vitesse" selon Gérard Feldzer

Juliette Pic Publié par Juliette Pic Spécialiste rubrique Voyages Responsables - TourMaG.com
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