"L'avenir de l'industrie du tourisme passe par une diversification plus forte" 🔑

PERELLON

Le docteur Juan-Francisco Perellon (©EHL)

TourMaG - Aujourd'hui, les notions d'hospitalité ne cessent d'évoluer. Comment l'Ecole Hôtelière de Lausanne adapte-t-elle ses formations pour que ses élèves soient mieux capables de répondre aux défis de demain ?

Docteur Juan-Francisco Perellon : Ce qui évolue aujourd'hui, c'est surtout le contexte global international dans lequel s'inscrit l'hospitalité. Dans ce contexte, la durabilité est devenue un enjeu essentiel car, incontestablement, la planète souffre. Or, le tourisme est une industrie qui émet beaucoup de gaz à effet de serre.

Pour faire face à ce premier défi, l'EHL demande aux enseignants d'intégrer dans tous les cours, au niveau du Bachelor, les 5 piliers inscrits à l'agenda de l'ONU en matière de développement durable.

L'autre défi à relever, qui, d'ailleurs, va de pair avec la question environnementale, c'est la responsabilité sociale (RSE).

Dans l'immédiat après Covid, l'industrie touristique a connu une grave crise de recrutement. Les choses vont un peu mieux maintenant, cependant des difficultés persistent malgré tout. Nous avons donc tout un travail à faire pour inciter l'industrie à réfléchir à ce qu'elle peut faire pour se rendre plus attractive.

Notre responsabilité est de fournir des outils pour l'aider à se recentrer, à évoluer vers plus de durabilité, et aussi à prendre davantage en compte les besoins et les attentes des jeunes qu'elle a besoin d'embaucher. Ce sont là des orientations de fond.

La formation tout au long de la vie, un enjeu crucial

TourMaG : Les évolutions étant très rapides, comment former des professionnels capables de s'adapter aussi vite que nécessaire aux nouvelles donnes ?

Docteur Juan-Francisco Perellon : Compte tenu des évolutions technologiques, il n'est plus possible de considérer que sa formation est terminée une fois que l'on sort de l'EHL. Le troisième défi auquel nous sommes confrontés, c'est, effectivement, la formation tout au long de la vie.

Il est donc important que nous proposions en sus des formations courtes de quelques semaines -on line ou en présentiel à l'EHL- pour que les professionnels que nous avons déjà formés, restent toujours à la hauteur des exigences de leur métier.

TourMaG : En disant cela, pensez-vous notamment à l'arrivée de l'intelligence articifielle (IA) ?

Docteur Juan-Francisco Perellon : Oui, bien sûr. Nous savons tous que, non seulement l'IA va rester, mais qu'elle sera aussi de plus en plus présente.

Parmi les compétences générales que nous proposons à nos étudiants d'acquérir, nous développons donc la compréhension de ce qu'est l'intelligence artificielle et de son fonctionnement. Notre idée, c'est d'aider ces professionnels de l'industrie du tourisme à maîtriser ces nouveaux outils de la meilleure façon possible.

La nécessité de relever tous ces défis nous a incité à mettre à jour le contenu de nos programmes pour le Bachelor. Exceptées les deux périodes de stages, ces programmes sont réalisés à 100 % en présentiel. Nous veillons, comme je vous l'ai déjà expliqué, à ce que les professeurs intègrent les nouveaux défis dans leurs cours. Ensuite, nous évaluons nos étudiants.

Nous attendons par exemple qu'ils terminent leur formation avec une bonne compréhension non seulement de ce que signifient les 5 piliers du développement durable inscrits par l'ONU à son agenda, mais aussi de ce que ces 5 piliers impliquent comme changements en matière de gestion des déchets, recours aux énergies renouvelables, organisation du travail, etc. . Nous attendons que les étudiants aient une vraie sensibilité à ces questions-là. C'est donc tout un éco-système qui se met en place.

Des étudiants de plus en plus concernés par la "durabilité"

Les étudiants de l'EHL sont très attentifs aux questions de durabilité (© EHL)

TourMaG : Vos étudiants sont-ils sensibles aux enjeux du développement durable, de la responsabilité sociale ?

Docteur Juan-Francisco Perellon : Ils y sont très sensibles. Chaque année, des forum de l'emploi que nous organisons à l'EHL, nous constatons que les étudiants portent des jugements assez tranchés sur l'hospitalité et sur la manière dont elle doit répondre aux questions de durabilité.

Ils n'hésitent plus, non plus, à demander aux entreprises qui veulent les embaucher, quelles sont leurs valeurs et quels sont leurs engagements concrets.

TourMaG : A vous écouter, les étudiants semblent plus en avance que l'industrie touristique ...

Docteur Juan-Francisco Perellon : Les étudiants sont incontestablement plus sensibles, plus informés, plus exigeants, plus concernés par ce qui se passe qu'il y a quelques années. Leur prise de conscience contribuera évidemment à faire changer les choses.

TourMaG : Restent que les aspirations des nouvelles générations ne collent pas bien avec les contraintes du monde l'hôtellerie-restauration par exemple...

Docteur Juan-Francisco Perellon : L'industrie du tourisme devra travailler pour proposer des évolutions de carrière plus en phase avec les attentes des nouvelles générations, et notamment leur permettre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Dans le contexte actuel, l'évolution des touristes eux-mêmes devient aussi un enjeu très fort. Certains sont déjà très plus attentifs à la durabilité lorsqu'ils prévoient leurs vacances.

De son côté, l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) s'emploie à promouvoir un tourisme -durable- qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l'environnement et des communautés locales.

Tout cela poussera à un développement plus durable de l'industrie du tourisme qui devra, à la fois, faire un usage optimal des ressources environnementales, proposer des conditions de travail mieux adaptées, et respecter le patrimoine et les valeurs des communautés locales. Afin qu'à long terme, ses activités soient viables.

L'industrie touristique restera plurielle, mais...

A l'EHL, les étudiants acquièrent d'abord des compétences humaines (© EHL)

TourMaG : Actuellement, on observe une tendance très forte à "monter en gamme" dans le monde du tourisme, et notamment de l'hôtellerie-restauration. Le luxe sera-t-il la planche de salut de l'industrie touristique ?

Docteur Juan-Francisco Perellon : Le luxe est, incontestablement, un segment de l'industrie du tourisme. Il ne saurait être le seul. L'industrie du tourisme est plurielle et le restera.

Son avenir passe par une diversification plus forte. Son futur dépendra largement de sa capacité à répondre de manière pertinente aux enjeux de durabilité et de responsabilité sociale.

L'industrie du tourisme de demain sera plus sobre, plus respectueuse de ses acteurs et des contrées visitées.

Prenons, par exemple, la Suisse qui compte de nombreuses stations de ski. Eh bien, ces stations vont devoir se recentrer car il y aura moins -et peut-être plus du tout- de neige. Pour elles, l'enjeu de demain, c'est de trouver comment profiter de la nature pour proposer de nouvelles offres.

TourMag : Dans ce contexte, en quoi les formations dispensées par l'EHL font-elles la différence ?

Docteur Juan-Francisco Perellon : Chez nous, les étudiants acquièrent d'abord des compétences humaines. C'est pour cela, que les hôteliers et les restaurateurs ne sont pas les seuls à recruter chez nous.

Des banquiers viennent aussi. Ils nous disent : si besoin, nous pourrons toujours donner des cours maths à nos nouvelles recrues, mais nous avons besoin qu'elles aient, d'abord, des compétences humaines.

Vers une plus grande diversité

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TourMaG : Combien d'étudiants accueillez-vous actuellement à l'EHL ?

Docteur Juan-Francisco Perellon : Nous avons 4000 étudiants -dont 3500 inscrits en Bachelor- sur nos trois campus, Lausanne, Singapour et les Grisons (nom d'un canton situé en Suisse orientale où l'EHL a repris une école professionnelle. NDLR).

Ils sont de plus de 125 nationalités différentes. La première nationalité représentée, c'est la Suisse, suivie par la France, la Chine, l'Italie et les Etats-Unis.

Bien qu'une partie soit les enfants de parents eux-mêmes formés à l'EHL, nos étudiants continuent à être de toutes les origines et de tous les milieux. Nous avons d'ailleurs, depuis de nombreuses années, une Fondation des bourses et prêts d'honneur pour aider des étudiants qui ont des talents mais pas de moyens financiers, à intégrer l'EHL. Cela devrait contribuer à introduire une plus grande diversité dans le corps étudiant et, demain, dans le personnel de l'industrie du tourisme.

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