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Les Assises du transport aérien, chronique d'un flop annoncé ?

La chronique de Jean-Louis Baroux


Lancées à grand renfort d’annonces l’année dernière à la même époque, les Assises du Transport Aérien, qui devaient rendre leurs conclusions et déboucher sur des décisions concrètes, sont en train de faire un vrai flop.


Rédigé par Jean-Louis Baroux le Jeudi 15 Novembre 2018

Elisabeth Borne à l'occasion de l'ouverture des Assises du Transport Aérien - © DR Twitter Elisabeth Borne
Elisabeth Borne à l'occasion de l'ouverture des Assises du Transport Aérien - © DR Twitter Elisabeth Borne
L’idée de ces Assises nationales du Transport Aérien, de mettre tous les acteurs ensemble pour réfléchir à l’avenir de cette activité si vitale pour le pays, était sans aucun doute excellente.

D’ailleurs, les responsables sollicités se sont lancés dans cette aventure avec un grand enthousiasme.

Mais petit à petit, l’énergie du départ ayant été consommée, le train-train s’est installé, puis les vacances sont arrivées et… on n’a plus entendu parler de rien.

Tout cela pour une bonne raison, c’est qu’il n’y a pas de mesures concrètes à proposer.

L’arrivée opportune du nouveau patron d’Air France-KLM a été bien pratique pour repousser à la fin de l’année 2018 les conclusions qui devaient être délivrées en septembre.

Et il n’est pas certain qu’une annonce éventuelle faite pendant les fêtes de Noël ait une quelconque portée.

Pourtant, il y a urgence à ce que l’Etat, en particulier, redéfinisse son rôle et qu’il repositionne ce si complexe secteur d’activité au niveau stratégique qu’il devrait avoir.

Cela signifie qu’il abandonne certaines prérogatives opérationnelles pour devenir enfin l’arbitre, le créateur d’un environnement favorable et le coordinateur des acteurs qui fabriquent le transport aérien français.

Et les questions ne manquent pas. Allez, je vais me lancer, quitte à évoquer quelques thèmes un peu dérangeants.

L'Etat, actionnaire d'Air France, et la privatisation d'ADP

Commençons par les compagnies aériennes. Il est pour tout dire choquant que l’Etat soit actionnaire de l’une d’elles, ce qui entraîne des effets pervers.

Les salariés de cette compagnie se sentent protégés par la puissance publique, qui les conforte dans l’idée que, quelle que soit la situation de l’entreprise, ils ne sont pas en danger car, en fin de compte, l’Etat viendra à leur secours.

Et dans le même temps, l’organisme gestionnaire du transport aérien français, en clair la DGAC (Direction générale de l'aviation civile), se donne pour mission d’assurer la protection de la compagnie en question, fusse au détriment des autres transporteurs, français également, et des clients, ne serait-ce qu’en poursuivant cette stupide limitation du nombre de mouvements sur l’aéroport d’Orly, au lieu de gérer ce dernier avec des quotas de bruit, comme cela est le cas pour Charles de Gaulle.

Les aéroports qui n’étaient pas vraiment dans l’enveloppe des sujets des Assises sont également l’une des parties prenantes essentielles du sujet.

La principale préoccupation vient de la décision de la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP). Petite question : en quoi la transformation d’un monopole public en monopole privé sert-elle la cause du transport aérien français ?

Le seul intérêt serait de ne privatiser qu’une seule plateforme, Orly par exemple, en gardant Roissy dans le giron de l’Etat, car cet aéroport reste tout de même un outil stratégique.

Ainsi serait créée une concurrence dont les compagnies aériennes et les clients sortiraient certainement bénéficiaires.

Le train, la sûreté, le contrôle aérien

La relation entre le transport aérien et le ferroviaire n’est certainement pas équitable, or pourtant, au lieu de devenir complémentaires, ces deux modes sont entrés en concurrence frontale.

Seulement, au lieu de faire travailler ensemble les deux acteurs majeurs de la mobilité, l’Etat a laissé se développer une concurrence inégale entre eux.

En voulez-vous des exemples ? Le transport aérien doit supporter, rien qu’en France, autour d’un milliard d’euros par an pour assurer les opérations de sûreté alors que rien n’est demandé au train. Or les dangers terroristes existent aussi bien dans le transport ferroviaire que dans le transport aérien.

Au total, ce dernier supporte des charges additionnelles tout en étant obligé de pénaliser le circuit des passagers, à tel point que nombre de clients choisissent le train, beaucoup moins contraignant que l’avion. L’Etat pourrait au moins prendre à sa charge la sûreté.

Il y aurait encore beaucoup de sujets à évoquer : l’efficacité du contrôle aérien, le différentiel des charges sociales entre les compagnies françaises et les concurrents européens, l’utilisation de l’avion ou de l’hélicoptère pour remplacer le train dans les petites dessertes qui coûtent si cher à la SNCF et pour lesquelles le service aérien serait à la fois bien meilleur et bien moins onéreux.

Au fond, tous les professionnels savent très bien ce qu’il faut faire pour rendre un environnement compétitif au transport aérien français.

L’Etat doit se désengager d’Air France-KLM, même si l’opération est peu rentable et retrouver son rôle d’arbitre et de coordinateur.

Encore faut-il pour cela convaincre la forteresse de Bercy de ne pas se mêler de gérer cette activité. Mais cela est probablement le challenge le plus difficile à résoudre...

Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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