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Quand l’IA grippe le recrutement : du "Big Freeze" américain à la tentation française [ABO]

La chronique de Nathalie Ramond (Prêt-à-Recruter)


Aux Etats-Unis, le marché de l’emploi traverse un "Big Freeze" marqué par une chute historique des embauches et une automatisation massive du recrutement. Si la France n’en est pas encore au niveau américain, la montée en puissance de l’IA interroge déjà sur l’avenir des connexions humaines dans le recrutement.


Rédigé par Nathalie RAMOND le Jeudi 11 Décembre 2025

Pour l’instant, l’usage de l'IA dans les recrutements reste perçu comme un soutien utile, un moyen de gagner du temps et de mieux se présenter. Mais les signaux faibles s’accumulent... - Depositphotos.com, BiancoBlue
Pour l’instant, l’usage de l'IA dans les recrutements reste perçu comme un soutien utile, un moyen de gagner du temps et de mieux se présenter. Mais les signaux faibles s’accumulent... - Depositphotos.com, BiancoBlue
Un étrange paradoxe secoue le marché de l’emploi.

Les profits des entreprises se maintiennent à un niveau élevé, mais il n’a jamais semblé aussi difficile de trouver un nouvel emploi.

Aux États-Unis, on parle déjà de "Big Freeze", un gel du marché du travail qui dure depuis plusieurs mois.

Le taux d’embauche y est tombé à son plus bas niveau depuis la Grande Dépression, et les témoignages se multiplient : jeunes diplômés envoyant des centaines de candidatures sans le moindre retour, professionnels expérimentés confrontés à un silence radio glaçant.

Derrière ce gel conjoncturel se cache un autre phénomène, plus structurel : l’automatisation massive du recrutement et de la recherche d’emploi par l’intelligence artificielle.

Face à des centaines, parfois des milliers de candidatures pour un même poste, les entreprises américaines se sont tournées vers l’IA.

C’est elle désormais qui rédige les offres d’emploi, trie des CV, programme des entretiens, et va même jusqu’à mener des entretiens vidéo automatisés, où un avatar analyse les mots et le ton du candidat.


Quand le recours à l'IA crée un engrenage des candidatures

Les demandeurs d’emploi, de leur côté, n’ont pas tardé à répondre à cette automatisation en générant, à l’aide de ChatGPT et d’autres outils, des CV, des lettres de motivation en série et ils multiplient les candidatures.

Ce jeu de miroirs crée un cercle vicieux. Plus les candidats automatisent leurs démarches, plus les recruteurs reçoivent de dossiers standardisés et indistincts. Plus les recruteurs se retrouvent noyés, plus ils s’appuient sur des filtres algorithmiques drastiques.

Moins les candidats obtiennent de réponses, plus ils postulent, encore, espérant qu’à force de volume, l’un de leurs dossiers passera le filtre. Le résultat est un engrenage où les candidatures s’accumulent à l’infini sans augmenter les chances de rencontre réelle.

A lire aussi : Tourisme : 5 clés pour attirer la génération Z sur le marché de l’emploi

IA et recrutement : la France est-elle en train de suivre le même chemin que les Etats-Unis ?

La comparaison avec Tinder est souvent faite et ne semble pas exagérée.

Comme les applications de rencontres, les plateformes d’emploi donnent l’illusion d’une abondance infinie de profils et d’opportunités.

Mais cette abondance masque une pauvreté de connexions réelles. Sur Tinder, on parle déjà d'une lassitude face à des interactions vides et sans suite.

Dans le recrutement, c’est la même logique : des candidatures qui disparaissent dans un trou noir numérique, des profils talentueux écartés par un algorithme, et des entreprises incapables d’identifier les rares pépites noyées dans une masse uniforme.

La question se pose alors : la France est-elle en train de suivre le même chemin ? Les chiffres récents montrent une adoption rapide de l’IA dans les pratiques de recrutement.

En 2024, 79% des recruteurs utilisaient déjà des outils d’IA générative, contre seulement 38,5% un an plus tôt (source HelloWork Group).

Côté candidats, 43% déclarent avoir recours à l’IA pour améliorer leur CV, rédiger des lettres de motivation ou préparer leurs entretiens (source Le Monde Informatique).

Le recrutement pourrait se déshumaniser davantage

Pour l’instant, l’usage reste perçu comme un soutien utile, un moyen de gagner du temps et de mieux se présenter.

Mais les signaux faibles s’accumulent : témoignages de candidatures envoyées dans le vide, sentiment croissant de "ghosting" et inquiétudes sur la déshumanisation du processus ou sur les biais introduits par les algorithmes (source BFM TV, Euronews).

La France n’en est pas encore au stade des entretiens menés par avatars ou du cercle vicieux américain, mais la dynamique est amorcée.

Si la tendance se poursuit, les risques sont clairs. Le recrutement pourrait se déshumaniser davantage, en excluant des candidats atypiques ou brillants mais hors normes.

L’automatisation massive faciliterait l’envoi de candidatures, mais au prix d’une inflation qui dilue la valeur des dossiers réellement ciblés. Côté candidats, l’impression que personne ne lit leurs efforts pourrait miner la motivation et rallonger la durée de recherche d’emploi.

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Faut-il revenir aux fondamentaux ?

Face à ce constat, un conseil revient avec insistance : revenir aux fondamentaux.

Réseauter comme avant, prendre un café avec un recruteur, participer à un événement, solliciter ses anciens collègues ou ses proches.

Ironie de l’histoire : alors que la technologie promettait d’apporter fluidité et efficacité, c’est le contact humain qui reste la clé pour débloquer les situations.

Le réseau, la cooptation et la relation personnelle reprennent de la valeur
. Mais ce retour au relationnel n’est pas sans ambiguïtés : il peut renforcer le népotisme et le favoritisme, ces règles sociales anciennes qui n’avaient jamais totalement disparu.

L'IA ne remplacera jamais une rencontre humaine

En cette fin d'année 2025, le problème n’est pas tant la technologie que la manière dont on l’utilise.

L’IA peut aider à fluidifier les processus et à repérer des correspondances pertinentes, mais elle ne remplacera jamais une rencontre humaine.

Le danger serait de transformer le marché de l’emploi en un gigantesque Tinder du recrutement, où l’abondance apparente cache une pauvreté réelle des connexions.

Le défi est donc de mieux utiliser l’IA sans perdre de vue l’essentiel : ce n’est pas dans un tri algorithmique qu’on détecte les talents, mais dans la nuance d’un parcours et la richesse d’un échange.

Finalement, l’IA peut être un formidable allié si elle est utilisée avec discernement. Mais face au risque de déshumanisation, le recrutement a plus que jamais besoin de stratégie, de clarté et de relations authentiques.

Quand l’IA grippe le recrutement : du "Big Freeze" américain à la tentation française [ABO]
Nathalie Ramond est la fondatrice de Prêt-à-Recruter, basée en région parisienne.

Prêt-à-recruter qui couvre l’ensemble du territoire national est une entreprise d’accompagnement RH, de conseil en recrutement et coaching de carrière, pour tous secteurs d’activité avec une expertise reconnue pour le tourisme.

Ex-DRH au sein de groupes français et internationaux du tourisme, Nathalie Ramond intervient également en qualité de formatrice dans différents établissements supérieurs spécialisés en ressources humaines/recrutement (Randstad, IEF2I, EDA-RH, Igensia, Inseec…).

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