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Achat d'agence de voyages : "Mon expert-comptable m'a dit ne va pas là-dedans !" [ABO]

La complexité des petits réseaux et entrepreneurs pour réaliser des acquisitions


À côté de l'IA et de la digitalisation, se joue une révolution silencieuse. Les papy boomers passent la main et laissent leur place à des plus jeunes, qu'ils soient de leur famille ou non. Le tourisme connaît une passation de pouvoir pas toujours évidente pour de nouveaux arrivants qui ne connaissent pas les codes ni les bons contacts. Rencontre avec 4 entrepreneurs dans le vent, mais qui font aussi face à de nombreux obstacles.


Rédigé par le Vendredi 26 Septembre 2025

Parfois, l'actualité du tourisme ressemble au jour sans fin : les mêmes noms, les mêmes têtes reviennent sans cesse.

Et pourtant, quelques jeunes - d'autres moins - mais tous avec la casquette d'entrepreneur vissée sur leurs têtes, ont décidé de dédier leur vie professionnelle au tourisme.

Un choix de vie pas toujours facile, d'autant plus pour des personnes qui nourrissent certaines ambitions professionnelles.

Entre la difficulté de percer en tant que nouvelle figure, dirigeant ou repreneur, et l'herméticité du secteur à accueillir de nouvelles têtes, les freins sont nombreux.

À cela s'ajoute la transition économique d'une industrie qui a été pendant de nombreuses années biberonnée aux incentives des fournisseurs. À l'image d'un François Lévêque avec Central Voyages, Laurent Treuil a repris Chassagne Voyages en 2024.

"Nous avons eu une opportunité de vie : reprendre une agence de voyages. Je me suis dit : qu’est-ce que je vais faire dedans ? Mon expert-comptable et mon avocat me disaient : n’y va pas.

Nous avons un beau territoire, où l'économie est assez peu développée en dehors du tourisme et de la restauration.


Au-delà du défi, ce qui m’a intéressé dans le projet, c'était de rester et d’avoir un impact dans le bassin d’Arcachon, d’avoir une équipe fiable et technique. Nous avons une équipe de 5 personnes,
" explique celui qui a travaillé dans la banque et la franchise.


"Un problème générationnel et pour les femmes !"

Parmi les nouvelles figures, nous retrouvons donc ceux qui découvrent sur le tard le secteur et d'autres qui ont toujours baigné dedans, de par leur histoire personnelle.

À l'image des Blanche Girardot, Marc Philibert, Grégoire Inglard ou Tiphaine Heem-Fihey qui a repris l'affaire familiale.

Une mission pas si évidente pour une enfant de la balle, alors imaginez un peu pour ceux qui ont découvert le monde feutré du tourisme.

"Il y a un problème générationnel, les plus anciens ne parlent pas toujours aux plus jeunes. Nous ne sommes donc pas au courant des agences à vendre.

Puis vous avez un réseau comme Selectour qui est prédominant et qui possède un droit de préemption pour ses adhérents, donc cela rend les acquisitions délicates.

Et quand vous êtes une femme, c’est aussi encore plus compliqué,
" témoigne Tiphaine Heem-Fihey dirigeant de Kit Voyages.

Il existe aussi, dans un secteur où la concentration se fait de plus en plus forte, une difficulté pour les nouveaux acteurs d'émerger. À l'époque, elle comptait 3 agences de voyages.

En plus de l'activité de tour-opérateur, elle reprend un 4e point de vente en 2024, puis 3 autres adresses cette année, lors de la faillite d'Univairmer. Parmi ces nouvelles figures du tourisme, il y a aussi Damien Delarbre.

Après un BTS Tourisme, quelques stages et quatre années chez un autocariste, le jeune homme se lance comme serial créateur de points de vente. Il a 24 ans.

Une activité qui se raréfie dans un monde standardisé et réseauté comme le tourisme. Il lance sa première agence dans son village natal, à Guilherand-Granges, en Ardèche.

"Parce que nous sommes jeunes, nous ne sommes pas invités à la table"

Depuis, Evasion Artisan Voyagiste a bien grandi et possède 5 points de vente depuis le rachat d'une agence Univairmer. Un beau développement, freiné lui aussi par la question générationnelle.

"Comme nous sommes jeunes, nous ne connaissons pas les bonnes personnes, nous ne sommes pas toujours invités à la table.

Mais ce n’est pas un défi insurmontable,"
estime Damien Delarbre.

D'ailleurs, l'entrepreneur affirme qu'il serait en mesure d'ouvrir une agence par an, à condition que, du côté des ressources humaines, la croissance suive. Son crédo rester sur son territoire de prédilection, à savoir l'Ardèche et la Drôme.

Être un nouvel entrepreneur ne veut pas dire que les ambitions ne sont pas permises, il faut juste avoir conscience de ses limites et de ses capacités.

Le quadragénaire affirme que le plafond de verre générationnel n'est pas le seul frein.

"Le plus compliqué est de relier les agences, de créer un sentiment d’appartenance, une entité commune.

Je pourrais ouvrir une agence par an, cela ne me fait pas peur. Mais, par exemple, sur le dossier Univairmer, on me poussait à en acheter plus, or il y a aussi une question géographique : je ne peux pas avoir des locaux à plus de 1h30, sinon la gestion devient trop complexe,
" poursuit Damien Delarbre.

Plutôt que de poursuivre cette croissance externe, l'entrepreneur a pris le parti de se lancer dans une nouvelle activité, aussi bien pour continuer de grandir que pour se diversifier.

Dans cette terre de rugby, il va affréter son premier avion depuis l'aéroport de Valence, pour le match Écosse-France. Les 170 places de l'appareil ont rapidement trouvé preneur.

"Un gros travail à faire sur la relation client, nous oublions le client"

"Il y a encore beaucoup à faire dans le secteur.

Nous avons une page Facebook avec 5 000 followers, rien d’exceptionnel, mais imaginez un peu : nous sommes un ovni sur le territoire, les autres ont quelques dizaines d'abonnés.

Tous nos salariés ont suivi une formation sur les réseaux sociaux,
" explique l'entrepreneur.

Ces nouveaux entrants apportent avec eux une autre vision, plus neuve, moins formatée.

Bien que membre de la famille, Grégoire Inglard a pris les rênes avec l'envie de faire avancer les choses, de faire croître le groupe et d’être novateur dans une entreprise qui ne voyait son développement que par la lorgnette des autocars.

"Je voulais me lancer à mon compte dans le conseil digital, puis mon papa est venu me chercher. Un de mes cousins était déjà dans l’entreprise. Notre activité principale est celle d’autocariste, mais nous observons un potentiel dans le voyage : nous avons ouvert une 5e agence.

Pour nous développer, nous avons besoin d’hommes, et c'est en cela que nous faisons face à certaines limites.

Depuis maintenant deux ans, nous avons refait nos cinq agences de voyages, un gros travail de mise au point a été réalisé. Sur le digital, nous avons lancé un nouveau site.

Nous voulons être précurseurs aussi dans la distribution. Je trouve qu’il y a un gros travail à faire sur la relation client.
Parfois, nous oublions le client,
" déclare le jeune dirigeant.

Un constat que partage aussi Laurent Treuil, posant le regard neuf d'une personne qui a travaillé dans le secteur bancaire.

"Nous prenons goût à grandir"

"Nous devons nous recentrer sur le conseil, le lien et l’accompagnement client.

Je suis effaré par le nombre de devis que nous faisons et qui ne sont pas concrétisés.

L’IA est plutôt un atout qu’un ennemi, elle pourrait nous aider sur ce genre de tâche, nous devons prendre le tournant,
" prédit le patron de Chassagne Voyages, qui s’apprête à acheter sa deuxième agence en seulement un an.

Un développement à marche forcée qui ne va pas s'arrêter en si bon chemin.

D'autant que les exemples comme Damien Delarbre et Tiphaine Heem-Fihey sont inspirants pour les autres entrepreneurs.

C'est aussi tout l'enjeu d'un syndicat comme les Entreprises du Voyage : mettre en avant ces nouveaux acteurs pour susciter des vocations, dans cette période charnière où une génération s’apprête à partir à la retraite.

"Nous prenons goût à grandir.

Après, il faut garder un intérêt financier et économique, puisque nous faisons beaucoup de volume et peu de marge. Nous devons aller chercher de la croissance externe.

Nous ne faisons aucune économie d'échelle.

Nous sommes passés de 10 à 20 salariés en l’espace de trois mois. Nous devenons DRH, animateur des ventes ou encore aide technique. Si j’ai une ou deux agences de plus, l’animation devra être gérée par une personne dédiée,"
affirme la jeune femme.

Autant d’histoires qui montrent que grandir ne signifie pas toujours viser les étoiles.

Certains sont dans une quête personnelle, d'autres familiales, pour être à la hauteur des aînés, d’autres encore ont juste envie de vibrer, avant de refermer leur vie professionnelle.

"C’est un kiff d’entreprendre !

Les défis à relever, c’est ce qui m’anime. L’économie d’échelle et les déjeuners avec les tour-opérateurs ne sont pas vraiment mon plaisir.

Je n’ai pas la volonté de grandir plus, mais je n’ai pas non plus de raison de rester à cinq agences,
" conclut cette page rafraîchissante de la nouvelle génération qui arrive au pouvoir.

Place aux jeunes !


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