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AF447 Rio-Paris : un accident avec de multiples causes... 🔑

La théorie des plaques de Reason


Avec un niveau de sĂ©curitĂ© trĂšs Ă©levĂ© de nos jours concernant les vols commerciaux, un accident aĂ©rien est bien souvent le fruit d’une conjonction de plusieurs facteurs. La tragĂ©die du vol Air France Rio - Paris dont le procĂšs en appel se dĂ©roule actuellement n’échappe pas Ă  cette rĂšgle. Explications.


Rédigé par le Jeudi 20 Octobre 2022

Un Airbus A.330 Air France
Un Airbus A.330 Air France
Treize ans aprÚs la tragédie du vol Air France reliant Rio de Janeiro à Paris CDG, et aprÚs un premier non-lieu en 2019 cassé en appel, Air France et Airbus se retrouvent ces jours-ci devant le tribunal correctionnel de Paris pour une éniÚme confrontation avec la justice qui devrait durer trois mois.

Bref rappel des faits. Le 1er juin 2009, le vol Air France 447 décolle de Rio de Janeiro. Le vol est assuré par un Airbus A330.

A 02h10 du matin, l’avion en vol de croisiĂšre a entamĂ© la traversĂ©e de l’Atlantique. Il fait nuit noire et la proximitĂ© du front inter tropical provoque des turbulences.

Un des pilotes prĂ©vient les personnels de cabine : « dans deux minutes lĂ , on devrait attaquer une zone oĂč ça devrait bouger un peu plus que maintenant, il faudrait vous mĂ©fier lĂ  », et il ajoute qu’il les « rappelle dĂšs qu’on est sorti de lĂ  ».

A cet instant les indicateurs de vitesse de l’avion, les sondes « Pitot », vont givrer et cesser de fonctionner pendant quelques instants ayant pour effet de dĂ©sengager le pilote automatique et de priver l’équipage des indications de vitesse.

Celui-ci ne comprend pas tout de suite ce qu’il se passe et cabre l’avion. Dans cette position, l’avion perd sa portance. Il dĂ©croche. S’ensuit une folle descente vers l’ocĂ©an avec cette terrible derniĂšre phrase de l’équipage quelques secondes avant l’impact : "On va taper".

Au centre de contrĂŽle des opĂ©rations aĂ©riennes d’Air France, un service qui fonctionne H24 et qui suit tous les avions de la compagnie, les messages adressĂ©s automatiquement depuis l’avion par le systĂšme ACARS (Aircraft Communication Addressing and Reporting System) ne laissent pas vraiment de doute au fur et Ă  mesure qu’ils arrivent.

ProblÚme sur les commandes de vol, perte centrale à inertie, panne des calculateurs, chute de 14 000 pieds minute
 La sidération envahit chacun.

Le jour se lÚve, un jour tragique pour les familles des victimes et Air France, qui va devoir annoncer la plus grave catastrophe aérienne de toute son histoire.


La théorie des plaques de Reason

Les plaques de Reason
Les plaques de Reason
Qui sont les responsables de cette tragédie qui a entrainé la mort de 228 personnes et dont on connait maintenant le scénario ?

A la justice de le dire mais ce qui est sĂ»r et comme souvent dans ce genre d’accident, le drame est consĂ©cutif Ă  une sĂ©rie de failles, de disfonctionnements ou d’insuffisances dans la chaine de sĂ©curitĂ© censĂ©e « protĂ©ger » le vol.

Prises individuellement, elles ne conduisent pas à la catastrophe. Conjuguées ensemble elle le peuvent.

Ces dispositifs de sĂ©curitĂ©, James Reason, un professeur de psychologie anglais qui a enseignĂ© Ă  l’universitĂ© de Manchester de 1977 Ă  2001 en a fait un modĂšle que tout spĂ©cialiste de la sĂ©curitĂ© aĂ©rienne connait aujourd’hui : le modĂšle des plaques de Reason. Un chapitre incontournable au programme de formation des personnels navigants.

Pour faire simple et comme le montre le dessin ci-dessus, chaque maillon de la chaine de sĂ©curitĂ© d’un vol est symbolisĂ© par une plaque. Un bouclier chargĂ© de parer Ă  un dysfonctionnement.

Si aucun de ces boucliers n’est intĂšgre, si sur chacun existe des faiblesses permettant au risque de « passer », la situation est accidentogĂšne.

Formation et informations aux équipages A330

Quelles sont, dans le cadre de l’accident du vol AF 447, les plaques dont la chambre de l’instruction de la Cour d’appel estime qu’il y a eu des faiblesses ?

Pour Air France, la formation des équipages de la compagnie est jugée comme pas suffisamment « adaptée face à des indications de vitesse erronées suite au givrage des sondes Pitot ».

Pour Airbus, il y a eu une sous-estimation de la « gravitĂ© des dĂ©faillances des sondes anĂ©momĂ©triques Ă©quipant l’aĂ©ronef A330 en ne prenant pas toutes les dispositions nĂ©cessaires pour informer d’urgence les Ă©quipages des sociĂ©tĂ©s exploitantes et contribuer Ă  les former efficacement. »

Les « plaques » donc de la formation et de l’information, pointĂ©es par le tribunal et concernant les deux seuls prĂ©venus retenus par la justice : Air France et Airbus.

Air France et Airbus : les deux seuls prévenus

Ces deux grands acteurs de l’aĂ©ronautique se dĂ©fendront bien sĂ»r lors du procĂšs.

Air France avait bien Ă©videmment, dans ses procĂ©dures, une formation IAS douteuse (IAS pour Indicated Air Speed) des Ă©quipages, agréée par les autoritĂ©s de tutelle, et s’emploiera Ă  dĂ©montrer son sĂ©rieux en la matiĂšre.

Le programme de la formation 2008/2009 de la compagnie introduit « un briefing sur les anomalies d’indications de vitesse pour toutes les phases de vol, accompagnĂ© d’une mise en pratique en simulateur en montĂ©e peu aprĂšs le dĂ©collage ».

Une formation au simulateur effectuĂ©e par l’équipage du vol AF 447 mais, c’est vrai, durant une phase de montĂ©e et non en configuration « vol de croisiĂšre haute altitude ». Air France avait privilĂ©giĂ© cette phase de vol, « en montĂ©e » oĂč l’avion Ă©volue encore prĂšs du sol et oĂč il faut donc rapidement rĂ©agir.

Quand Ă  Airbus, le constructeur, il peut justifier de la publication rĂ©guliĂšre depuis 2007 de ce qu’on appelle un BS (bulletin de service) rĂ©guliĂšrement rĂ©visĂ© et proposant de commencer Ă  remplacer les sondes par un modĂšle plus efficace.

Lourdeur des procĂ©dures ? Inertie au sein de ces trĂšs grandes entreprises ? Air France a rĂ©agi aux propositions de modifications des sondes en lançant une modification de toutes les sondes sur l’ensemble de sa flotte A330/A340.

La note technique date du 27 avril 2009, un mois pratiquement avant la catastrophe. L’A330 F-GZCP impliquĂ© n’avait pas encore bĂ©nĂ©ficiĂ© de la modification


Les sondes Pitot

Autre plaque avec un trou, les sondes Pitot fournies par Thales.

DĂ©faillantes pendant quelques instants suite Ă  un givrage les indications erronĂ©es qu’elles ont fournies ont dĂ©sorientĂ© l’équipage.

Agréées, elles avaient cependant la particularitĂ© de pouvoir, dans des circonstances trĂšs particuliĂšres de givrage, connaitre « une dĂ©gradation rĂ©versible et temporaire, autour d’une Ă  deux minutes mais gĂ©nĂ©rant des indications de vitesse douteuse ou erronĂ©e ».

Une petite faille donc qui, comme le dĂ©montre Reason, vient prendre sa place dans l’enchainement catastrophique.

Conformes aux normes et Ă  la rĂšglementation de l’époque, l’entreprise ThalĂšs n’est pas mise en cause. « Nous ne sommes pas appelĂ©s en responsabilitĂ© dans ce procĂšs » nous a confirmĂ© Patrick Caine, PDG de ThalĂšs, lors d’un entretien avec TourMaG.

Responsable ou coupable ?

La Direction GĂ©nĂ©rale de l’Aviation Civile Française (DGAC) ainsi que l’Agence de l'Union europĂ©enne pour la sĂ©curitĂ© aĂ©rienne (AESA) Ă©taient Ă©galement au courant des problĂšmes de givrage des sondes et d’indications de vitesses erronĂ©es rapportĂ©es par bon nombre d’équipages bien avant la catastrophe du Rio-Paris.

LĂ  aussi les experts pointent un manque d’action pour mieux informer l’ensemble des opĂ©rateurs sur ces sujets.

Enfin, la plaque « conscience de la situation par l’équipage » dĂ©jĂ  fragilisĂ©e par les indications de vitesse erronĂ©es s’est rĂ©vĂ©lĂ©e encore plus vulnĂ©rable ce soir-lĂ , dans une nuit noire et avec une visibilitĂ© nulle.

Bien difficile dans tous ces enchainements de déterminer qui va basculer de la responsabilité à la culpabilité.

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