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Affaire Travelink : la Cour d'appel donne raison à Atout France face aux voyageurs 🔑

Un jugement « scandaleux » et « contradictoire » pour les clients concernés


Quatre ans après la faillite de Travelink qui ne disposait pas d'un garant financier conforme, les clients du voyagiste, réunis en collectif, sont amers. Plantés par leur tour-opérateur, floués par son garant financier, ils espéraient obtenir réparation auprès d'Atout France. Mais après une tentative de négociation à l'amiable, un procès devant le tribunal administratif, c'est désormais la décision de la Cour d'appel qui les laisse sur le carreau...


Rédigé par le Jeudi 8 Septembre 2022

Pour la Cour d'appel, la commission d'immatriculation n'a pas "commis une faute de nature à engager la responsabilité du GIE Atout France" - DR : DepositPhotos.com, aa-w
Pour la Cour d'appel, la commission d'immatriculation n'a pas "commis une faute de nature à engager la responsabilité du GIE Atout France" - DR : DepositPhotos.com, aa-w
Pour les clients de l'ex-groupiste Travelink, les beaux projets de voyages ne sont plus aujourd'hui que de lointains souvenirs, qui leur auront coûté plus cher que prévu...

Il y a près de quatre ans, alors qu'ils apprennent le dépôt de bilan de leur voyagiste, ils ne s'attendent pas à vivre une telle situation.

En effet, aux contrats de voyages non conformes et aux prélèvements d'acomptes (parfois en double) sans autorisation préalable, et ce, à quelques jours de la faillite, s'ajoute la découverte que le garant financier de Travelink - la Royal Insurance Global Ltd - serait une escroquerie.

Une procédure pénale est d'ailleurs actuellement en cours pour déterminer si elle en est bien une et qui en sont les auteurs et les complices.

Mais en 2018, sans aucun recours, les clients - principalement des comités d'entreprises et des groupes d'amis - vont se rassembler en collectif afin de trouver un moyen d'être remboursés.

Toutefois, Travelink liquidée, le garant financier radié des listes d'organismes autorisés à proposer une garantie financière tourisme par l'ACPR, les clients vont tenter un rapprochement avec Atout France.

Faute de négociation à l'amiable, ils poursuivent le GIE en justice, devant le tribunal administratif de Paris. Au total, 72 personnes réparties entre une association et cinq comités d'entreprise, engagent une action.

Ils reprochent à la commission d'immatriculation d'Atout France d'avoir laissé s'écouler trop de temps (près de deux mois) entre sa demande à Travelink de trouver un nouveau garant financier (le 13 août 2018) et sa radiation du registre des opérateurs de voyages et de séjours (le 02 octobre 2018).


Pour la Cour d'appel, Atout France n'a pas commis de faute

Si le tribunal administratif a retenu une faute de la part d'Atout France dans la mise à jour du registre des immatriculations (voir notre article à ce sujet), il n'a pas en revanche retenu de lien de causalité entre la faute et le préjudice pour les clients dont les contrats de voyage ont été signés avant le 13 août 2018, ni pour ceux dont les paiements sont antérieurs à cette date.

Le collectif a donc décidé de faire appel.

Au printemps dernier, les audiences de 52 plaignants se sont succédées devant la Cour administrative d'appel de Paris, mais la décision, rendue le 25 mai 2022, est unanime : la commission d'immatriculation d'Atout France n'a pas commis de faute.

« C'est une grande déception pour tous les clients, d'autant plus que cette décision entre en contradiction avec le jugement rendu en première instance qui reconnaissait la responsabilité d'Atout France et avait décidé d'indemniser une partie des plaignants », confie Gilbert Caramelle, l'un des porte-paroles du collectif des clients.

"Ce jugement déroule un tapis rouge à tous les escrocs"

Parmi les points importants à souligner dans ce nouveau jugement, le rôle de la commission d'immatriculation d'Atout France dans le contrôle des garants financiers.

Pour les clients de Travelink, Atout France aurait dû procéder, au moment de l'immatriculation et lors des réunions mensuelles de la commission à un « contrôle approfondi de la validité de la garantie financière ».

Mais la Cour, se basant sur les articles R211-20 et R211-21 du Code du tourisme estime qu'il « appartient seulement à la commission de vérifier que le demandeur produit une attestation de garantie financière, que le montant de cette garantie est suffisant et que l'établissement de crédit ou l'entreprise d'assurances qui l'a accordé répond aux conditions relatives à la localisation de son siège ».

Pour la justice, Atout France n'est pas tenu « d'assurer un contrôle de la régularité de l'activité exercée en France par l'établissement de crédit ou l'entreprise d'assurances », rappelant au passage le rôle de l'ACPR, ni de « procéder à une analyse juridique du contrat de garantie, qui n'a pas à être produit par le demandeur ».

Aussi, la commission d'immatriculation n'a pas « commis une faute de nature à engager la responsabilité du GIE Atout France », résume la Cour d'appel.

« Le jugement nous dit que la vérification de la qualité des documents n'est absolument pas du rôle d'Atout France, ce qui est proprement scandaleux », réagit Gilbert Caramelle.

Il justifie : « Cela vient en opposition avec l'esprit de la loi à l'origine de l'existence d'Atout France, dont l'une des principales caractéristiques était la protection du consommateur.

Et puis, ce jugement en appel déroule un tapis rouge à tous les escrocs ! N’importe quel escroc désormais est tout à fait capable d'ouvrir sa propre agence de voyages, en étant protégé par ce jugement et en fournissant sciemment de faux documents à Atout France qui, de toute façon, n'a pas vocation à les vérifier
».

De son côté, Francis Le Coz, autre client concerné par cette affaire, regrette qu'Atout France n'ait pas mieux contrôlé l'attestation de garantie financière au nom du garant Royal Insurance Global Ltd et fournie par Travelink.

« Ils auraient pu voir que la fiche n'était pas conforme à leur modèle-type, qu'il y a une erreur dans le nom du garant - au lieu de Royal Insurance, il figure encore le nom de l'ancien garant Quanta Europe Ltd. pourtant radié des fichiers de l'ACPR et donc d'Atout France - ou encore que la signature ne correspond pas au nom du président de la compagnie, mais à celui du courtier qui a trouvé le garant pour Travelink... 

Pourtant, cette commission est supposée être composée d'un comité de sages, nommés en raison de leurs compétences et de leur indépendance, et ce, pour trois ans
».

Information des consommateurs : Atout France n'a pas manqué à ses obligations

Autre point important : le tribunal estime que la commission d'immatriculation n'a pas non plus « fait preuve d'une inertie fautive de nature à engager sa responsabilité » en laissant s'écouler un délai de 7 semaines entre le moment où elle a appris la radiation du garant financier par l'ACPR et la radiation de Travelink du registre d'Atout France.

Enfin, pour la Cour d'Appel de Paris, les clients ne sont pas « fondés à soutenir que le GIE Atout France aurait manqué à ses obligations en matière d'information des consommateurs ».

Ces derniers, en effet, soutiennent que le GIE a « commis une faute en ne respectant pas la procédure d'alerte à destination des tiers via une publication sur le site Internet du registre avant la radiation de Travelink ». Mais, rappelle le tribunal, les dispositions de l'article R211-33 du Code du tourisme ne prévoient pas de mesures de publicité sur le site Internet de l'agence dans ce cas-là...

« Le jugement en appel nous dit qu'Atout France n'est pas responsable, tandis que l’État, lui se dédouane sur Atout France, comme nous avons pu le voir dans une affaire quasi similaire à la nôtre, où le garant financier était Schneider Finance (LIRE). Nous sommes face à une sorte de jeu de ping pong à 3 joueurs, et qui est la balle que tout le monde se renvoie ? C'est le consommateur, résume Gilbert Caramelle.

Nous sommes donc en opposition complète avec les volontés initiales de la mission d'Atout France, qui est de protéger le consommateur.

Il y a un vrai problème au niveau de l’État, de reprendre en main cette pseudo-institution qui est Atout France et de la remettre entre les deux rails que l’État et le législateur avaient fixés, en lui donnant une vraie mission de contrôle
».

L'affaire Travelink jusqu'en cassation

Aujourd'hui, face aux coûts des procédures, qui s'ajoutent à la perte des acomptes ou de la totalité du montant des voyages, la majorité des clients n'ont pas souhaité poursuivre leur action en justice au-delà de la Cour d'Appel.

« Quand on voit le fond du jugement rendu, les arguments donnés par la Cour d'Appel qui s'apparentent plus à des appréciations donnant raison à Atout France qu'à des références de textes de loi, ce serait repartir à grands frais dans une procédure pour laquelle nous avons tous perdu confiance dans la justice », indique Gilbert Caramelle.

De son côté, Atout France n'a pas souhaité apporter de commentaires sur la décision rendue, préférant « laisser la justice faire son travail ».

Cependant, quelques clients ont décidé qu'ils avaient trop investi de temps et d'argent pour abandonner et ont décidé de se pourvoir en cassation.

« Je trouve cette décision totalement injuste, je suis écœurée et je me dis que si personne ne va en cassation, ce jugement pourrait faire jurisprudence pour de futurs voyageurs », nous explique une ancienne cliente de Travelink.

Pour d'autres voyageurs, l'arrêt des frais en justice ne les empêchera pas de continuer le combat... sur d'autres fronts.

Certains ont dénoncé les faits ou porté plainte auprès du procureur de la République de Créteil.

D'autres se sont portés en plus partie civile, ce qui leur permet d’avoir accès aux informations sur l’évolution judiciaire du dossier. Selon eux, plusieurs « responsables » dans l'affaire Travelink auraient été mis en examen, certains placés sous bracelet électronique et d'autres sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire.

Quant à Marie Cohen, la gérante du TO, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé à son encontre, au mois d’avril dernier, la mise en faillite personnelle pour une durée de 10 ans.

« Sur le plan de cette procédure, nous pouvons légitimement penser que notre objectif est déjà largement atteint même si d’autres inculpations sont attendues et espérées », nous expliquent les membres du collectif.

Eviter qu'une telle affaire ne se reproduise

D'autres ex-clients entendent dénoncer les pratiques des coachs de voyages, estimant avoir eux-mêmes été trompés par des apporteurs d'affaires peu scrupuleux qui, selon leurs propos, n'auraient pas payé leurs voyages, mais auraient bénéficié d'avantages de la part de Travelink, comme des éductours ou des vols secs.

« En tant qu'ancien fiscaliste, pour moi, ces personnes exercent leur activité de manière totalement illicite, vis-à-vis de la réglementation prévue par le Code du tourisme, mais aussi du fisc, au vu des avantages perçus de Travelink et non déclarés », précise Francis Le Coz.

Néanmoins, comme le rappelait Me Emmanuelle Llop dans une précédente interview, « un apporteur d'affaires n’est pas une activité prévue par le Code du Tourisme, mais il apporte éventuellement son savoir-faire, de la clientèle. […]

C'est un statut qui n'est pas prévu dans la directive européenne des voyages à forfait et n'est donc pas réglementé en tant que tel ; pourtant il doit être précis du point de vue de la responsabilité, afin qu'il y ait au final une agence responsable. Dans ce cas-là, si toutes les conditions sont réunies, il n'y a pas vraiment d'obstacles du côté du droit du tourisme. »

LIRE A CE SUJET : Quelles options pour exercer en France sans garantie financière ? 🔑

Le collectif des ex-clients Travelink envisage également d'adresser un courrier aux Entreprises du Voyage.

« Quand vous regardez leur site Internet, il est écrit que si vous voulez voyager en toute sécurité, vous devez passer par une entreprise immatriculée par le GIE Atout France... ajoute Francis Le Coz.

Comment peut-on tenir un tel discours alors que des clients ont été spoliés ? Dans un certain sens, lorsque je lis ce message, qui est accessible à tous sur le site des EDV, je me sens trompé par ce syndicat également ».

Gilbert Caramelle, de son côté, s'interroge : « Sur leur site, les EDV indiquent dans leurs missions : "défendre et agir avec les pouvoirs publics sur la garantie financière". Aussi, je me demande ce que ce syndicat, qui représente 40% des opérateurs de voyages en France, entend par là, basé sur ce qu'il s'est passé avec les faux garants QEL ou Royal Insurance ? »

Au final, si ces clients continuent à vouloir faire du bruit, c'est « pour qu'une telle affaire ne se reproduise pas et que jamais plus, des clients ne se retrouvent dans une telle situation ». Reste aux institutions concernées à entendre ce message...

Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par Loozap le 08/09/2022 19:24 | Alerter
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Il en vaut mieux de laisser l'affaire entre les mains de la justice compétente

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