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Air Mauritius : le PDG arrive, le président démissionne, retour de la cacophonie ?

Les défis d’Andre Viljoen à la tête d’Air Mauritius


À peine arrivé comme CEO d’Air Mauritius, Andre Viljoen reçoit en guise d’accueil la démission pour le moins rocambolesque de celui qui détenait jusque-là les pleins pouvoirs : Kishore Beegoo. Le président du Conseil d’administration a expliqué son départ en évoquant des "pressions politiques l’incitant à accomplir des actes qu’il juge répréhensibles". Un retrait qui laisse désormais les coudées franches à Andre Viljoen pour tenter de redéployer les ailes abimées d’Air Mauritius.


Rédigé par le Lundi 27 Octobre 2025

Les défis d’Andre Viljoen à la tête d’Air Mauritius - Depositphotos @gordzam@gmail.com
Les défis d’Andre Viljoen à la tête d’Air Mauritius - Depositphotos @gordzam@gmail.com
Les chaînes d’information ne chôment pas en ce moment, que ce soit ici ou ailleurs.

En France, nous avons la politique et notre gouvernement, aux États-Unis, Donald Trump, et à Maurice… la compagnie nationale.

Celle-ci offre une véritable telenovela aux journalistes locaux, qui se donnent à cœur de suivre les rebondissements quasi quotidiens d’une entreprise qui alimente sans relâche la chronique.

Déjà en 2020, alors que le monde se referme, Air Mauritius est placée en redressement judiciaire. En grande difficulté, elle ne doit son sauvetage qu’à l’État mauricien.

Et alors que le tourisme repart et que l’île figure désormais au hit-parade des destinations les plus vendues en France, la compagnie trouve le moyen de s’enliser dans une crise de gouvernance sans fin.

De décembre 2022 à octobre 2024, pas moins de cinq dirigeants se succèdent au chevet de la belle endormie.

Le dernier en date a pris ses fonctions depuis à peine une semaine, que le président du conseil d'administration claque la porte, en livrant une déclaration lourde de sens, ce jeudi 23 octobre 2025.

"Fidèle à mes valeurs, et face aux pressions politiques m’incitant à accomplir des actes que je juge répréhensibles, j’ai décidé de démissionner aujourd’hui," a donc commenté Kishore Beegoo, au moment de quitter le siège d'Air Mauritius.

Air Mauritius : des problèmes politiques et managériaux pour Kishore Beegoo

Un départ loin d’être anodin, qui s’inscrirait surtout dans une guerre politique entre différents clans à la tête de l’exécutif mauricien.

Celui qui détenait les pleins pouvoirs depuis dix mois a pointé du doigt, comme principal responsable de son départ, le vice-Premier ministre Paul Bérenger.

L’ancien président du conseil d’administration dénonce, dans L’Express.mu, le fait que "(Bérenger) n’aime pas mon visage. Chaque fois qu’il prononce mon nom, je lui réponds. Je le mets au défi de venir me montrer où j’ai fait fausse route."

Outre ces propos pour le moins enfantins, dignes d’une cour de récréation, le vice-Premier ministre voulait la tête de Kishore Beegoo, tandis que ce dernier le provoquait régulièrement et aurait pris position contre lui sur plusieurs dossiers extérieurs à la compagnie.

Et si les résultats financiers plaident en sa faveur, puisqu’il a réussi à stopper l’hémorragie, le tout pour un salaire plus que modeste – autour de 1 420 euros par mois selon ses propres dires –, son management brutal a laissé de mauvais souvenirs en interne.

"Il aurait dû perdre ses prérogatives exécutives avec l’arrivée du nouveau PDG, mais il a montré qu’il voulait s’y accrocher. Il paie aujourd’hui l’addition de ce comportement, entretenu depuis dix mois," nous explique-t-on, depuis Maurice.

Son successeur à la présidence n’est autre que Megh Pillay, un ancien patron de la compagnie.

Avec le nouveau PDG, ils forment désormais un duo d’entrepreneurs aguerris et fins connaisseurs de l’aérien, capable - peut-être - de sortir enfin l’avion du cyclone dans lequel il vole depuis bien trop longtemps.

André Viljoen a redressé Fiji Airways

Un départ qui laisse désormais les coudées franches à André Viljoen, intronisé nouveau PDG d’Air Mauritius le 15 octobre 2025.

Le patron affiche une solide expérience de 45 ans dans l’aérien, mais surtout, il n'est pas étranger à la maison et à ses problématiques.

Entre 2009 et 2015, il a occupé différents postes au sein d’Air Mauritius, jusqu’à en prendre les commandes durant les trois dernières années de son expérience mauricienne.

Entre-temps, il a passé dix ans à la tête de Fiji Airways pour redresser une compagnie qui était alors une naine régionale.

Il a non seulement contribué à améliorer l’image et le service du transporteur, qui est passé de la 102e place au classement Skytrax à la 14e en 2024 (contre la 31e pour Air Mauritius aujourd'hui), mais aussi à transformer la compagnie en modèle de réussite en Océanie.

En une décennie, la flotte est passée de 12 à 24 appareils, dont quatre Airbus A350 de nouvelle génération, les mêmes que ceux exploités par Air Mauritius.

Dans le même temps, le chiffre d’affaires a plus que doublé, passant de 308 à 720 millions d’euros.

Pendant le Covid, alors que ses concurrentes frappaient à la porte de leurs gouvernements pour obtenir des aides afin de survivre, André Viljoen n’a même pas eu besoin de quémander quelques dollars.

Il a mis en place la stratégie “Survival and Ready”, qui a permis à Fiji Airways d’être la première compagnie à reprendre ses services dès la réouverture des frontières australiennes et néo-zélandaises.

les résultats ont été probants, puisqu'elle a affiché une croissance insolente de 40 % sur 2022 et 2023, ainsi qu’un "nombre record de passagers et une performance financière historique en 2023", selon le président de Fiji Airways, Nalin Patel.

Air Mauritius : André Viljoen va devoir relever de nombreux défis

Un nouveau PDG qui arrive après trois années de chaises musicales, dans un contexte politique particulièrement tendu.

À ce poste se sont succédé Krešimir Kučko, resté à peine un an avant d’être suspendu à la suite d’une enquête interne révélant qu’il aurait bénéficié de séjours gratuits financés par une société de leasing partenaire d’Air Mauritius, puis Laurent Recoura, nommé par intérim.

Le responsable français fera rapidement les frais de Charles Cartier, l’éphémère patron placé par le pouvoir politique en place.

Et comme un scandale n’arrive jamais seul, à peine nommé, celui qui traînait une réputation de “cost-killer” s’est retrouvé au cœur d’une polémique.

Il aurait voyagé avec son épouse et cinq membres de sa famille en classe affaires, tout en bénéficiant de tarifs réduits normalement réservés aux jeunes pilotes.

A lire : Air Mauritius : Après le redressement, les violentes turbulences

Le tout sur fond de dégradation du service à bord et de grogne croissante des passagers.

Et pour couronner le tout, l’ex-dirigeant a adressé cet été une lettre de réclamation réclamant 1,7 million d’euros à la compagnie pour licenciement injustifié, alors qu’il lui restait 25 mois de contrat.

Dans cette atmosphère tourmentée, André Viljoen va devoir ramener un peu de sérénité au sein des équipes épuisées par trois ans de tempêtes managériales.

"Il est charismatique, connaît parfaitement l’aérien et l’environnement politique. L’un de ses premiers objectifs sera d’apaiser le climat social, mais aussi de redonner une vision stratégique, ce qui manquait depuis un moment, car nous étions davantage dans une logique de survie que de développement.

Il va devoir revoir les services. Il y a beaucoup à faire pour améliorer l’expérience client.
" nous affirme une salariée.

Air Mauritius : un développement de la flotte à venir ?

Un nouveau patron qui n’a pas encore dévoilé sa feuille de route, mais qui semble vouloir redonner ses lettres de noblesse à la compagnie.

Il devrait prochainement se prononcer sur le développement d’Air Mauritius, que ce soit par l’accroissement d’une flotte encore modeste - 12 appareils, dont quatre Airbus A350-900 - ou par la refonte des services, afin de reconquérir les clients et se démarquer d’une concurrence de plus en plus affûtée.

Déjà l'année passée, Charles Cartier avait annoncé vouloir renouveler et aussi acquérir de nouveaux appareils, pour porter le total à 20 avions d'ici 2030. Reste à savoir si cette feuille de route sera reprise par son prédécesseur.

Tout cela dans un contexte pour le moins particulier.

Depuis quelques semaines, des rumeurs d’ouverture du capital circulent sur l’île. Qatar Airways se serait positionnée pour acquérir 49 % du transporteur mauricien, sur fond d’investissement plus large de l’émirat à Maurice.

Une affirmation aussitôt démentie par la compagnie au logo oryx. En interne, silence radio, les discussions se tiendraient au niveau gouvernemental.

Dans le même temps, le ministre du Tourisme a confié à TourMaG.com son intention d’ouvrir le ciel mauricien à davantage de compagnies aériennes afin d’améliorer la desserte de la destination.

"C'est l'une de mes priorités. C'est dépendant de nos négociations politiques et de la situation géopolitique. À mon cabinet, nous travaillons dans ce sens," nous avait confié Richard Duval.

L’enjeu est clair : développer les connexions vers la Russie et, plus largement, vers l’Asie, notamment l’Inde et la Chine. Pendant qu’Air Mauritius se prépare à redécoller, elle devra faire face à une concurrence croissante, dont French Bee qui attend patiemment son heure.


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