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Coronavirus : vers une Annus Horribilis pour le secteur aérien

La chronique de Christophe Hardin


Face à l'épidémie de coronavirus, les compagnies aériennes ont pris des mesures drastiques. Christophe Hardin revient pour TourMaG.com sur cette année 2020 qui commence par une crise que personne n'a vu venir.


Rédigé par Christophe HARDIN le Jeudi 12 Mars 2020

En quelques jours le coronavirus a balayé Greta au hit parade des pires cauchemars du transport aérien et s’apprête à faire de l’année 2020 l’Annus Horribilis du transport aérien - Depositphotos.com cookelma
En quelques jours le coronavirus a balayé Greta au hit parade des pires cauchemars du transport aérien et s’apprête à faire de l’année 2020 l’Annus Horribilis du transport aérien - Depositphotos.com cookelma
Qui aurait pu imaginer un tel scénario ?

Il y a tout juste un an, lors d’une conférence organisée par les anciens élèves de l’ENAC (Ecole Nationale de l’Aviation Civile), dans l’amphithéâtre de la Direction Générale de l’Aviation Civile, lorsque l’on demandait aux acteurs de l’aérien leurs plus grandes craintes pour les années à venir on entendait : "terrorisme", "saturation de l’espace aérien", "cyberattaque"…

Un an plus tard, c’est finalement d’un petit marché vendant des animaux sauvages, quelque part en Chine, d’une simple morsure de chauve-souris peut-être qu’arrive ce qui pourrait bien être la crise la plus grave du transport aérien mondial…

En quelques jours, le coronavirus a balayé Greta au hit parade des pires cauchemars du transport aérien et s’apprête à faire de l’année 2020 l'Annus Horribilis du transport aérien.

Comment tenir ? Comment survivre ? Toutes les compagnies aériennes sont désormais en mode crise pour faire face à l’effondrement de la demande et enclencher les aérofreins, lancées qu’elles étaient, pour la plupart, dans une dynamique de croissance.

En terme aéro, c’est une manœuvre qu’on appelle "l’accélération arrêt" : l’avion se lance dans la course au décollage, un problème survient et on doit stopper en urgence l’avion. C’est le gros coup de chaud !

L'effondrement du prix du baril ne profitera pas à Air France

Pour Air France, le choc est sérieux avec un impact estimé dans un premier temps à 200 millions d’euros d’ici avril.

Le journal La Tribune, toujours bien renseigné quand il s’agit d’Air France, publiait ces derniers jours un courrier d’Anne Rigail, directrice générale d’Air France, à ses salariés évoquant que cet impact sera "plus significatif " et que : "(...) Les incertitudes quant à son évolution et ses conséquences nous conduisent à anticiper tous les scénarios".

L’emploi en CDI qui reprenait un peu de vigueur marque le pas. Les entretiens se poursuivent mais l’embauche devrait être décalée de plusieurs mois.

Le trafic s’effondre, obligeant la compagnie à réduire considérablement son trafic vers l’Asie mais aussi vers l’Europe (-20%) et la décision prise, mardi 10 mars 2020, d’annuler purement et simplement l’ensemble du trafic vers l’Italie et ce jusqu’au 3 avril 2020.

La décision prise par les Etats-Unis de suspendre les vols en provenance de l’Europe est un coup encore plus dur pour la compagnie française qui espérait se redéployer vers le continent américain et enregistrait ces derniers jours une progression du trafic de 13,6%.

Comble de malchance, l’effondrement du prix du baril du pétrole ces jours-ci ne profitera pas à Air France qui, comme toutes les autres compagnies européennes, préfère s’entendre avec les pétroliers sur un prix pour plus de la moitié de ses besoins annuels, et ce, afin d’avoir de la visibilité sur le coût kérosène, un des postes de dépenses le plus important.

C’est ce qu’on appelle la couverture carburant, un exercice difficile, un pari sur la conjoncture qui peut être risqué en cas d’imprévu.

En 2019, pari gagné pour Air France-KLM avec une couverture positive à 50 millions d’euros, pari perdu pour 2020. Avec un prix du baril négocié à 65 dollars et aujourd’hui à 45 dollars, on atteint un manque à gagner de presque un milliard de dollars…

Les équipes d’Air France s’adaptent et pilotent l’entreprise au jour le jour pour tenter de réduire l’impact de la crise.

La compagnie a de la trésorerie, des lignes de crédit. Les "reins" sont plus solides que lorsqu’elle avait dû aborder le SRAS ou la crise boursière de 2008.

Les puissants vont trembler, les faibles peuvent mourir

La pépite Transavia souffre également d’un programme largement réduit du fait de l’effondrement du marché italien et de l’annulation des vols vers Israël à partir de ce jour et jusqu’au 2 avril.

Victime collatérale : ASL France, dont le contrat d’affrètement par Transavia portant sur 3 B737 basés à Orly est reporté.

Autre compagnie française en grande difficulté après la décision de Donald Trump : La Compagnie Boutique Airline, volant exclusivement vers New York au départ d’Orly.

French Bee et Air Tahiti Nui, qui font respectivement escale à San Francisco et Los Angeles vers la Polynésie, sont également sévèrement impactées.

Les low cost Ryanair et easyJet sont contraintes elles aussi de faire une croix sur le trafic vers l’Italie.

Partout dans le monde le virus, ou plutôt ses conséquences, vont empoisonner le transport aérien. Les puissants vont trembler, les faibles peuvent mourir.

Alitalia, sous perfusion avec à un prêt de 400 millions, et désormais sans passagers à transporter, semble avoir un pied dans la tombe.

Norwegian, déjà dans le rouge, annonçait le 10 mars 2020 la suppression de 3 000 vols, et Jacob Schramm, le nouveau PDG en place depuis deux mois, de qualifier la situation de "critique".

Dans le Golfe, c’est la compagnie Etihad qui est la plus vulnérable. Avec une perte de 870 millions de dollars en 2019, la compagnie ajoute une cinquième année de pertes consécutives avec un chiffre d’affaire en diminution de 40%. Seule entre les deux mastodontes que sont Qatar et Emirates, la compagnie d’Abou Dhabi pourrait elle aussi connaitre de très grosses difficultés.

En Asie, IATA (Association Internationale du Transport Aérien) estimait la perte des compagnies à 28 milliards de dollars. A elles seules, les compagnies chinoises enregistrent une perte de 5,3 milliards pour le mois de février.

Danger aussi pour les opérateurs avec une large clientèle asiatique comme South African ou Kenya Airways.

Sur le territoire US, la chute va dramatiquement s’amplifier

Aux Etats-Unis, les majors américaines étaient jusqu’ici en pleine forme.

United (première compagnie aérienne mondiale), American Airlines et Delta dégagent des bénéfices records depuis quelques années et sont donc robustes pour affronter le choc, car choc il y aura pour ces transporteurs qui comptaient augmenter leurs capacités vers l’Europe.

Mardi, le journal La Tribune, citant la société Fowardkeys, évoquait une chute des réservations à venir pour les vols long-courrier vers l'Europe de 79%.

Avec la décision d’interdire aux passagers européens leur entrée sur le territoire US, cette chute va dramatiquement s’amplifier. La contraction américaine est déjà là et les premières mesures sont prises : réductions des capacités, gel des embauches, baisse de la rémunération des dirigeants.

A l’annonce, mardi 10 mars 2020, que Washington préparait des mesures de soutien fiscal, le Dow Jones avait repris quelques couleurs.

En Europe aussi, et face à cette situation, les mesures d’économie en interne ne suffiront pas. Opérateurs et aéroports tirent la sonnette d’alarme et se tournent vers leurs autorités pour réclamer de l’aide.

Au sein du groupe Lufthansa, où 150 avions sont déjà immobilisés, la compagnie allemande envisage des mesures de chômage partiel dans le cadre d’un dispositif spécifique "Kurzabeit", où les pertes de salaires sont compensées par le Gouvernement.

Vers une consolidation ?

En France, le Secrétaire d’Etat aux transports et le Ministre de l’économie ont réuni l'ensemble des entreprises de transport pour voir quelles mesures de soutien pouvaient être envisagées.

Des voix se font bien sûr déjà entendre pour des décisions rapides.

La demande de Thomas Juin, Président de l’Union des Aéroports Français dans nos colonnes pour une suspension temporaire de la règle obligeant les compagnies aériennes à utiliser leur créneaux horaires sous peine de se les voir supprimer, "use-it-or-lose-it" vient d’être entendue par la Commission européenne.

C’est une bonne chose pour éviter le maintien de certains vols avec à bord 3 ou 4 passagers…

Thomas Juin se fait également le défenseur de ses clients : les compagnies aériennes françaises, en réclamant l’annulation de l’écotaxe, en place depuis le 1er janvier 2020 et qui, pour une compagnie comme Air France, devrait coûter 60 millions d’euros.

En cette mi-mars, la situation semble s’améliorer doucement en Chine. Le journal Air et Cosmos évoque cette semaine des taux d’occupation qui remontent chez les transporteurs avec une offre en sièges désormais à 50% de la normale.

Chez nous, la crise est encore devant nous. Il faut espérer une courbe "en V" avec une demande encore en dégringolade jusqu’au plus fort de la maladie puis, le plus tôt possible dans la saison été, "Bas les masques", un virus vaincu partout dans le monde et un rebond plein d’envies de re-voyager.

Après cette Annus Horribilis, le transport aérien devrait survivre avec, pour les compagnies survivantes, une tentation, voire une nécessité d’unir ses forces.

Le COVID-19 sera peut-être le déclencheur d’un important mouvement de consolidation dans le transport aérien.

Coronavirus : vers une Annus Horribilis pour le secteur aérien
Christophe Hardin a, à son actif, de nombreuses heures de vol en tant que personnel navigant commercial.

Il est Président de l'Association des Cadres Navigant Commerciaux (A.C.N.C) et s'investit dans la formation à la Relation Client.

Il est adhérent à l'Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace (AJPAE) ainsi qu'à l'Association des journalistes du Tourisme (AJT).

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