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FUTUROSCOPIE : tourisme et religieux, le credo gagnant 🔒

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


La crainte de la pandĂ©mie ajoutĂ©e aux rythmes de vie stressants, Ă  l’incertitude et aux rapports humains qui se dĂ©gradent crĂ©ent un besoin de redonner du sens Ă  sa vie avec un retour vers plus de religieux. Constat endĂ©mique, celui-ci est confirmĂ© parles listes d’attente qui s’allongent pour passer quelques jours dans les monastĂšres et les abbayes. Mais, si au-delĂ  de la question religieuse, il s’agissait d’une tendance de fond ? Certains opĂ©rateurs ou mĂȘme parfois l’État ou les collectivitĂ©s locales en sont bien conscients qui transforment dĂ©sormais les monastĂšres en hĂŽtels haut de gamme. La tentation du religieux est indiscutablement porteuse d’avenir touristique, Ă  condition de savoir le gĂ©rer.


Rédigé par le Jeudi 21 Octobre 2021

A Lourdes, le saint des saints du tourisme religieux, le nombre de visiteurs est passĂ© en dix ans, de 2004 Ă  2014, de 5 Ă  6 millions, avant une baisse spectaculaire les annĂ©es suivantes.Mais, l’offre montante est probablement l’offre d’hĂ©bergements religieux. -  Depositphotos.com
A Lourdes, le saint des saints du tourisme religieux, le nombre de visiteurs est passĂ© en dix ans, de 2004 Ă  2014, de 5 Ă  6 millions, avant une baisse spectaculaire les annĂ©es suivantes.Mais, l’offre montante est probablement l’offre d’hĂ©bergements religieux. - Depositphotos.com
Les touristes religieux ont toujours Ă©tĂ© une composante essentielle du tourisme en France. En 2014, ils Ă©taient 20 millions sur les 85 millions de visiteurs allant jusqu’à reprĂ©senter 44% du tourisme culturel.

A Lourdes, le saint des saints du tourisme religieux, le nombre de visiteurs est passĂ© en dix ans, de 2004 Ă  2014, de 5 Ă  6 millions, avant une baisse spectaculaire les annĂ©es suivantes. Les pĂšlerins ne reprĂ©sentant que 825 000 personnes. Face Ă  cette demande, l’offre traditionnelle de sanctuaires, Ă©glises, cathĂ©drales, abbayes se porte plutĂŽt bien.

Mais, l’offre montante est probablement l’offre d’hĂ©bergements religieux. Une offre recensĂ©e et structurĂ©e autour d’un guide spĂ©cialisĂ©, le guide Saint Christophe qui rassemble dans son Ă©dition papier et sur le web, quelque 300 Ă©difices religieux en France et en Europe ouverts au public.

Chaque communautĂ© y dĂ©crit ses exigences, souvent diffĂ©rentes, mais toutes prĂ©sentent un dĂ©nominateur commun, le refus d’ĂȘtre cataloguĂ©e d'hĂŽtels.


Une envie de donner du sens Ă  sa vie dans le recueillement


La plupart du temps, c’est dans une aile Ă  part qu’ils nomment « hĂŽtellerie » que les moines et les sƓurs accueillent le public dans des chambres simples et confortables oĂč se trouve toujours un guide d’accueil contenant les rĂšgles du monastĂšre.

Certains d’entre eux, par exemple, n’accueillent que des retraitants qui sont invitĂ©s Ă  suivre les horaires des moines : participations aux offices, respect du silence dans les parties communes et au rĂ©fectoire, etc. C’est le cas par exemple Ă  Solesmes ou chez les Cisterciens Ă  l’abbaye Notre Dame de SĂ©nanque dans le Vaucluse, oĂč il est mĂȘme fermement conseillĂ© de laisser sa voiture au parking le temps de la retraite.

A SĂ©nanque, une vingtaine de chambres sont mises Ă  disposition dans l’abbaye, pour un prix moyen en pension complĂšte d’environ 30 € par jour ( le prix Ă©tant une simple indication de ce qu’une chambre coĂ»te Ă  l’abbaye, et pouvant Ă©voluer en fonction des situations Ă©conomiques de chacun ). TrĂšs apprĂ©ciĂ©e pour son environnement, SĂ©nanque recommande de rĂ©server plusieurs mois Ă  l’avance en Ă©tĂ©. D’autant que, l’abbaye reçoit principalement des « retraitants repeaters », habituĂ©s de toutes classes d’ñge, mais qui sont tous recrutĂ©s parmi des CSP plus !

MĂȘmes obligations chez les sƓurs Clarisse au MonastĂšre Sainte Claire Ă  Montfavet oĂč la participation aux offices est aussi quasiment obligatoire pour tous. Ce qui n’a rien de dissuasif : en effet les 20 chambres louĂ©es au prix de 35 € en pension complĂšte, sont vite rĂ©servĂ©es surtout pour les fĂȘtes de NoĂ«l et en juillet.

Mais, pour Ă©viter le phĂ©nomĂšne de « vacances Ă  bon compte » risquant d’attirer des clients peu versĂ©s dans la religion, les sƓurs limitent Ă  5 jours le sĂ©jour au monastĂšre. Sage initiative.

Une ouverture au public peu contraignante en matiĂšre religieuse

Certaines congrĂ©gations en revanche n’imposent aucune obligation en matiĂšre d’offices religieux mĂȘme si ceux-ci sont fortement conseillĂ©s. Le tarif exigĂ©, quant Ă  lui, est considĂ©rĂ© comme une « offrande » faite au monastĂšre et n’est proposĂ© qu’à titre indicatif. Il permet ainsi Ă  ceux qui n’ont pas les moyens de rĂ©gler des factures trĂšs lĂ©gĂšres, la fourchette moyenne se situant entre 30 et 50 euros en pension complĂšte.

A Paris, les sƓurs de la Basilique du SacrĂ© CƓur accueillent ainsi tous les publics, des « retraitants », mais aussi des familles ou des personnes en grande prĂ©caritĂ©.

Les 52 chambres individuelles et les 60 lits du dortoir affichent souvent complet notamment pour le CarĂȘme et jusqu’ Ă  la fin juin, ainsi que pendant l’avent et Ă  NoĂ«l.

Il est donc fortement conseillĂ© de rĂ©server 24h Ă  l’avance en pĂ©riode creuse et mĂȘme un mois Ă  l’avance durant les pĂ©riodes de pointe. Les sĂ©jours sont courts de 2 Ă  3 nuits en moyenne.

Comme la Basilique reprĂ©sente un Ă©lĂ©ment incontournable du patrimoine parisien, les Ă©trangers se bousculent. Selon les bonnes sƓurs que nous avons interrogĂ©es, dans le Top 5 des nationalitĂ©s, on trouve des AmĂ©ricains, des Anglais, des Allemands, et des Italiens, les Français ne reprĂ©sentant que 20% des retraitants. Enfin, depuis quelques annĂ©es la Basilique dĂ©clare accueillir des visiteurs sans cesse plus nombreux en provenance de Chine, d’Asie et d’AmĂ©rique Latine. En particulier, du BrĂ©sil et Mexique.

D’importants travaux de remise aux normes sont en train de s’imposer

Pour les congrĂ©gations, l’ouverture au public a beau constituer une forme de charitĂ© ou de prosĂ©lytisme, elle n’en est pas moins lourde d’inconvĂ©nients.

Qui dit public, dit en effet respect des normes en vigueur dans notre pays et au niveau europĂ©en. L e respect des rĂ©glementations d’hygiĂšne et de sĂ©curitĂ© notamment est obligatoire. Ce qui exige la mise en chantier de gros travaux souvent trĂšs coĂ»teux pour se mettre aux normes.

A Lourdes, par exemple, au monastĂšre de l’Assomption, des travaux importants ont Ă©tĂ© effectuĂ©s en 2015 dans les 97 chambres. Au cƓur de Paris, la Maison RĂ©demptoriste, dans le 14Ăšme arrondissement propose 10 chambres simples et 8 suites pour trois ou quatre personnes qui ont Ă©tĂ© totalement rĂ©novĂ©es.

Seule, la chapelle n’est pas terminĂ©e. Une vĂ©ritable aubaine puisque les prix s’étale de 78 € pour une personne individuelle Ă  98 € la suite. Ce qui en fait un lieu trĂšs apprĂ©ciĂ© des Ă©trangers, principalement africains et amĂ©ricains, ecclĂ©siastiques la plupart, mais aussi groupes scolaires et familles, surtout pendant les vacances. Il est conseillĂ© d’y rĂ©server un an Ă  l’avance !

A l’inverse, certaines congrĂ©gations sont obligĂ©es de faire appel Ă  des dons pour moderniser leur patrimoine. Elles sont nombreuses dans ce cas et, bien que trĂšs peu connues, ont un public de fidĂšles prĂȘts Ă  mettre la main Ă  la poche. Parfois issus des grandes fortunes du 4 Quarante ! Mais, pour le moment, la plupart des usagers se satisfont des conditions de vĂ©tustĂ© existantes. Jusqu’au jour oĂč un accident : incendie, effondrement de sol et de plafond
 mettra l’accent sur un problĂšme que ni les autoritĂ©s religieuses, ni touristiques, ni administratives ne veulent voir venir !

Des monastĂšres avec services religieux fonctionnant en hĂŽtels

Autre cas de figure : Parfois, certaines congrĂ©gations, pour sauver leur patrimoine, transforment leur monastĂšre en hĂŽtel classĂ© tout en restant dans les lieux et en maintenant les offices dans la chapelle. C’est le cas en Alsace avec l’hĂŽtel Valvignes prĂšs de SĂ©lestat. Cet Ă©tablissement qui appartient aux moines marianistes est devenu un confortable hĂŽtel 3*, avec une table signĂ©e par des cuisiniers du Top Chef.

Les moines ont toutefois gardĂ© une aile spĂ©cifique, interdite aux clients, mais avec une chapelle accessible Ă  tous, situĂ©e dans le couloir de l’hĂŽtel. Il n’est pas rare d’entendre les psaumes dans le couloir au moment des vĂȘpres.

Une petite touche de religieux qui n’est pas sans dĂ©plaire Ă  la clientĂšle d’affaires et de familles qui frĂ©quente les 46 chambres et les 500 m2 de salles de rĂ©union.

Depuis sa transformation en hĂŽtel qui a reprĂ©sentĂ© environ 6 millions d’euros de travaux, les moines ont prudemment confiĂ© la gestion des lieux Ă  une sociĂ©tĂ© de gestion indĂ©pendante.

Une expérience insolite de plus en plus recherchée

Dans certains autres cas, faute de moyens pour faire vivre la communautĂ©, les monastĂšres sont carrĂ©ment vendus par les communautĂ©s. Les opĂ©rateurs, en quĂȘte d’insolite les rachĂštent pour les transformer en hĂŽtels de charme.

Ainsi, l’abbaye de Fontevraud, a rĂ©ouvert fin mai 2014 aprĂšs une transformation complĂšte en luxueux hĂŽtel de 54 chambres classĂ© 4 Ă©toiles, avec un restaurant tenu par un grand chef Thibault Ruggeri laurĂ©at du Bocuse d’Or. Français, Belges et Anglais sont les trois principales clientĂšles, en progression chaque annĂ©e (de 44% en taux d’occupation en 2015 Ă  57% en 2017).

L’abbaye abrite Ă©galement un centre culturel qui en fait son animation principale. Dans le Tarn, c’est l’Abbaye de SorrĂšze qui a Ă©tĂ© confiĂ©e au groupe Hotels et Patrimoine.

TransformĂ©e en hĂŽtel de 72 chambres, avec des chambres individuelles classĂ©es 2* et des suites 3*, elle abrite aujourd’hui un institut de formation hĂŽteliĂšre. Chez les grands opĂ©rateurs aussi, la tendance est bien rĂ©elle.

Le groupe Accor a ainsi ouvert, par le biais de l’un de ses franchisĂ©s, dans le rĂ©seau M Gallery, un hĂŽtel Ă  Poitiers installĂ© dans une ancienne chapelle ayant appartenu Ă  une communautĂ© de jĂ©suites.

A Nantes enfin c’est un indĂ©pendant qui s’est lancĂ© dans l’aventure en 2010 en rachetant une chapelle aux sƓurs de Notre Dame pour en faire un hĂŽtel 4*. SituĂ© face Ă  la gare et Ă  5mn du centre ville, le Sozo Hotel reçoit aujourd’hui autant de visiteurs d’affaires que de visiteurs loisirs venus chercher une atmosphĂšre insolite « quelque chose qui change de l’hĂŽtel traditionnel » explique le propriĂ©taire BenoĂźt Boiteau. « Ils veulent de l’atypique mais ne viennent surtout pas pour prier ». Affichant 75% d’occupation sur l’annĂ©e, avec une proportion d’étrangers importante mais uniquement en Ă©tĂ©, il faut croire qu’il a raison.

Mais il n’y a pas qu’en France que les Ă©difices religieux attirent le public. En Italie aussi, le phĂ©nomĂšne est trĂšs marquant. Ainsi, l’hĂŽtel Villa Eur Ă  Rome, rachetĂ© en 1952 par les frĂšres maristes, pour devenir leur siĂšge social a Ă©tĂ© transformĂ© en hostellerie qu’ils ont eux-mĂȘmes gĂ©rĂ©e pendant dix ans. Ce n’est qu’aprĂšs une profonde rĂ©novation en 1998, que le bĂątiment a Ă©tĂ© transformĂ© en hĂŽtel design et que sa gestion a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  des professionnels.
Et que dire des somptueux « Paradores » d’Espagne ?

Parmi les plus authentiques, le parador de Almagro Ă  Ciudad Real, un ancien couvent franciscain du 16Ăšme siĂšcle situĂ© Ă  200 km seulement de Madrid, n’a plus rien Ă  voir avec une hostellerie monacale. VĂ©ritable palace, la chambre double est Ă  165 €. De mĂȘme dans les Asturies, le Parador de Corias, un monastĂšre bĂ©nĂ©dictin du 11Ăšme siĂšcle est classĂ© 4* et propose un restaurant gastronomique.

Autant d’exemples soulignant que la tentation de la chose religieuse ne rime pas donc forcĂ©ment de nos jours avec pauvretĂ© ! Et qu’à l’avenir, ce phĂ©nomĂšne ne fera que s’amplifier, comme le prouvent les centaines d’exemples asiatiques, en CorĂ©e, Japon, Bhutan, NĂ©pal
 sur lesquels nous reviendrons.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, confĂ©renciĂšre, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les consĂ©quences sur le secteur du tourisme.

AprĂšs avoir dĂ©veloppĂ© pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualitĂ© et dĂ©code le prĂ©sent pour prĂ©voir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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