Le séminaire d’ATR invite à réfléchir sur l’impact à destination et aussi à tourner la page d'un tourisme durable pour celui responsable - Crédit photo : visuel génré par l'IA
Dans une vague régressive de valeurs portée par des politiciens comme Donald Trump ou Javier Milei, le monde semble se détourner de l’essentiel : la préservation du climat.
Alors que la COP 30 doit s’ouvrir dans quelques jours au Brésil, les États-Unis ont déjà annoncé qu’aucun représentant de haut niveau ne serait envoyé par l’administration républicaine.
Dans un monde qui paraît filer droit vers le pire scénario d’un réchauffement climatique hors de contrôle, le secteur du tourisme, lui, ne baisse pas (totalement) les bras.
C’est en terre gallo-romaine, à Malaucène (Vaucluse), que près de 80 irréductibles Gaulois du tourisme se sont retrouvés trois jours durant dans le cadre du séminaire d’Agir pour un Tourisme Responsable (ATR).
L’association a invité ses membres à réfléchir collectivement à leur impact à destination.
"Le tourisme nourrit de belles promesses, comme celle de relier des mondes et d’être un facteur de paix, mais il est aussi devenu le miroir de nos déséquilibres.
Il faut chercher un équilibre, car il n’y a pas d’impact zéro de l'activité touristique. L’impact négatif doit être accepté, tout en cherchant à tendre vers une contribution plus positif.
Si on reste dans la logique du 'tourisme durable,' on n’avancera pas. Certes, on trie nos déchets, mais le secteur ne questionne pas vraiment ses modèles" a appelé Caroline Le Roy, doctorante-chercheuse à l’Université de Perpignan.
Alors que la COP 30 doit s’ouvrir dans quelques jours au Brésil, les États-Unis ont déjà annoncé qu’aucun représentant de haut niveau ne serait envoyé par l’administration républicaine.
Dans un monde qui paraît filer droit vers le pire scénario d’un réchauffement climatique hors de contrôle, le secteur du tourisme, lui, ne baisse pas (totalement) les bras.
C’est en terre gallo-romaine, à Malaucène (Vaucluse), que près de 80 irréductibles Gaulois du tourisme se sont retrouvés trois jours durant dans le cadre du séminaire d’Agir pour un Tourisme Responsable (ATR).
L’association a invité ses membres à réfléchir collectivement à leur impact à destination.
"Le tourisme nourrit de belles promesses, comme celle de relier des mondes et d’être un facteur de paix, mais il est aussi devenu le miroir de nos déséquilibres.
Il faut chercher un équilibre, car il n’y a pas d’impact zéro de l'activité touristique. L’impact négatif doit être accepté, tout en cherchant à tendre vers une contribution plus positif.
Si on reste dans la logique du 'tourisme durable,' on n’avancera pas. Certes, on trie nos déchets, mais le secteur ne questionne pas vraiment ses modèles" a appelé Caroline Le Roy, doctorante-chercheuse à l’Université de Perpignan.
"Nous devons arrêter le développement durable"
Pour rappel, malgré l’arrêt brutal et la reprise chaotique qui ont suivi la crise sanitaire, l’IATA estime que le cap des 10 milliards de passagers sera atteint d’ici 2050, pour une population mondiale d’environ 9 milliards d’humains.
Ainsi, le trafic aérien aura doublé en 25 ans.
Les avions peuvent bien être plus efficaces, les pilotages plus économes, les moteurs moins polluants… l’impact global du secteur, lui, ne baissera pas.
Pourquoi ? Parce qu’il y aura toujours plus d’appareils dans le ciel, et que, dans le même temps, les compagnies peinent déjà à se fournir en carburant durable.
"Nous devons entrer dans l’ère du post-tourisme durable, pour nous forcer à quitter la logique de la croissance sans limite, et adopter une logique gaïenne, liée à la nature, à nos racines et au vivant.
Nous devons passer du contrôle à la coopération, et nous inspirer des principes du tourisme régénératif," affirme la chercheuse.
La définition classique du "tourisme durable" a été fixée par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT).
L’OMT explique que cette approche doit pleinement tenir compte des impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, tout en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil.
"Il existe un fossé entre cette définition et la réalité de ce qui est mis en œuvre par les destinations françaises.
Dans mes travaux de thèse, j’ai constaté que très peu d’acteurs (institutionnels) respectent réellement les trois piliers du développement durable. Globalement, l’économie est priorisée, puis ils vont agir un peu sur la dimension environnementale, et le social est souvent oublié.
Je rejoins d’ailleurs un courant de chercheurs en gestion qui appelle, tout simplement, à arrêter le développement durable", poursuit la doctorante.
"Créer un nouveau paradigme, plutôt qu’un nouveau concept"
Un constat qui rejoint celui de Jean Pinard. Dans l’un de ses éditos sur TourMaG.com, Jean Pinard expliquait déjà que l’industrie devait arrêter de parler de "tourisme durable", car il ne le sera jamais.
En revanche, les acteurs peuvent, eux, rendre leur pratique responsable.
"Nous ne devons pas créer un nouveau concept, mais bien un nouveau paradigme.
Il existe une vision très intéressante autour du tourisme régénératif : cela pourrait devenir le nouveau terme à la mode, le successeur du tourisme durable.
Mais j’ai un peu peur que le concept soit vite dévoyé, et que ceux qui s’y intéressent ne s’attardent pas vraiment sur le vivant. Ce que nous mesurons détermine ce que nous préservons — cela devrait être l’une des règles fondamentales du secteur", poursuit Caroline Le Roy, également salariée de Fairmoove.
Pour rappel, le tourisme régénératif en est encore au stade de la théorie, voire de l’expérimentation.
Rares sont les territoires ou établissements à l’avoir réellement mis en œuvre, à part quelques hôtels pionniers en Amérique latine.
En mars 2024, Elsa Brindazur nous expliquait que cette approche devait être perçue comme une extension de la théorie de l’économie circulaire, dont l’objectif est de permettre à la nature de déployer ses propres capacités de régénération.
C’est le cas, par exemple, de l’éco-resort Playa Viva au Mexique, qui a non seulement utilisé des techniques de construction respectueuses, mais aussi fait du lieu un pilier de l’économie locale et de la vie du village.
Le projet vise à restaurer les terres, relancer l’agriculture et préserver les activités traditionnelles, tout en maintenant "une ouverture au monde, via les visiteurs, sans que cela devienne Disneyland."
L’expérience du voyageur devient ainsi globale, tournée vers le bien-être des populations locales, tout en évitant la dépendance économique à l’industrie touristique, à la nature ou à un développement déséquilibré.
"En changeant de terme et de concept, il sera peut-être plus facile de passer à l’action.
Je note aussi que dans le même temps, nous assistons à une gentrification de l’activité touristique. Certains territoires bougent, comme Oléron ou Saint-Malo, mais cela reste marginal.
Tant qu’il n’y aura pas de cadre réglementaire clair et de refonte complète des modèles de gouvernance, on restera dans l’anecdotique, le volontaire et le marginal," affirme Caroline Le Roy.
Finalement si on ne revoit rien en profondeur alors le tourisme ne changera pas.
En revanche, les acteurs peuvent, eux, rendre leur pratique responsable.
"Nous ne devons pas créer un nouveau concept, mais bien un nouveau paradigme.
Il existe une vision très intéressante autour du tourisme régénératif : cela pourrait devenir le nouveau terme à la mode, le successeur du tourisme durable.
Mais j’ai un peu peur que le concept soit vite dévoyé, et que ceux qui s’y intéressent ne s’attardent pas vraiment sur le vivant. Ce que nous mesurons détermine ce que nous préservons — cela devrait être l’une des règles fondamentales du secteur", poursuit Caroline Le Roy, également salariée de Fairmoove.
Pour rappel, le tourisme régénératif en est encore au stade de la théorie, voire de l’expérimentation.
Rares sont les territoires ou établissements à l’avoir réellement mis en œuvre, à part quelques hôtels pionniers en Amérique latine.
En mars 2024, Elsa Brindazur nous expliquait que cette approche devait être perçue comme une extension de la théorie de l’économie circulaire, dont l’objectif est de permettre à la nature de déployer ses propres capacités de régénération.
C’est le cas, par exemple, de l’éco-resort Playa Viva au Mexique, qui a non seulement utilisé des techniques de construction respectueuses, mais aussi fait du lieu un pilier de l’économie locale et de la vie du village.
Le projet vise à restaurer les terres, relancer l’agriculture et préserver les activités traditionnelles, tout en maintenant "une ouverture au monde, via les visiteurs, sans que cela devienne Disneyland."
L’expérience du voyageur devient ainsi globale, tournée vers le bien-être des populations locales, tout en évitant la dépendance économique à l’industrie touristique, à la nature ou à un développement déséquilibré.
"En changeant de terme et de concept, il sera peut-être plus facile de passer à l’action.
Je note aussi que dans le même temps, nous assistons à une gentrification de l’activité touristique. Certains territoires bougent, comme Oléron ou Saint-Malo, mais cela reste marginal.
Tant qu’il n’y aura pas de cadre réglementaire clair et de refonte complète des modèles de gouvernance, on restera dans l’anecdotique, le volontaire et le marginal," affirme Caroline Le Roy.
Finalement si on ne revoit rien en profondeur alors le tourisme ne changera pas.
"Les voyages en Albanie à 400 euros, tout compris, c’est ridicule"
Il n’est pas question ici de plomber le moral des troupes, mais bien de parler franchement de la situation. Et d’ailleurs, après un séminaire ATR, les mines ne sont pas déconfites, bien au contraire.
Chacun repart avec des pistes concrètes pour rendre son activité plus responsable. Et l'action commence par la relation avec les fournisseurs. Durant l’événement, plusieurs réceptifs ont d’ailleurs été invités à prendre la parole.
L’occasion pour eux de rappeler que leurs préoccupations ne sont pas si éloignées de celles des tour-opérateurs français engagés.
Pour les mener à bien et embarquer tout l'écosystème, il est indispensable que l’industrie fasse ruisseler ses bénéfices dans l’économie locale et donc de payer justement tous les prestataires.
"L’Albanie n’est pas un pays très capitaliste. Nous avons dans notre société des notions comme l’honneur, le respect et la réciprocité.
Nous sommes confrontés à une situation qui, selon moi, est absurde. Certains tour-opérateurs français parlent sans arrêt de durabilité… tout en se faisant des marges importantes.
Si la durabilité, c’est afficher des prix élevés et de ne pas vendre de façon équilibrée, alors ce système ne peut pas durer. Il faut avoir le courage de dire stop !
Les voyages en Albanie à 400 euros, tout compris, c’est ridicule.
Ce n’est ni durable, ni normal, ni logique. De quelle légitimité disposons-nous encore pour proposer ce genre de voyage ?" a interpellé Eduart Cekoja, cofondateur du réceptif Zemra Travel.
Une intervention reprise en chœur par ses confrères aux quatre coins du monde, qui a bousculé l’auditoire.
Elle a aussi le mérite de rappeler que l’industrie a encore de gros efforts à fournir pour rendre son modèle vraiment régénératif, même si cette pique visait sans doute davantage la production orientée vers le grand public que les adhérents d’ATR.
Chacun repart avec des pistes concrètes pour rendre son activité plus responsable. Et l'action commence par la relation avec les fournisseurs. Durant l’événement, plusieurs réceptifs ont d’ailleurs été invités à prendre la parole.
L’occasion pour eux de rappeler que leurs préoccupations ne sont pas si éloignées de celles des tour-opérateurs français engagés.
Pour les mener à bien et embarquer tout l'écosystème, il est indispensable que l’industrie fasse ruisseler ses bénéfices dans l’économie locale et donc de payer justement tous les prestataires.
"L’Albanie n’est pas un pays très capitaliste. Nous avons dans notre société des notions comme l’honneur, le respect et la réciprocité.
Nous sommes confrontés à une situation qui, selon moi, est absurde. Certains tour-opérateurs français parlent sans arrêt de durabilité… tout en se faisant des marges importantes.
Si la durabilité, c’est afficher des prix élevés et de ne pas vendre de façon équilibrée, alors ce système ne peut pas durer. Il faut avoir le courage de dire stop !
Les voyages en Albanie à 400 euros, tout compris, c’est ridicule.
Ce n’est ni durable, ni normal, ni logique. De quelle légitimité disposons-nous encore pour proposer ce genre de voyage ?" a interpellé Eduart Cekoja, cofondateur du réceptif Zemra Travel.
Une intervention reprise en chœur par ses confrères aux quatre coins du monde, qui a bousculé l’auditoire.
Elle a aussi le mérite de rappeler que l’industrie a encore de gros efforts à fournir pour rendre son modèle vraiment régénératif, même si cette pique visait sans doute davantage la production orientée vers le grand public que les adhérents d’ATR.
L’exemple d’Eco Tanzania qui privilégie le confort des locaux au prix de vente !
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""Quand je vois les acteurs ici présents se questionner sur l’impact social de leur business, c’est déjà une belle victoire", se félicite Caroline Le Roy.
Ces trois jours ont permis de mettre des mots sur des maux, mais surtout d’apporter des outils concrets pour faire bouger les lignes.
Pour mener à bien la bataille de l’impact à destination, il ne suffit pas de bien payer ses fournisseurs, il faut avant tout bien les choisir. Une idée qui rejoint l’analyse formulée par Myriam Tord, du HelpDesk lors d’une table ronde à l’IFTM Top Resa.
Si les voyageurs ne franchissent pas la porte d’une agence en exigeant que leur séjour soit durable, c’est sans doute parce qu’ils estiment que le réseau de distribution ou le TO a déjà fait le tri.
Une sorte de curation éthique où les prestataires sont choisis pour garantir des salaires justes, le respect des animaux et une approche responsable.
Lors des prises de parole des différents réceptifs, chacun a tenu à rappeler que la volonté de rendre le tourisme plus durable n’est pas l’apanage des dirigeants français réunis dans le Vaucluse.
"Nous mettons en place des actions pour limiter notre impact sur l’environnement,, comme la suppression des bouteilles plastiques, mais il est plus difficile d’agir sur les transports.
Nous concentrons nos efforts pour redistribuer les retombées économiques à un maximum de Tanzaniens.
Nous créons des activités pour soutenir les communautés locales, organiser des safaris responsables, limiter notre empreinte et financer des projets sociaux.
Ainsi, 85 % du prix du voyage revient directement à des Tanzaniens" explique Emilien Chavetet, directeur du réceptif Endallah, à l’initiative du projet Eco Tanzania.
Et ce n’est pas tout. Sur les 20 % de marge, 3 % sont reversés à l’économie locale, soit 70 000 euros en 2024.
Cette somme a permis de construire le restaurant solidaire Mama Umoja, géré par trois femmes tanzaniennes, en remplacement des tristement célèbres lunch boxes distribuées pendant les safaris.
Une démarche de haute responsabilité sociale, qui n’est pas neutre économiquement. Le prix de vente est 7 à 8 % plus élevé que celui des concurrents.
"Nous achetons plus cher pour être écoresponsables, ce qui entraîne une baisse des volumes et cela sur notre première destination.
En énumérant les actions d’Eco Tanzania, les clients comprennent mieux la valeur du voyage, même pour un simple plateau-repas.
Nous devons savoir raconter le prix, expliquer ce qu’il représente vraiment pour le voyageur comme pour la destination", conclut Jean-Christophe Guérin, le président des Compagnies du Voyage, dont dépend le réceptif.
Entre la fin du mois et la fin du monde, ATR a choisi de ne pas essorer ses prestataires pour bien choisir ses combats.
Ces trois jours ont permis de mettre des mots sur des maux, mais surtout d’apporter des outils concrets pour faire bouger les lignes.
Pour mener à bien la bataille de l’impact à destination, il ne suffit pas de bien payer ses fournisseurs, il faut avant tout bien les choisir. Une idée qui rejoint l’analyse formulée par Myriam Tord, du HelpDesk lors d’une table ronde à l’IFTM Top Resa.
Si les voyageurs ne franchissent pas la porte d’une agence en exigeant que leur séjour soit durable, c’est sans doute parce qu’ils estiment que le réseau de distribution ou le TO a déjà fait le tri.
Une sorte de curation éthique où les prestataires sont choisis pour garantir des salaires justes, le respect des animaux et une approche responsable.
Lors des prises de parole des différents réceptifs, chacun a tenu à rappeler que la volonté de rendre le tourisme plus durable n’est pas l’apanage des dirigeants français réunis dans le Vaucluse.
"Nous mettons en place des actions pour limiter notre impact sur l’environnement,, comme la suppression des bouteilles plastiques, mais il est plus difficile d’agir sur les transports.
Nous concentrons nos efforts pour redistribuer les retombées économiques à un maximum de Tanzaniens.
Nous créons des activités pour soutenir les communautés locales, organiser des safaris responsables, limiter notre empreinte et financer des projets sociaux.
Ainsi, 85 % du prix du voyage revient directement à des Tanzaniens" explique Emilien Chavetet, directeur du réceptif Endallah, à l’initiative du projet Eco Tanzania.
Et ce n’est pas tout. Sur les 20 % de marge, 3 % sont reversés à l’économie locale, soit 70 000 euros en 2024.
Cette somme a permis de construire le restaurant solidaire Mama Umoja, géré par trois femmes tanzaniennes, en remplacement des tristement célèbres lunch boxes distribuées pendant les safaris.
Une démarche de haute responsabilité sociale, qui n’est pas neutre économiquement. Le prix de vente est 7 à 8 % plus élevé que celui des concurrents.
"Nous achetons plus cher pour être écoresponsables, ce qui entraîne une baisse des volumes et cela sur notre première destination.
En énumérant les actions d’Eco Tanzania, les clients comprennent mieux la valeur du voyage, même pour un simple plateau-repas.
Nous devons savoir raconter le prix, expliquer ce qu’il représente vraiment pour le voyageur comme pour la destination", conclut Jean-Christophe Guérin, le président des Compagnies du Voyage, dont dépend le réceptif.
Entre la fin du mois et la fin du monde, ATR a choisi de ne pas essorer ses prestataires pour bien choisir ses combats.






Publié par Romain Pommier 














