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Faillite Evasion Spirit : les voyageurs peuvent-ils refuser de partir avec l'APST ?🔑

Certains clients d'Evasion Spirit préféreraient opter pour le remboursement


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Après la méga faillite de Thomas Cook, voilà que l'APST se retrouve à gérer la défaillance du Groupe Yam's et ses marques Evasion Spirit, Lagon Spirit, Tiare Spirit, Macadam Spirit, Mojito Spirit... Un sinistre pour lequel le garant financier tente au maximum, selon nos informations, de maintenir les voyages des clients lésés. Mais ces derniers sont-ils forcés d'accepter la proposition du garant ou peuvent-ils opter pour le remboursement de leur voyage ? TourMaG.com a tenté d'y voir plus clair...


Rédigé par le Vendredi 10 Février 2023

Faillite Evasion Spirit : les voyageurs sont-ils forcés d'accepter la proposition de l'APST ou peuvent-ils opter pour le remboursement de leur voyage ? - DR : DepositPhotos.com,  Elnur_
Faillite Evasion Spirit : les voyageurs sont-ils forcés d'accepter la proposition de l'APST ou peuvent-ils opter pour le remboursement de leur voyage ? - DR : DepositPhotos.com, Elnur_
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Placé en liquidation judiciaire le 13 janvier dernier, le Groupe Yam's (Evasion Spirit, Lagon Spirit, Tiare Spirit, Macadam Spirit...) a laissé sur le carreau des dizaines de clients.

Le sinistre pourrait avoisiner les 3 M€ pour son garant financier, l'Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme (APST), selon nos informations.

Un mandataire judiciaire a également été désigné, début février (Me Frédérique Levy, du cabinet Selafa MJA), pour s'occuper de la liquidation.

Pour les clients concernés, cliquez ici pour en savoir plus sur les procédures à suivre.


Sinistres APST : des procédures qui évoluent

Tous les clients de Yam's ont donc intérêt à se mettre en relation (si ce n'est déjà fait) avec l'APST qui les aidera à trouver une solution : rapatriement (pour les clients déjà sur place et si nécessaire), remboursement des sommes engagées ou délivrance de la garantie financière en services.

Cette dernière option est une particularité de l'APST sur le marché français, qui permet aux clients d'effectuer tout de même leur voyage, là où d'autres garants financiers ne proposent que le remboursement.

Pour cela, l'APST étudie au cas par cas et par ordre chronologique des départs les dossiers des voyageurs. La caisse de garantie va vérifier à la fois si le client a déjà payé une partie ou la totalité de son voyage et également si le voyagiste défaillant a réglé les prestations de voyage (transport, hébergement, location de voitures, excursions, transferts, etc.) auprès de ses fournisseurs.

Elle va ensuite informer les clients de leurs options, à savoir si le voyage peut être maintenu (dans quelles conditions et s'il reste des sommes à régler) ou si elle procède à un remboursement.

Voilà pour la théorie.

En pratique, il semblerait que les défaillances successives des dernières années et la crise qu'a traversé la caisse de garantie l'aient amenée à modifier ses procédures.

En 2022 tout d'abord, trois ans après la faillite de Thomas Cook, qui a coûté à l'association 42 M€ de sinistre, les clients en attente de remboursement ont découvert que le garant financier ne leur rembourserait pas les frais de dossier, ni les assurances voyage qu'ils avaient pu souscrire. Une première.

LIRE AUSSI : Thomas Cook France n'était pas assuré... mais a encaissé l'argent des assurances !" 🔑

Aujourd'hui, avec la défaillance d'Evasion Spirit, de nouvelles procédures interrogent les consommateurs.

Plusieurs d'entre eux nous ont en effet rapporté que l'APST aurait lourdement insisté pour qu'ils optent pour la garantie en services. Pour d'autres, le garant n'a jamais évoqué la possibilité d'obtenir le remboursement de leur voyage.

Des pratiques qui paraissent toutefois en adéquation avec les statuts de l'association, notamment les articles 6.1 et 6.2 (voir en pièce jointe). "Conformément aux dispositions du Code du Tourisme, dès la constatation de la défaillance financière d’un Membre Adhérent et à la demande de celui-ci, l’Association prend en priorité les moyens nécessaires pour délivrer ou faire délivrer sa Garantie Financière en services", peut-on y lire.
statuts_apst_2022.pdf Statuts-APST-2022.pdf  (493.98 Ko)

Des clients obligés de remettre au pot

Néanmoins, la faillite d'Evasion Spirit n'est pas une faillite comme les autres.

Selon nos informations, le voyagiste n'avait pas payé bon nombre de ses fournisseurs avant de mettre la clé sous la porte.

L'APST se retrouve donc aujourd'hui avec des dossiers pour lesquels les clients ont payé l'intégralité du voyage, mais dont les prestations n'ont pas été réservées ou réglées par Yam's. Cela le cas notamment sur la partie transports, et plus particulièrement l'aérien.

Sur les départs les plus proches, la plupart en long-courrier, la caisse de garantie s'est aperçue que des vols n'avaient pas été confirmés par Yam's. Elle se retrouve donc à réserver de nouveaux billets en quasi dernière minute, avec des prix qui ont parfois triplé par rapport au contrat initial des voyageurs...

C'est ce qui est arrivé à un client, dont le départ était prévu moins de dix jours après la liquidation de Yam's.

S'il reconnait la réactivité de l'APST qui lui a permis de partir en voyage avec ses amis, il a du mal à digérer le fait d'avoir dû remettre la main à la poche et débourser plus de 2 000€ de billets d'avion pour 4 voyageurs.

"J'ai payé plus de 20% de plus pour le même voyage, nous explique-t-il. Nous souhaitions partir, nous étions dans l'urgence, mais d'un autre côté, nous ne nous sentions pas non plus en position de négociation avec l'APST".

Car si le garant lui a permis de "sauver" ses vacances dans des conditions similaires, le Service Assistance Voyageurs de la caisse de garantie ne lui a donné que 2h30 pour renvoyer son bon pour accord pour les vols, ainsi que son règlement bancaire. "A aucun moment, on ne nous a proposé un remboursement suite à cette augmentation tarifaire, ajoute-t-il.

De même, l'APST me dit aujourd'hui ne pas être en mesure de me fournir un justificatif de paiement ou une facture pour le supplément."

Depuis, le client s'interroge sur la légalité de ce process et a même contacté son assistance juridique pour connaitre ses recours. S'il n'envisage pas une action en justice, il aimerait tout de même alerter sur ces pratiques, "pour le principe".

Des clients qui manquent d'informations

Contactée, une autre cliente d'Evasion Spirit nous fait part également de son mécontentement, car elle peine à obtenir des réponses malgré ses nombreux mails et appels.

Si l'APST lui propose de maintenir son voyage dans les mêmes conditions et au même tarif, la voyageuse se dit frileuse à l'idée de partir avec "une société qui n'a pas de garantie française".

En effet, elle a reçu il y a quelques jours deux mails, l'un avec ses billets d'avion émis par CMS Vacances et dans l'autre, les informations pour le reste de son circuit, pris en charge par une agence réceptive. "Je suis très en colère, je n'ai pas reçu le carnet de voyages, je n'ai pas de détails sur le voyage".

Face à cette situation, la cliente préférerait annuler son voyage et demander le remboursement de son acompte, mais "Madame Malaspina (la responsable du Service Assistance Voyageurs, ndlr) m'a répondu par téléphone que je n'avais pas le choix et que si je n'acceptais pas de partir, je perdais tout".

D'autres clients encore se retrouvent avec deux voyages sur les bras. Inquiets suite aux articles de presse sur la santé d'Evasion Spirit mais désireux de partir tout de même, ils ont décidé de réserver un autre voyage en parallèle par leurs propres moyens, pensant obtenir le remboursement du premier via l'APST.

Des situations complexes, il en existe une multitude dans la faillite d'Evasion Spirit. Aussi, nous avons demandé à Me Emmanuelle Llop, du cabinet Equinoxe Avocats, de nous éclairer sur les différents cas de figure qui peuvent concerner les clients, en s'appuyant sur ce que dit le Code du Tourisme. Voici son analyse.

Remboursement, maintien du voyage : que dit la loi ?

Comme nous vous l'indiquions, la garantie financière peut être déclenchée soit (en cas d’urgence) pour les rapatriements des clients déjà en voyage, soit pour rembourser les clients qui avaient réservé un voyage auprès de l'opérateur défaillant.

Mais avec l'APST, un 3e cas de figure est possible : la garantie en services, qui permet à l'association de faire partir tout de même les voyageurs dans des conditions de voyage similaires.

La question des rapatriements est définie par l'article R.211-31 du Code du Tourisme nous indique Me Llop.

En voici un extrait : "La mise en œuvre, en urgence, de la garantie en vue d'assurer le rapatriement des clients ou des membres d'un opérateur de voyages et de séjours est décidée par le préfet qui requiert le garant de libérer, immédiatement et par priorité, les fonds nécessaires pour couvrir les frais inhérents à l'opération de rapatriement. Toutefois, si la garantie financière résulte d'un organisme de garantie collective mentionné à l'article R. 211-27, cet organisme assure la mise en œuvre immédiate de la garantie par tous moyens en cas d'urgence dûment constatée par le préfet." Il s'agit là d'un cas d'urgence.

Maintenant, sur la question du maintien du voyage ou du remboursement, il convient de se pencher sur l'article L. 211-18. du code du tourisme.

Voici ce que l'on peut lire au II. : "Le remboursement peut être remplacé, avec l'accord du voyageur, par la fourniture d'une prestation différente en remplacement de la prestation prévue. La prestation proposée par l'organisme de garantie financière ne requiert pas l'accord exprès du voyageur, dès lors que sa mise en œuvre n'entraîne qu'une modification mineure du contrat et que le voyageur en est informé de manière claire, compréhensible et apparente sur un support durable".

"Dans ce cas-là, nous ne sommes plus dans une situation d'urgence, comme avec les rapatriements", souligne Me Emmanuelle Llop.

L'avocate, fondatrice du cabinet Equinoxe Avocats, retient également deux éléments importants dans ce passage du Code :

- le remboursement peut être remplacé, avec l'accord du voyageur, par la fourniture d'une prestation différente en remplacement de la prestation prévue. "Pour cela, il faut recueillir l'accord du client, insiste-t-elle. Si la fourniture d'une prestation différente est possible, cela requiert le consentement du voyageur. La différence peut résider dans la nature des prestations et pourquoi pas le prix".

- la prestation proposée par l'organisme de garantie financière ne requiert pas l'accord exprès du voyageur, dès lors que sa mise en œuvre n'entraîne qu'une modification mineure du contrat et que le voyageur en est informé de manière claire, compréhensible et apparente sur un support durable.

A partir de ce constat, trois cas de figure se dessinent pour les clients de Yam's :

1- tout d'abord, l'APST peut faire partir les voyageurs car il n'y a aucun changement dans le contrat. "Dans ce cas-là, le contrat continue et le voyageur doit accepter la proposition de l'APST. S'il préfère obtenir le remboursement de son voyage, il devra supporter des frais d’annulation s’il ne veut plus partir, car nous sommes dans le schéma de l’annulation d'un contrat de voyage classique, du Code du Tourisme (article L.211-14)", indique Me Llop.

S'il annule, le client peut soit perdre son acompte s’il correspondait aux frais, soit être remboursé de la différence entre l'acompte et les frais d'annulation ou inversement et dans un cas extrême, payer un complément de frais, en fonction de la clause de son contrat et du barème par exemple.

2- l'APST propose au client de partir en apportant une modification mineure à son contrat. Par exemple, une hausse de prix inférieure à 8% si une clause de révision figure dans le contrat ; un hôtel similaire ; un changement de compagnie aérienne ; un horaire de départ différent mais sans incidence sur les services. "Dans ce cas-là, l'APST en informe le voyageur par écrit (de manière apparente), clairement et d'une façon compréhensible sur un support durable, donc par mail le plus souvent", commente Me Llop.

Ici, selon le Code du Tourisme, l'APST n'a pas besoin de l’accord du client et le voyageur ne peut pas refuser la proposition, sinon il se place en position d'annulation. S'il opte pour un remboursement, comme dans le cas précédent, il devra payer des frais d’annulation.

3- enfin, pour faire partir le client, l'APST doit procéder à la modification d’un élément essentiel du voyage. "Dans ce cas-là, le garant doit informer le plus rapidement possible le client à propos de cette modification et sur le choix du voyageur, explique Me Llop. Ce dernier aura donc le choix entre refuser la proposition et obtenir une annulation sans frais de son voyage, soit accepter la modification". Pour vous éclairer, voici quelques exemples de modification d’éléments essentiels : hausse de prix supérieure à 8%, changement de dates, changement de destination.

"Dans les deux derniers cas, on revient finalement aux principes définis par l'article L.211-13 du Code Tourisme (voir encadré ci-dessous)", commente Me Llop.

Que dit l'article L211-13 Code du Tourisme ?

L'organisateur ou le détaillant ne peut, avant le début du voyage ou du séjour, modifier unilatéralement les clauses du contrat autres que le prix conformément à l'article L. 211-12, à moins que :

1° L'organisateur ou le détaillant se soit réservé ce droit dans le contrat ;

La modification soit mineure ; et

3° L'organisateur ou le détaillant en informe le voyageur d'une manière claire, compréhensible et apparente sur un support durable.

Lorsque, avant le départ, le respect d'un des éléments essentiels du contrat est rendu impossible par suite d'un événement extérieur qui s'impose à l'organisateur ou au détaillant, celui-ci doit le plus rapidement possible en avertir le voyageur et informer ce dernier de la faculté dont il dispose soit de résoudre sans frais le contrat, soit d'accepter la modification proposée par l'organisateur ou le détaillant.

L'APST a-t-elle outrepassé le droit ?

Le Code du tourisme autorise donc l'APST à privilégier la garantie en service quand cela est possible.

Sans modification du contrat de voyage ou en cas de modification mineure, les clients de Yam's qui préféreraient obtenir le remboursement de leur voyage s'exposent à des frais d'annulation et au risque de perdre tout ou partie des acomptes déjà versés.

En revanche, dans le cas d'une modification d’un élément essentiel du voyage, l'APST doit informer le voyageur sur le fait qu'il peut accepter la modification proposée ou bien résoudre sans frais le contrat.

Parmi les témoignages que nous avons pu recueillir, il semblerait que cela ne soit pas toujours le cas.

En cas de recours en justice de la part d'un client, l'APST pourrait donc être sanctionnée pour ne pas avoir correctement informé ce client de son choix et se voir condamnée à payer des dommages et intérêts.

Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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