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Futuroscopie - De l’éco-théologie à l’éco-tourisme : même combat ? 🔑

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


Alors que les négociations sur le réchauffement climatique se poursuivent à Charm el Cheikh, que sait-on des envies et capacités de l’humanité à protéger la nature et assurer une transition écologique réussie dans les pays où elle vit ? Dans ce nouvel article qui fait suite à plusieurs autres sur le même sujet, nous allons aborder les comportements durables à travers le prisme des religions et des rapports qu’elles ont institués entre Dieu, la nature et les hommes. On appelle cela : l’éco-théologie.
La tentative est audacieuse et risquée mais elle constitue un moyen complémentaire de comprendre la complexité de l’humain et les sensibilités de la population qui vous concerne : les touristes.


Rédigé par le Jeudi 17 Novembre 2022

Les religions asiatiques estiment que l’homme n’occupe aucune place prépondérante dans la nature. Il n’est qu’une créature vivante parmi l’ensemble de la chaîne du vivant. -  Depositphotos.com Auteur Dirima
Les religions asiatiques estiment que l’homme n’occupe aucune place prépondérante dans la nature. Il n’est qu’une créature vivante parmi l’ensemble de la chaîne du vivant. - Depositphotos.com Auteur Dirima
Dès que l’on touche au religieux, on met le doigt dans la complexité de l’être humain. Néanmoins, évoquer les relations de l’homme avec la nature sans la contribution du religieux ne serait pas sérieux. Certes, le sujet mériterait une analyse très approfondie des grandes religions et de leurs évolutions au sein des sociétés modernes.

Il devrait aussi prendre en compte le degré de religiosité des populations d’une manière générale et touristiques en particulier. Il faudrait aussi prendre en compte la situation des différentes destinations touristiques.

Mais, grosso modo et pour faire simple, retenons que d’une part les religions judéo chrétiennes considèrent la création comme une œuvre confiée par Dieu à l’homme pour qu’il en soit le gérant.

Tandis que les religions asiatiques à l’inverse, estiment que l’homme n’occupe aucune place prépondérante dans la nature. Il n’est qu’une créature vivante parmi l’ensemble de la chaîne du vivant dont tous les membres sont interdépendants et se doivent un respect mutuel.


Le christianisme donne tout pouvoir aux humains

Plus précisément, religion par religion, que dit-on ? Selon les chrétiens, Dieu a donné la nature à l’homme pour qu’il s’en serve comme d’un don de Dieu. Ce qui expliquerait que nos sociétés occidentales, majoritairement chrétiennes n’aient eu aucun scrupule à manipuler la nature, à puiser dans ses ressources, à la domestiquer, voire à l’asservir.

Une attitude qualifiée également de « prométhéenne » en référence à un héros de la mythologie grecque (dont s’inspire le christianisme), capable de prendre le pouvoir sur la nature grâce à ses capacités à utiliser la force du feu. Et qui n’est pas compatible avec les notions de durabilité, de respect et de protection que l’on tente aujourd’hui d’inculquer à nos populations.

Néanmoins, sentant le vent tourner, l’Eglise a pris le sujet en mains et affirmé son souci écologique dès la proclamation de Saint François d’Assise comme patron des écologistes par le pape Jean Paul II en 1979.

Puis, quarante ans plus tard, ce fut au tour de l’encyclique Caritas in veritate de Benoît XVI d’affirmer l’engagement de l’Église, et plus généralement de toute la chrétienté dans la protection de la nature.

A partir de là, une véritable « conversion » s’est opérée à tel point que les chrétiens aujourd’hui se mobilisent pour le climat un peu partout dans le monde. Ainsi, le 12 novembre dernier, ils étaient nombreux place du Panthéon et devant Notre Dame à Paris…

Le protestantisme : simplicité et austérité

Réforme du christianisme, le protestantisme est sur les mêmes positions. Mais, ces multiples avatars notamment sur le continent nord-américain ont plutôt plaidé pour une fusion avec la nature.

Ainsi, le mouvement littéraire et spirituel qui se développa au milieu du 19eme siècle, connu sous le nom de transcendantalisme, développa l’idée selon laquelle homme et nature devaient faire cause commune face à la puissance divine.

Des écrivains emblématiques comme Walt Whitman ou Emerson et surtout H.D Thoreau, auteur de « Walden ou la vie dans les bois », considérant la civilisation comme source de corruption et de gaspillage invitèrent-ils à se réfugier dans la nature pour renouer avec des valeurs essentielles à travers une vie simple et frugale.

Influencé par le bouddhisme, ce mouvement inspira beaucoup le mouvement hippie et l’ensemble des partisans d’une rupture avec la débauche industrielle et ses ravages sur la nature.

Le Judaïsme : « Ne détruit pas la terre »

A priori, rien n’est plus éloigné des préoccupations écologiques que les textes bibliques, confirme le spécialiste du sujet D.I. Haziza. « La Bible a en effet la réputation d’avoir muselé l’appel de la nature, et le Dieu transcendant dont elle parle, ne se ressent ni dans les bosquets ni dans les arbres, comme parmi les peuples païens que côtoyaient les Hébreux aux débuts du christianisme.

A croire que la Bible et les Hébreux seraient presque responsables du désintérêt ultérieur pour la nature, si ancré en Occident
» poursuit le chercheur.

Pour autant, dans une religion où tout est sujet à discussion, la Bible estime que la terre est sainte et qu’il est interdit par Dieu de la détruire.

Expulsé du Jardin d’Éden, même Adam devenu paysan devra la respecter. Si écologie il y a, on voit bien que c’est donc une écologie « anthropocentrée » plutôt que bio centrée. D’ailleurs, si l’homme doit protéger la nature, un autre spécialiste du judaïsme remarque que c’est souvent pour prévenir l’humanité et son peuple élu de dangers imminents.

L’Islam : le paradis d’Allah au cœur de la relation

Issu du judaïsme et du christianisme, l’Islam considère comme dans la Bible que la notion de nature n’existe pas. Dans le Coran, la nature est assimilée à la notion de création.

Ainsi perçue, la nature est une grâce et un don divin qui ont été offerts à l’homme pour sa jouissance et son bénéfice.

Dès lors, les humains peuvent s’émerveiller sur cette œuvre de Dieu traduite en images par le « paradis d’Allah » et sa profusion de richesses, fleurs, rivières, sources, arbres... Mais, il ne peut y toucher.

Selon certains auteurs, le Coran propose de nombreuses réponses aux questions écologiques actuelles. Plus de trois cents versets ont un rapport direct avec ce thème du respect de la Création sous toutes ses formes. Dès la sourate « La Vache », l’exhortation commence : « Mangez et buvez des dons que Dieu vous a octroyés ; ne semez pas le trouble sur la Terre ! »

Une autre sourate enchaîne : « Nulle bête rampant sur terre, nul oiseau volant de ses ailes, qui ne vive en société à l’instar de vous-mêmes. Et nous n’avons rien omis dans le Livre éternel. Puis c’est vers leur Seigneur qu’ils feront tous retour. »

Le bouddhisme : la nature source de bonheur inépuisable

Voyons maintenant plus en détails les croyances véhiculées par les religions asiatiques, notamment : le Bouddhisme. Pour le bouddhiste, la nature bien traitée, peut se révéler une ressource inépuisable pour l’homme dont celui-ci se sent responsable.

Il faut donc la respecter et la protéger en pensant aux autres. Une attitude d’autant plus stricte que le bouddhiste s’engage à ne pas voler ce qui appartient à autrui.

De plus, le bouddhiste considère que le bonheur nait d’un respect de l’environnement et d’une certaine frugalité. Le bouddhiste est sensible aux problèmes environnementaux notamment à ceux de la surconsommation et de la pollution.

Aussi, il essaie d’aider autrui, par sa façon de vivre, à adopter des comportements respectueux de la nature et des êtres humains. Il n’hésite pas à partager ses connaissances et à se faire persuasif. Il croit que c’est par l’éducation et non par la confrontation qu’on en arrive à éveiller chez les autres la conscience environnementale.

L’hindouisme : une relation de partenariat

Enfin est surtout : proche de la pensée bouddhiste qui en est issue, l’hindouisme considère que ses adeptes ont toujours été proches de la nature, vénérant rivières, montagnes et forêts et considérant la terre comme une déesse mère. D'après la philosophie hindoue, l'univers et tout ce qu'il contient est conscient. En brillant, le soleil, la lune et les étoiles nous transmettent leur conscience et des êtres invisibles remplissent l'espace entre eux et nous.

Il convient donc de ne pas déranger et perturber une cohabitation harmonieuse avec tous les éléments naturels. Notamment les arbres.

En fait, à la base de cette relation exceptionnelle entre homme, dieux et nature se trouve la croyance que plantes et animaux ont le droit de vivre et que la société humaine qui dépend d'eux pour sa survie et sa prospérité doit donc les protéger.

Pour illustrer ces croyances, notons qu’une religion dérivée de l’hindouisme, le jaïnisme, pousse la croyance des adeptes jusqu’à balayer devant eux pour éviter de piétiner la moindre espèce vivante !

Taoïsme et confucianisme : en quête du « grand équilibre »

Enfin, basées sur des principes d’harmonie et d’ordre universel, ces deux religions prônent l’équilibre entre toutes les forces présentes dans le Cosmos. Dans le taoïsme, l'homme ne doit donc pas manifester la moindre prétention à la domination de la nature. Au contraire, il doit s'insérer dans l'ordre universel et chercher l'équilibre dans la nature.

Confucius pour sa part avait aussi le souci d'organiser le monde des hommes de façon à ce qu'il s'harmonise avec le cosmos.

Considérant l'homme comme produit de la nature, sa philosophie se compose d’une somme de conseils pragmatiques à caractère conservatoire, « élaborés en tenant compte de la triade ciel-nature-hommes »…

L’éco théologie a-t-elle un avenir ?

… On le voit, les divergences des grandes religions par rapport à la « création » et le vivant, sont nombreuses. Toutes n’ont pas la même conception des liens entre homme, Dieu et nature.

Si bien que le discours écologique ne peut avoir la même influence sur tous les humains qu’ils soient très religieux ou simplement imprégnés d’une « vague » culture religieuse.

Alors que les Asiatiques pourraient se montrer spontanément bienveillants par rapport à leur environnement et convaincus de la nécessité de préserver et économiser ressources et environnement, les chrétiens seront sans doute plus longs à se départir de leur arrogance. Et cela, malgré un discours contraire.

Il était donc peut-être osé d’aborder ainsi l’implication religieuse sur la sensibilité écologique. Mais, il me semble que celle-ci existe et se confirmera. Il me semble aussi qu’aucune piste ne doit être délaissée quand il s’agit de mieux comprendre ses clientèles.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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