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Les « croisières à la cabine » : quel régime TVA ?

La chronique de Nathalie Habibou, avocat spécialisé en TVA et taxes indirectes


Dans une décision récente du 9 avril 2019, la Cour administrative d’appel de Versailles (la Cour) est venue préciser que les croisières commercialisées à la cabine ne peuvent pas être qualifiées de prestations d’affrètement ou de location de navires de commerces mais doivent être qualifiées de prestations de transport de voyageurs.


Rédigé par Nathalie Habibou le Jeudi 18 Juillet 2019

La Cour administrative d’appel s’est donc attardée à vérifier si l’activité exercée par la Société pouvait ou non être qualifiée de prestation d’affrètement ou de location de navires de commerce ou à défaut devait être qualifiée de prestation de transport de voyageurs - Depositphotos.com kshatry
La Cour administrative d’appel s’est donc attardée à vérifier si l’activité exercée par la Société pouvait ou non être qualifiée de prestation d’affrètement ou de location de navires de commerce ou à défaut devait être qualifiée de prestation de transport de voyageurs - Depositphotos.com kshatry
Cette affaire concerne la société Catlante Catamarans (la Société) ayant pour activité la commercialisation de croisières à la cabine dans des catamarans (lui appartenant) auprès du grand public ou par l’intermédiaire de tours opérateurs.

La Société a considéré que :
(i) son activité était exonérée de TVA au sens de l’article 262, II, 2° du code général des impôts (CGI) en considérant qu’elle consistait en la location de bateau de commerce maritime.

(ii) si tel n’est pas le cas et que l’activité est considérée comme taxable, la Société considère que seule 50% de son activité doit être considérée comme taxable du fait du temps passé en dehors des eaux territoriales françaises (BOI-TVA-CHAMP-20-50-30-20180801 n°40).

L’administration fiscale a rejeté cette position et a considéré que l’intégralité de l’activité consistait en la réalisation de prestations de transport de voyageurs soumises à la TVA.

La Cour administrative d’appel s’est donc attardée à vérifier si l’activité exercée par la Société pouvait ou non être qualifiée de prestation d’affrètement ou de location de navires de commerce ou à défaut devait être qualifiée de prestation de transport de voyageurs.

Tout l’enjeu de cette qualification est l’application ou non d’une exonération de TVA.

Selon la Cour, les croisières à la cabine ne constituent pas des prestations d’affrètement ou de location de navires de commerce

Par principe, l’article 262, II 2° du CGI prévoit une exonération de TVA sur les locations et affrètement de navires de commerce maritime affectés à la navigation en haute mer.

En reprenant le considérant posé par la Cour de Justice de l’Union européenne, la Cour rappelle que le contrat d’affrètement implique de la part d’une personne, le fréteur, la mise à disposition d’une autre personne, l’affréteur, de toute ou partie d’un navire.

Au cas particulier, il apparaît que la croisière en cabine commercialisée comprend :

  • La croisière d’une durée d’une à deux semaines

  • Un bateau à voiles doté d’un équipage

  • Les prestations d’hébergement et de restauration

En pratique, les croisières sont réalisées le long des côtes avec des escales dans des ports et des mouillages réguliers. Il en ressort que les clients réservent une ou plusieurs cabines et obtiennent une carte d’embarquement au titre de laquelle ils se font facturer les prestations.

La Cour considère ainsi que la Société propose une offre prédéfinie de croisières en déterminant la durée, les modalités, les escales et la destination. En outre, elle en assure la maîtrise du déplacement et s’engage à rendre les services mentionnés sans mettre à disposition toute ou partie du navire.

De même, le fait que l’itinéraire choisi afin d’atteindre la destination n’était pas précis mais pouvait faire l’objet de modifications ponctuelles en raison des conditions météorologiques ou des attentes des passagers ne permet pas de qualifier l’opération de location de navires de commerce.

Selon la Cour, les croisières à la cabine réalisées dans les eaux françaises constituent des prestations de transport de voyageurs

Le traitement TVA applicable aux opérateurs effectuant des croisières peut être source de discussions avec l’administration fiscale.

En effet, il n’existe pas de définition juridique de la « croisière » en tant que telle. Néanmoins, l’article 3 du Règlement (UE) n° 1177/2010 précise notamment que constitue un « contrat de transport, un contrat entre un transporteur et un passager en vue de la fourniture d’un ou de plusieurs services de transport de passagers ou de croisières ».

Il résulte de ces dispositions que les croisiéristes qui utilisent leurs moyens propres sont considérés comme des transporteurs de voyageurs.
D’un point de vue réglementaire, les croisières constituent des contrats de transport.

Par principe, tout contrat par lequel un prestataire s'oblige, à titre principal, à transporter par mer ou par fleuve, sur un trajet défini par lui, un voyageur, constitue une prestation unique de transport. Ainsi, les croisières et excursions maritimes ou fluviales sont considérées comme constituant, dans leur ensemble, des prestations uniques de transport.

Au cas particulier, comme le soulève la Cour, la Société propose une offre prédéfinie de croisières en déterminant la durée, les modalités, les escales et la destination.

Dès lors que la Société n’était pas en mesure de démontrer, notamment sur la base de contrats, que tel n’est pas le cas, la prestation rendue doit être qualifiée de croisière et donc de prestation de transport de voyageurs.

Au cas particulier, la lecture des contrats n’a pas permis de considérer que les prestations rendues pouvaient être qualifiées de prestations d’affrètement ou de locations de navires de commerce. Néanmoins, on ne peut exclure que la position aurait été différente dans l’hypothèse où les contrats ainsi que les conditions générales de vente permettaient de soutenir la position de la Société.

En tirant les conclusions de cette qualification de prestation de transport de voyageurs, la Cour précise que les prestations de transport de passagers sont situées en France et donc soumises à la TVA française en fonction des distances parcourues en France.

Dès lors que les croisières concernées par le présent litige étaient principalement réalisées dans les eaux territoriales françaises, la Cour ne s’est pas posée la question et ne s’est pas prononcée sur le traitement TVA applicable aux croisières internationales.
Cette affaire devra être à suivre si un pourvoi est formé …

Nous profitons de cette chronique pour souhaiter à toutes les lectrices et tous les lecteurs un très bel été !

Nathalie Habibou - DR
Nathalie Habibou - DR
Nathalie HABIBOU

Avocat au Barreau de Paris, spécialisé en TVA et Taxes indirectes, au sein du cabinet Arsene. Depuis 11 ans, elle accompagne au quotidien les clients français et étrangers, en conseil comme en contentieux, notamment dans le secteur du tourisme (tour-opérateurs, croisiéristes, agences, prestataires de loisirs, start-ups, etc.).

Arsene est le premier cabinet d’avocats indépendant, exclusivement spécialisé en fiscalité. Fondateur du réseau international Taxand, Arsene est depuis 2004 un acteur incontournable du conseil fiscal sur mesure.

www.arsene-taxand.com

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