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Guadeloupe : "Nous devons éviter l'effondrement de l'économie touristique"

Sur la situation en Gaudeloupe : interview de Patrick Vial Collet -


La Guadeloupe est revenue sur le devant de la scène médiatique, non pas pour une flambée de l'épidémie, mais plutôt de violence. Depuis quelques jours, certains axes routiers de l'île sont paralysés, par des barrages et des pillages ont lieu. La situation est proche du chaos. Alors que la haute saison approche, soit l'hiver pour la métropole, les professionnels du tourisme craignent de nouvelles semaines compliquées. Nous avons échangé avec Patrick Vial Collet, président de la Chambre de commerce de la Guadeloupe et Jean-Michel Penchard, le président de Penchard Voyages.


Rédigé par le Mercredi 24 Novembre 2021

TourMaG.com - Pour commencer, quelle est la situation en Guadeloupe aujourd'hui (24 novembre 2021, à 13h en métropole) ?

Patrick Vial Collet :
Les images parlent d'elles-mêmes, mais il y a un décryptage à faire au-delà de celles-ci.

Durant la journée, nous avons des blocages d'un certain nombres de voies, ce qui rend difficile l'activité économique, la livraison des marchandises et la libre circulation de l'ensemble des Guadeloupéens, y compris des touristes.

Difficile, mais pas impossible.


Puis la nuit, nous subissons des attaques de pilleurs et casseurs, ils s'en prennent aux commerces dans certains centres-villes. Malgré tout, depuis deux jours, nous assistons à une baisse significative de ces pillages.

La nuit dernière (de mardi à mercredi, ndlr) a été plus calme, pour autant les barrages subsistent.

A noter, que dans les autres îles de la Guadeloupe, comme Marie-Galante, la Désirade ou Petite-terre, il n'y a ni barrage, ni couvre-feu. Tout y fonctionne normalement.

Guadeloupe : "si les actions devaient perdurer, pour les fêtes de fin d'année ce sera plus compliqué"

TourMaG.com - Quel est l'impact de ce chaos sur l'activité touristique ?

Patrick Vial Collet :
Pour les clients présents sur place, très peu ont décidé de rentrer plus tôt que prévu. S'il y en a eu, ce n'est pas significatif.

En début de semaine, nous avions encore des arrivées et peu d'annulations, depuis mardi 23 novembre les choses s'accélèrent un peu. Nous enregistrons quelques annulations, pour les jours à venir, sans que pour le moment ce soit catastrophique.

Après nous, suivons la situation de jour en jour, car la dynamique s'accentue.

Si nous devions trouver une sortie de crise dans la semaine, les conséquences seront contenues. Par contre, si les actions devaient perdurer, alors pour les fêtes de fin d'année, cela sera plus compliqué.

Nous pouvons imaginer que les voyageurs se détourneront de la Guadeloupe pour trouver une autre destination.

TourMaG.com - Les récentes annonces du Premier ministre peuvent-elles calmer les esprits ?

Patrick Vial Collet :
En réalité, nous avons trois conflits.

Le plus dur, la nuit avec des pilleurs et des gangs qui profitent de l'occasion pour casser les boutiques et en découdre avec les forces de l'ordre. La journée, il y a un autre mouvement avec les barrages, ce conflit est appuyé par des personnes un peu plus en marge de la société.

Ils agissent sous couvert d'un mouvement social qui n'en est pas un, selon moi.

Pour terminer, il existe un 3e conflit, celui des pompiers et des soignants. Ils manifestent contre l'obligation vaccinale et le pass sanitaire. Le problème étant qu'ils n'ont plus de salaire, à partir du moment, où ils sont suspendus, car non vaccinés.

Ils réclament que le gouvernement enlève l'obligation vaccinale et la remplace par des tests quotidiens. Ils veulent aussi choisir leurs vaccins, le plus souvent non ARN, pour ceux qui souhaitent être vaccinés.

Autant pour les 2 premiers groupes, il n'est pas possible de trouver des solutions, ni négocier avec eux. Ces conflits sont du ressort de l'Etat de droit.

Pour les pompiers et les agents hospitaliers, c'est aux employeurs de trouver des solutions.

Guadeloupe : "je considère que nous ne sommes plus dans un Etat de droit"

"Si nous devions trouver une sortie de crise dans la semaine, les conséquences seront contenues. Par contre, si les actions devaient perdurer, alors pour les fêtes de fin d'année, cela sera plus compliqué" selon Patrick Vial Collet - DR
"Si nous devions trouver une sortie de crise dans la semaine, les conséquences seront contenues. Par contre, si les actions devaient perdurer, alors pour les fêtes de fin d'année, cela sera plus compliqué" selon Patrick Vial Collet - DR
TourMaG.com - Pour vous, il n'y a aucun conflit social en Guadeloupe ?

Patrick Vial Collet :
Le seul pour moi est celui des soignants et des pompiers, car il y a une revendication. Nous parlons là du secteur public.

Dans le secteur privé, nous pouvons considérer qu'il n'y a quasiment pas de grévistes. Au sein des entreprises, l'obligation vaccinale n'existe pas, il est possible de faire un test pour aller travailler.

Nous avons tout de même un problème à soulever : les restaurants sont obligés de vérifier le pass sanitaire, mais puisque peu de personnes sont vaccinées, cela réduit de plus de la moitié la clientèle et donc le nombre de Guadeloupéens en mesure de se rendre dans un restaurant.

Les restaurateurs souhaitent un aménagement de ce dispositif, en attendant l'augmentation de la vaccination.

TourMaG.com - La problématique de la défiance des Guadeloupéens vis-à-vis de la vaccination est réelle et l'Etat n'arrive pas à la régler.

Patrick Vial Collet :
Il y a toujours eu une certaine défiance dans les Outre-mer envers l'Etat. Les gens se soignent beaucoup avec des remèdes naturels, puis vous avez aussi le scandale sanitaire avec le "chlordécone".

Ce pesticide interdit partout dans le monde, son utilisation a été prolongée par la France, alors que nous avons le plus haut taux dans le monde de cancers de la prostate.

La méfiance sur la transparence des décisions de l'Etat se traduit par une faiblesse de la vaccination, à cela vous rajoutez les fake news sur les réseaux sociaux et certaines maladresses de communication du Gouvernement.

Il a affirmé que la vaccination permettait de ne pas transmettre le virus, c'est faux. Par contre le vaccin limite les formes graves,donc évite de nous priver de nos libertés fondamentales.

J'ai un vrai, vrai problème avec ceux qui mettent en cause la vaccination. Ils défendent la liberté, mais ne pas se faire vacciner provoque la restriction des libertés.

Guadeloupe : "l'Etat doit sauver quoi qu'il en coute l'économie des outre-mer"

TourMaG.com - Demandez-vous à l'Etat de faire plus par rapport à la situation actuelle ?

Patrick Vial Collet :
J'appelle l'Etat à rétablir l'ordre. Il doit se donner les moyens pour que la population puisse à nouveau circuler, que l'Etat de droit soit rétabli.

Je considère que nous ne sommes plus dans un Etat de droit, puisqu'il y a des zones de non-droit, avec ces barrages. Il va falloir trouver des solutions adaptées pour les personnels soignants et les pompiers.

Il y a une contestation et un doute, mais cela ne justifie pas le blocage de l'économie et le pillage des commerces.

TourMaG.com - L'industrie touristique pourra-t-elle se permettre de revivre une 2e haute saison blanche ou du moins escamotée ?

Patrick Vial Collet :
Il y a 20 mois, au début de la crise sanitaire, je vous aurais dit qu'aucune destination touristique ne peut survivre à ça. Je ne ferais pas de pronostic.

En réalité, l'Etat a été le Samu des entreprises. Il n'a pas sauvé, mais a empêché de mourir. Les outils utilisés pour soigner durant cette crise sanitaire ne sont pas à la hauteur de la maladie.

Nous avons eu des PGE et toutes sortes de prêts, mais sur des durées trop courtes, par rapport à la durée de la crise sanitaire. Il faudra nécessairement allonger la durée de remboursement et avoir des différés liés aux impacts de la crise.

Des dettes fiscales et sociales devront être prorogées au maximum. Nous devons éviter l'effondrement de la première économie guadeloupéenne, à savoir le tourisme, et sauver quoi qu'il en coute l'économie des outre-mer.

S'il y a un effondrement, cela coutera beaucoup plus cher socialement à l'Etat.

Guadeloupe - Témoignage de Jean-Michel Penchard, président de Penchard Voyages

"Les barrages sont installés sur la quasi-totalité des grands axes. De Basse-Terre il est par exemple impossible de rejoindre l'aéroport par la route. Il y a 3 ou 4 barrages. Il faut passer par la mer. Des bateaux font le trajet pour amener les voyageurs prendre leur avion.

Pour nos agences de voyages, l'activité est complètement à l'arrêt. 3 de nos agences sont actuellement totalement en télétravail, la 4e sur Basse-Terre où la situation est plus calme ouvre uniquement le matin.

L'activité est quasi-nulle alors qu'en octobre nous avions retrouvé 50% de notre chiffre d'affaires de 2019, ce qui n'était pas arrivé depuis le début de la crise. Et depuis 10 jours, l'activité a complètement plongé.

Pourtant nous avons vu une reprise du trafic aérien, et une grande proportion de touristes à bord des avions. En ce moment ce n'est pas très agréable pour eux.

Ceux qui viennent pour plusieurs mois prennent leur mal en patience, d'autres qui sont sur des séjours plus courts restent autour de la zone de leur hôtel. Malheureusement ils ne peuvent pas découvrir l'île.

Je ne pense pas que la situation va se rétablir dans les jours qui viennent, le Gouvernement a pris une décision ferme. 89% du personnel soignants sont vaccinés et ce ne sont pas les 11% n'ont vacciné qui vont changer les textes de loi. Dans certaines cliniques, le personnel est vacciné à 100%.

Quelque part c'est un échec pour les syndicats. Mais nous voyons bien que ceux qui barrent les routes ont d'autres revendications.

La situation va progressivement rentrer dans l'ordre. C'est en tout cas mon espoir, sinon ce sera catastrophique pour la saison touristique et tout un pan de l'économie sera en danger.

Lorsque nous regardons les 33 points de revendication des syndicats dont l'abrogation du passe sanitaire, leur posture est jusqu'au-boutiste. Il faut espérer que la raison reviendra et que la volonté de négocier va trouver son aboutissement.
"

C.E.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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