Futuroscopie - Vous êtes un spécialiste des musées : sur le plan quantitatif va-t-on vers un "plus de musées" ou des vers une diminution et des fusions ?
JM Tobelem : A l’échelle mondiale, le nombre de musées va progresser dans les régions les moins bien pourvues à ce jour, comme en Afrique ; ou bien dans celles qui se fixent des objectifs élevés de création de nouveaux établissements, comme en Chine ou au Moyen-Orient.
Dans les régions « matures » (Europe, Japon, Russie, Australie…), le nombre de musées en revanche ne devrait progresser que faiblement. D’une part, à cause de la crise économique et financière, mais aussi parce que nombre de pays sont à présent bien équipés de musées dans le domaine de l’art, de l’histoire naturelle, de l’archéologie, de l’ethnographie, de l’histoire ou de l’art contemporain ; avec il est vrai des possibilités de création dans le domaine de la science ou des lieux d’interprétation et de valorisation du patrimoine scientifique et technique.
La situation est enfin très différente dans des pays tels que les Etats-Unis d’Amérique ou le Royaume-Uni, où l’on annonce de nombreuses fermetures, faute d’un soutien public suffisant.
Futuroscopie - La France est-elle bien placée ou est-elle devancée ?
JM Tobelem : La France quant-à-elle est bien placée, primo en raison de la forte densité d’établissements, deuxio parce que les programmes de rénovation vont probablement se poursuivre, et tertio parce que le système institutionnel laisse à penser que la plupart des établissements pourront survivre ; du moins ceux qui n’étaient pas déjà menacés de fermeture en raison du manque d’intérêt des collections ou du nombre trop réduit de visiteurs.
Ce sont en particulier les musées associatifs qui risquent de souffrir. Tout comme certains musées privés qui ne sont pas soutenus par des fondations prospères.
JM Tobelem : A l’échelle mondiale, le nombre de musées va progresser dans les régions les moins bien pourvues à ce jour, comme en Afrique ; ou bien dans celles qui se fixent des objectifs élevés de création de nouveaux établissements, comme en Chine ou au Moyen-Orient.
Dans les régions « matures » (Europe, Japon, Russie, Australie…), le nombre de musées en revanche ne devrait progresser que faiblement. D’une part, à cause de la crise économique et financière, mais aussi parce que nombre de pays sont à présent bien équipés de musées dans le domaine de l’art, de l’histoire naturelle, de l’archéologie, de l’ethnographie, de l’histoire ou de l’art contemporain ; avec il est vrai des possibilités de création dans le domaine de la science ou des lieux d’interprétation et de valorisation du patrimoine scientifique et technique.
La situation est enfin très différente dans des pays tels que les Etats-Unis d’Amérique ou le Royaume-Uni, où l’on annonce de nombreuses fermetures, faute d’un soutien public suffisant.
Futuroscopie - La France est-elle bien placée ou est-elle devancée ?
JM Tobelem : La France quant-à-elle est bien placée, primo en raison de la forte densité d’établissements, deuxio parce que les programmes de rénovation vont probablement se poursuivre, et tertio parce que le système institutionnel laisse à penser que la plupart des établissements pourront survivre ; du moins ceux qui n’étaient pas déjà menacés de fermeture en raison du manque d’intérêt des collections ou du nombre trop réduit de visiteurs.
Ce sont en particulier les musées associatifs qui risquent de souffrir. Tout comme certains musées privés qui ne sont pas soutenus par des fondations prospères.
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Futuroscopie - Quels pays ont pris des tournants muséographiques intéressants et quels sont ces tournants ?
JM Tobelem : La capacité d’innovation est assez bien répartie dans le monde ; mais l’on peut noter que les pays anglo-saxons ont parfois une approche intéressante en termes d’intégration sociale et d’accès relativement « décontracté » aux collections, là où en France domine parfois une vision plus sacralisée des musées et par conséquent plus intimidante à l’égard des publics peu familiers.
Sans compter une certaine méfiance bien réelle à l’égard des flux touristiques. A l’exception bien sûr des très grands musées qui en ont fait leur fonds de commerce.
En France, ce positionnement peut se traduire par l’attente d’un effort intellectuel prononcé de la part des visiteurs que tous ne sont pas prêts à faire, et par un intérêt quelquefois moindre pour les dispositifs de médiation et d’interprétation. Alors que ceux-ci restent pourtant indispensables à l’accueil de publics peu familiarisés avec les musées. De la même façon, les conservateurs français sont souvent plus réticents que leurs confrères scandinaves ou asiatiques, par exemple, à mettre l’accent sur le public des enfants et des familles, qui nécessite souvent des espaces spécifiques perçus dès lors comme venant concurrencer les espaces d’exposition.
Pour ce qui est du numérique, contrairement à ce que l’on croît parfois, les grands musées anglo-saxons en font un usage modéré, du moins dans les espaces d’exposition ; même si, par ailleurs, ils mobilisent davantage les outils numériques pour favoriser la relation avec les visiteurs à travers différents dispositifs : contenus en ligne, commentaires, crowdsourcing, diffusion des œuvres numérisées, démarches participatives, etc.
JM Tobelem : La capacité d’innovation est assez bien répartie dans le monde ; mais l’on peut noter que les pays anglo-saxons ont parfois une approche intéressante en termes d’intégration sociale et d’accès relativement « décontracté » aux collections, là où en France domine parfois une vision plus sacralisée des musées et par conséquent plus intimidante à l’égard des publics peu familiers.
Sans compter une certaine méfiance bien réelle à l’égard des flux touristiques. A l’exception bien sûr des très grands musées qui en ont fait leur fonds de commerce.
En France, ce positionnement peut se traduire par l’attente d’un effort intellectuel prononcé de la part des visiteurs que tous ne sont pas prêts à faire, et par un intérêt quelquefois moindre pour les dispositifs de médiation et d’interprétation. Alors que ceux-ci restent pourtant indispensables à l’accueil de publics peu familiarisés avec les musées. De la même façon, les conservateurs français sont souvent plus réticents que leurs confrères scandinaves ou asiatiques, par exemple, à mettre l’accent sur le public des enfants et des familles, qui nécessite souvent des espaces spécifiques perçus dès lors comme venant concurrencer les espaces d’exposition.
Pour ce qui est du numérique, contrairement à ce que l’on croît parfois, les grands musées anglo-saxons en font un usage modéré, du moins dans les espaces d’exposition ; même si, par ailleurs, ils mobilisent davantage les outils numériques pour favoriser la relation avec les visiteurs à travers différents dispositifs : contenus en ligne, commentaires, crowdsourcing, diffusion des œuvres numérisées, démarches participatives, etc.
Futuroscopie - Le musée de demain sera-t-il inexorablement un combiné de réalité et de virtuel ?
JM Tobelem : Le musée de demain sera encore davantage un… musée ! A savoir un lieu qui conserve des collections, même si la place des centres d’interprétation est essentielle. Autrement dit, le tout numérique pourrait très bien conduire à une valorisation encore plus prononcée du réel, du tangible, de l’unique et de l’authentique.
Comme l’a montré une enquête conduite depuis plusieurs années auprès d’étudiants, pourquoi voulez-vous que les jeunes gens – en particulier – privilégient les contenus numériques, alors que c’est précisément de quoi est déjà fait leur quotidien ?
Ne sont-ils pas plutôt à la recherche d’expériences singulières, de rencontres et d’échanges autour de pièces originales ? On en a du reste la confirmation dans le fait que la médiatisation de certaines œuvres (comme la Joconde ou les tableaux de Van Gogh, par exemple) renforce paradoxalement le désir de les voir « en vrai ».
Mais les musées vont devoir faire un effort pour être plus intéressants, attractifs, pédagogiques et participatifs pour ces visiteurs exigeants. La médiation numérique à elle seule ne suffit pas, comme le montrent les études conduites par le ministère de la Culture. A ce titre, des expériences telles que les « micro-folies » peuvent sembler intéressantes en tant qu’outils de médiation, mais elles paraissent sans portée réelle sur le processus de démocratisation de l’accès aux institutions culturelles.
JM Tobelem : Le musée de demain sera encore davantage un… musée ! A savoir un lieu qui conserve des collections, même si la place des centres d’interprétation est essentielle. Autrement dit, le tout numérique pourrait très bien conduire à une valorisation encore plus prononcée du réel, du tangible, de l’unique et de l’authentique.
Comme l’a montré une enquête conduite depuis plusieurs années auprès d’étudiants, pourquoi voulez-vous que les jeunes gens – en particulier – privilégient les contenus numériques, alors que c’est précisément de quoi est déjà fait leur quotidien ?
Ne sont-ils pas plutôt à la recherche d’expériences singulières, de rencontres et d’échanges autour de pièces originales ? On en a du reste la confirmation dans le fait que la médiatisation de certaines œuvres (comme la Joconde ou les tableaux de Van Gogh, par exemple) renforce paradoxalement le désir de les voir « en vrai ».
Mais les musées vont devoir faire un effort pour être plus intéressants, attractifs, pédagogiques et participatifs pour ces visiteurs exigeants. La médiation numérique à elle seule ne suffit pas, comme le montrent les études conduites par le ministère de la Culture. A ce titre, des expériences telles que les « micro-folies » peuvent sembler intéressantes en tant qu’outils de médiation, mais elles paraissent sans portée réelle sur le processus de démocratisation de l’accès aux institutions culturelles.
Toutefois, il reste paradoxalement des marges de progression dans la conquête à la fois des publics de proximité et des touristes, à travers un effort qui reste à accomplir dans l’affirmation de la singularité de chacun des musées et de leur positionnement spécifique. En effet, ce qui fait défaut à nombre d’institutions qui n’ont pas la notoriété des plus grands musées, c’est que le public peine souvent à discerner ce qui constitue leur spécificité, ce qu’elles présentent d’unique et ce qui fait que – ultimement – il serait dommage de passer à côté, en tant qu’habitant du territoire ou visiteur venant de plus loin.
Pour beaucoup, un musée de beaux-arts reste un musée de beaux-arts, comme on peut en trouver près de son domicile. Car, bien souvent, rien n’est dit sur les œuvres « phares » ou uniques que le musée est seul à posséder et qui pourraient pourtant motiver la venue de visiteurs occasionnels.
On renforcerait ainsi l’attractivité du musée – tout en luttant contre le phénomène bien connu de la procrastination – sans que cela se fasse pour autant au détriment du reste des collections ; et cela pour la raison évidente que pour en prendre connaissance, il faut déjà avoir pris la décision de franchir les portes du musée, ce à quoi peut précisément contribuer la mise en avant des « icônes » du musée.
Pour en revenir à la question du virtuel, au-delà des expériences proposées actuellement (lors de l’exposition de Vinci au Louvre ou celle consacrée à Pompéi au Grand Palais, qui étaient loin d’être convaincantes), il est peu probable que ces dernières s’imposent de façon durable dans les musées. Elles peuvent probablement apporter un complément bienvenu, notamment dans le domaine de l’histoire ou de l’archéologie, mais elles absorbent aussi des ressources humaines et financières précieuses.
Dès lors, on peut penser que le renforcement de l’accessibilité des musées passera au moins autant par le recours à des formes de médiation « classiques », et notamment dans le registre humain, qui reste irremplaçable. Il paraît donc temps de passer d’une vision orientée « outil » à une vision à caractère stratégique dans laquelle sera bien sûr réservée une place au numérique et au virtuel, mais de façon circonscrite et raisonnée.
A lire aussi : https://theconversation.com/debat-quelles-perspectives-pour-le-louvre-dapres-1484
Pour beaucoup, un musée de beaux-arts reste un musée de beaux-arts, comme on peut en trouver près de son domicile. Car, bien souvent, rien n’est dit sur les œuvres « phares » ou uniques que le musée est seul à posséder et qui pourraient pourtant motiver la venue de visiteurs occasionnels.
On renforcerait ainsi l’attractivité du musée – tout en luttant contre le phénomène bien connu de la procrastination – sans que cela se fasse pour autant au détriment du reste des collections ; et cela pour la raison évidente que pour en prendre connaissance, il faut déjà avoir pris la décision de franchir les portes du musée, ce à quoi peut précisément contribuer la mise en avant des « icônes » du musée.
Pour en revenir à la question du virtuel, au-delà des expériences proposées actuellement (lors de l’exposition de Vinci au Louvre ou celle consacrée à Pompéi au Grand Palais, qui étaient loin d’être convaincantes), il est peu probable que ces dernières s’imposent de façon durable dans les musées. Elles peuvent probablement apporter un complément bienvenu, notamment dans le domaine de l’histoire ou de l’archéologie, mais elles absorbent aussi des ressources humaines et financières précieuses.
Dès lors, on peut penser que le renforcement de l’accessibilité des musées passera au moins autant par le recours à des formes de médiation « classiques », et notamment dans le registre humain, qui reste irremplaçable. Il paraît donc temps de passer d’une vision orientée « outil » à une vision à caractère stratégique dans laquelle sera bien sûr réservée une place au numérique et au virtuel, mais de façon circonscrite et raisonnée.
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