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International SOS : "Nous entrons dans un contexte de permacrise" 🔑

L’interview d’Alexandre Mollet, Responsable SĂ©curitĂ© SĂ©nior chez International SOS.


Attaque du Hamas en IsraĂ«l, sĂ©isme au Maroc, enlisement de la Guerre en Ukraine, coup d'Ă©tat au Niger
 La situation gĂ©opolitique, sanitaire et climatique interroge sur la sĂ©curitĂ© des voyageurs d’affaires. Quelles prĂ©cautions faut-il prendre ? Alexandre Mollet, Responsable SĂ©curitĂ© SĂ©nior chez International SOS, partage ses recommandations.


Rédigé par le Vendredi 13 Octobre 2023

« L’avenir ne s’annonce pas particuliĂšrement radieux. Il y a beaucoup de points de tension Ă  surveiller », affirme Alexandre Mollet, Responsable SĂ©curitĂ© SĂ©nior chez International SOS. @internationalsos
« L’avenir ne s’annonce pas particuliĂšrement radieux. Il y a beaucoup de points de tension Ă  surveiller », affirme Alexandre Mollet, Responsable SĂ©curitĂ© SĂ©nior chez International SOS. @internationalsos
TourMaG.com – Quelle est la situation en IsraĂ«l ? Quelles sont vos consignes ?

Alexandre Mollet :
Non pas qu’elle Ă©tait imprĂ©visible, mais l’ampleur de cette crise est assez surprenante.

Pour les personnes présentes dans le sud, dans les zones affectées par les combats au sol, prÚs de la bande de Gaza, nous leur recommandons de se relocaliser dans le centre du pays, vers Tel Aviv par exemple. Idem pour celles dans le Nord, dans la zone frontaliÚre avec le Liban.

Pour celles qui se trouvent dans des espaces moins exposées, comme Tel Aviv et dans une moindre mesure Jérusalem ou autres centres urbains du pays, nous recommandons de minimiser les déplacements non essentiels.

Pour les personnes qui souhaitent se rendre en Israël ou continuer à opérer dans la région, nous recommandons de différer tous les déplacements.


Lire aussi : Attaque Israël : Quelles conséquences pour les voyageurs ?

TourMaG.com – Quelles sont les implications sĂ©curitaires dans le reste de la rĂ©gion ?

Alexandre Mollet :
Pour l’instant, nous ne sommes pas dans un scĂ©nario d’embrasement rĂ©gional, mais le Sud Liban est une zone qu’il faut nĂ©cessairement Ă©viter. Nous avons eu beaucoup de demandes au sujet du reste du Liban, de l’Egypte, de la Jordanie, de la Turquie.

Il y a deux risques accrus : le premier est celui de manifestations importantes. Il faut éviter les représentations diplomatiques israéliennes, voire occidentales.

Le second est un risque, plus isolĂ© mais crĂ©dible d’attaques ciblĂ©es sur certains voyageurs : les ressortissants IsraĂ©liens ou les personnes pouvant ĂȘtre assimilĂ©es. Il y a eu un incident Ă  Alexandrie dimanche, oĂč deux touristes IsraĂ©liens ont Ă©tĂ© abattus par un policier. Cela illustre le risque de la montĂ©e d’une menace antisĂ©mite dans les pays qui manifestent pour les militants palestiniens.


TourMaG.com – Aviez-vous anticipĂ© ce conflit ?

Alexandre Mollet :
C’est une rĂ©gion que nous surveillons d’assez prĂšs. DerniĂšrement, le climat de tension Ă©tait plus Ă©levĂ© qu’à l’accoutumĂ©e, de par l’intensification de la politique israĂ©lienne de colonisation au cours de l’annĂ©e.

Il y a une rhĂ©torique anti-gouvernementale qui est aussi de nature Ă  dĂ©stabiliser le pays, elle constituait une fenĂȘtre d’opportunitĂ©s pour des acteurs comme le Hamas. Nous avions Ă©galement identifiĂ© une intensification des actions des militants Palestiniens.

D’ailleurs, nous avions envoyĂ© une Ă©quipe en juin, pour revoir nos partenaires de sĂ©curitĂ© sur place et se rendre dans plusieurs reprĂ©sentations diplomatiques, afin de rĂ©cupĂ©rer des renseignements, auditer des hĂŽtels sĂ©curisĂ©s et identifier des routes praticables, afin d’avoir une vision concrĂšte des enjeux logistiques et sĂ©curitaires.

Depuis le dĂ©but de ce nouvel Ă©pisode de crise, nous avons procĂ©dĂ© Ă  plus d’une dizaine d’évacuations. La grande majoritĂ© se sont limitĂ©es Ă  des transports terrestres. Nous avons relocalisĂ© des personnes prĂšs de la bande de Gaza vers le centre du pays. Nous avons rapatriĂ© des personnes de Cisjordanie, vers Tel Aviv oĂč ils ont pu prendre un avion pour quitter le pays, ou se rendre Ă  Amman par voie terrestre.

Nous sommes en train de monter une opĂ©ration aĂ©rienne depuis Tel Aviv. Nous ne sommes pas encore sur des Ă©vacuations de masse comme nous avons pu le voir dans d’autres crises, en revanche beaucoup d’entitĂ©s rĂ©flĂ©chissent Ă  la question. Nous avons suffisamment de demandes pour qu’affrĂ©ter des vols devienne une solution viable.

Le conflit peut durer. Il y a beaucoup d’inconnu. On peut s’attendre Ă  une invasion de la bande de Gaza par les forces de dĂ©fense IsraĂ©liennes. Mais il y a plusieurs paramĂštres Ă  prendre en considĂ©ration, notamment la prĂ©sence d’occidentaux et d’otages israĂ©liens, retenus sur place.


International SOS : 85% des appels reçus sont pour informer

TourMaG.com - Plus globalement, quelles sont les zones géographiques déconseillées à travers le monde ?

Alexandre Mollet :
Il y a énormément de zones à éviter, reparties sur tous les continents. Il est évident que se rendre en Ukraine, en Afghanistan ou encore au Sahel est déconseillé.

D’autres zones, moins connues, ont des niveaux de risque assez Ă©levĂ©s comme le Mexique. Sur l’entiĂšretĂ© du pays nous allons avoir trois niveaux diffĂ©rents selon les rĂ©gions. Certaines sont passĂ©es en risque Ă©levĂ© depuis le dĂ©but d’annĂ©e suite Ă  une augmentation de la criminalitĂ© due aux cartels. C’est liĂ© Ă  une modification des routes de la drogue vers l’AmĂ©rique du Nord dans le cadre du trafic de fentanyl.


TourMaG.com - De quoi ont besoin les voyageurs d’affaires ? Quel accompagnement leur proposez-vous ?

Alexandre Mollet :
Que ce soit pour le voyageur d’affaires ou le manager, ils vont d’abord rechercher de l’information, pour pouvoir insister sur la prĂ©vention.

Nous allons sensibiliser le voyageur aux risques auxquels il pourra faire face pendant son voyage et les rĂ©actions Ă  avoir en cas d’urgence. Nous allons Ă©galement le renseigner sur les capacitĂ©s de support que l’on peut apporter en cas de besoin. Nos Ă©quipes opĂ©rationnelles fonctionnent en 24/7.

Finalement, 85% des appels reçus sont pour informer, donner des conseils aux voyageurs internationaux. 15% sont des interventions et seulement 2% des évacuations.

Il y a une solution d’accompagnement plus stratĂ©gique Ă  la gestion de crise et la mise en place d’une politique suretĂ©.

Enfin, l’augmentation du bleisure nous oblige Ă  prendre en compte le loisir. L’employeur le prend en considĂ©ration.

Des interrogations concernant la Moldavie et le Kosovo

TourMaG.com - La notion de Duty of care s’est affirmĂ©e avec la pandĂ©mie. Avez-vous changĂ© votre façon de travailler ? Proposez-vous de nouveaux produits depuis la crise sanitaire ?

Alexandre Mollet :
IndĂ©niablement, il y a une prise de conscience de l’employeur sur le Duty of care. La pandĂ©mie a Ă©tĂ© un tournant. Il y a eu une conversion de certains rĂŽles dans les entitĂ©s. Les directeurs sĂ©curitĂ© sont devenus des directeurs de gestion de crise, les DRH ont eu des rĂŽles moteurs. Leur cadre d’intervention a changĂ© et nĂ©cessite de s’intĂ©resser d’un peu plus prĂšs Ă  la sĂ©curitĂ© de leurs collaborateurs.

La modification du rapport au travail suite à la pandémie a, à certains égards, changé le regard des collaborateurs sur le rÎle et les responsabilités des entreprises dans leur sécurité.

Aujourd’hui, les employĂ©s attendent de leurs employeurs qu’ils prennent soin et de leur santĂ© et de leur sĂ©curitĂ©.

La pandĂ©mie nous a Ă©normĂ©ment impactĂ©s. Nous avons mis en place de nouveaux services pour ĂȘtre en support des employĂ©s locaux. Par exemple, en Chine oĂč le confinement Ă©tait trĂšs dur, nous avons mis en place un support psychologique.

DĂ©sormais, nous la proposons Ă  chaque fois qu’une crise majeure Ă©clate. En Ukraine, lors de l’invasion, nous avons mis en place des lignes de support psychologique en langue Ukrainienne pour les locaux.


TourMaG.com - Comment Ă©volue la situation en Europe de l’Est depuis l’invasion de l'Ukraine par la Russie ?

Alexandre Mollet :
Le conflit s’inscrit dans la durĂ©e. Nous l’avons rapidement compris.

Les lignes de front bougent peu, les bombardements stratĂ©giques sur des infrastructures Ă©nergĂ©tiques et logistiques vont s’intensifier sur le territoire ukrainien.

La capacitĂ© de nuisance ukrainienne sur le territoire russe va s’amplifier elle aussi dans les zones frontaliĂšres. Nous notons de plus en plus d’incidents. Nous avons rĂ©haussĂ© le niveau de risque de certaines zones frontaliĂšres cĂŽtĂ© Russe.

Nous avons assez peu de demandes concernant la Russie. Elles sont plus importantes en Ukraine, oĂč nous aidons les entreprises Ă  reprendre une activitĂ© sur place.

Nous avons d’autres interrogations concernant la Moldavie, oĂč le conflit armĂ© n’est pas actif, mais peut reprĂ©senter une source d’inquiĂ©tude. D’autres points de tension en Europe de l’Est montrent une instabilitĂ© de la rĂ©gion, comme le Kosovo. Cela inquiĂšte certaines entitĂ©s qui n’avaient pas l’habitude d’ĂȘtre confrontĂ©es Ă  des problĂšmes de sĂ©curitĂ© en Europe.

"Les catastrophes naturelles sont un sujet de plus en plus récurrent"

TourMaG.com - Comment ĂȘtes-vous intervenus derniĂšrement suite au coup d’Etat au Niger ? LĂ  encore, que prĂ©conisez-vous ?

Alexandre Mollet :
Le coup d’Etat a entrainĂ© une instabilitĂ© politique assez importante et a mis en perspective un risque accru pour les occidentaux et plus particuliĂšrement les Français.

Cela a également posé des problématiques logistiques pour les sortir du pays. Nous avons mis en place une cellule de crise sur presque trois semaines.
Selon les rebondissements politiques, nous avons adaptĂ© nos process. Dans un premier temps nous avons pu sortir nos clients via des vols diplomatiques. Nous avons organisĂ© certaines sorties par voies commerciales sur une fenĂȘtre trĂšs courte, avant la fermeture de l’espace aĂ©rien.

Pour les clients encore sur place, nous avons mis en place une Ă©vacuation par voie terrestre, qui a Ă©tĂ© trĂšs complexe Ă  mettre en Ɠuvre, car le Sahel est une zone Ă  risque. Nous avons montĂ© deux liaisons, entre Niamey et Cotonou au Benin.

Aujourd’hui, il est difficile pour les Français de rester sur place. Nous n’avons plus de clients français, mais il reste des clients occidentaux.


TourMaG.com - Le séisme au Maroc nous rappelle que les risques liés aux catastrophes naturelles existent eux aussi.

Alexandre Mollet :
Les catastrophes naturelles sont un sujet de plus en plus rĂ©current. Si nous sensibilisons nos clients depuis toujours Ă  ces risques, nous mettons l’accent dessus depuis 5 ans car elles se sont intensifiĂ©es.

Par définition, elles sont imprévisibles. Il est difficile de mettre en place des moyens préventifs.

C’est un risque que l’on prend de plus en plus en considĂ©ration car nos clients comptent de plus en plus sur nous pour y rĂ©pondre.

"Nous entrons dans un contexte de permacrise"

TourMaG.com - Anticipez-vous d’autres risques dans les mois, annĂ©es Ă  venir ?

Alexandre Mollet :
L’avenir ne s’annonce pas particuliùrement radieux. Il y a beaucoup de points de tension à surveiller.

InĂ©vitablement, la crise israĂ©lienne est Ă  suivre. En Afrique, nous allons regarder l’intĂ©rĂȘt stratĂ©gique du Sahel et le repositionnement de certains acteurs internationaux dans cette zone.

Les points d’attention se multiplient. Je pense notamment Ă  la pĂ©ninsule corĂ©enne, aux tensions en mer de Chine, Ă  l’AzerbaĂŻdjan.

Les Jeux Olympiques à Paris vont eux aussi constituer un enjeu en termes de sécurité et de santé pour certains de nos clients.

Nous entrons dans un contexte de permacrise. Cela crĂ©e une vĂ©ritable problĂ©matique pour nos clients en termes de continuitĂ© d’activitĂ©. Par dĂ©finition, quand on est en gestion de crise, on se concentre dessus, en laissant de cĂŽtĂ© le reste, on se crĂ©e des angles morts sur le volet sĂ©curitaire.

Par exemple, en parallÚle du conflit en Israël, certains sont passés à cÎté du tremblement de terre en Afghanistan ou des élections au Liberia.


TourMaG.com – Quid du Covid ?

Alexandre Mollet :
Il est entrĂ© dans les mƓurs. Cela ne signifie pas qu’il ne crĂ©e plus de demande, mais il est devenu un problĂšme mĂ©dical classique. Il ne va plus nĂ©cessairement solliciter un rapatriement mĂ©dical, comme ça a pu ĂȘtre le cas pas le passĂ©.


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