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La périlleuse reprise des vols des compagnies françaises au départ d’Orly

La chronique de Christophe Hardin


Christophe Hardin revient pour TourMaG.com sur la réouverture de l'aéroport d'Orly il y a tout juste une semaine, le 26 juin 2020, qui pourrait se révéler bien plus périlleuse que ce que l'on pourrait penser, à la fois pour les compagnies aériennes et pour Aéroports de Paris.


Rédigé par Christophe HARDIN le Vendredi 3 Juillet 2020

Ouverture d'Orly le 26 juin : cette "entrouverture" est un compromis qui garantit a minima de limiter les pertes d’ADP - DR : C.H.
Ouverture d'Orly le 26 juin : cette "entrouverture" est un compromis qui garantit a minima de limiter les pertes d’ADP - DR : C.H.
Les vols au départ d’Orly ont repris dans un contexte encore très morose et plein d’incertitudes.

Bien sûr il y a eu, devant les micros et caméras (et derrière les masques), les sourires des passagers, des navigants qui retrouvent leurs avions.

Bien sûr il y a eu les jets d’eau des pompiers pour saluer le premier départ du matin.

Bien sûr il y a eu les discours plein de volontarisme des dirigeants des compagnies aériennes pour saluer le redémarrage des vols, mais, s’il faut se réjouir de la réouverture de l’aéroport d’Orly, le redémarrage se fait très doucement et les mois qui viennent devraient être difficiles pour l’ensemble des acteurs : les gestionnaires de la plateforme ainsi que les compagnies françaises qui y sont basées.

Pour le groupe ADP et au vu de la faiblesse du trafic qui perdure, l’ouverture d’Orly cet été était loin d’être une priorité.

L’aéroport de Roissy, qui tourne au ralenti était la solution pour regrouper l’ensemble des vols à l’arrivée et au départ de Paris.

C’était sans compter sur la colère des opérateurs à Orly* qui ne s’imaginaient pas redémarrer leurs vols en étant obligés de délocaliser leurs avions, leurs opérations, leurs personnels à CDG et qui firent rapidement savoir par courrier au Gouvernement qu’il était inenvisageable pour leur survie de maintenir la fermeture d’Orly au-delà du 26 juin.

Sous "l’amicale" pression du Secrétaire d’Etat aux transports Jean-Baptiste Djebbari, ADP a donc accepté d’ouvrir le terminal 3, le plus récent, inauguré en avril 2019.

Orly ne gère que 200 vols par jour, soit un tiers du trafic

Cette "entrouverture" est un compromis qui garantit a minima de limiter les pertes d’ADP dont le PDG, Augustin de Romanet, s’attend à ce qu’elles soient équivalentes à plus de 50% du chiffre d'affaires, soit deux milliards et demi pour l’année 2020.

Des chiffres impressionnants surtout si on se rappelle qu’avant la crise, ADP prévoyait d’accueillir tous les deux ans à Paris 9 millions de passagers supplémentaires, soit l’équivalent d’un aéroport de Marseille !

Et en ce mois de juillet, Orly ne gère que 200 vols par jour, soit le tiers de ce qui est prévu en temps normal.

Du coté des compagnies aériennes, après les belles images de la renaissance dans le soleil d’été sur Orly, l’inquiétude est encore bien présente.

Certes, Marc Rochet, président de French Bee et Air Caraïbes, nous confiait récemment reprendre les activités de ses compagnies avec "joie" et avec "un niveau satisfaisant de réservations".

Cependant et dans des cercles de conversation un peu plus restreints, il explique clairement quels peuvent être les effets dévastateurs d’un redécollage dans les circonstances actuelles.

Le redécollage, phase plus dangereuse que la période de sommeil

"La fermeture d’Orly nous a sonné comme un uppercut au foie. Il nous a fait mal mais au moins c’était un "one shot".

Dans cette phase de redécollage c’est plus dangereux. Nous n’avons pas de vue précise sur les coefficients de remplissage. En juillet nous perdrons encore de l’argent.

On ne peut pas en gagner avec une moitié des avions remplis autour de 60 à 70% et l’autre moitié des avions au sol.

Actuellement, nous réengageons des appareils, le pétrole, la maintenance sans savoir combien de temps va encore durer la crise, les restrictions, et si les clients vont revenir.

Le redécollage peut tuer des entreprises. C’est une phase beaucoup plus dangereuse que la période de sommeil où nous avions le chômage partiel, les avions au sol et pas de coûts variables."


Pascal de Izaguirre, le dirigeant de Corsair pointe lui aussi les motifs d’inquiétude pour sa compagnie et particulièrement l’impact très négatif de la crise sur les segments de clientèle chers à Corsair : le secteur des croisières, des hôtels clubs et des voyages en groupes.

Préoccupante également pour Corsair, une baisse certaine de la clientèle "affaires" dans les mois qui viennent alors que la compagnie avait investi dans le renouvellement de ses cabines "business".

Et comme si le virus ne suffisait pas, Corsair, French Bee et Air Caraïbes qui projettent de rajouter New York à leurs destinations long-courrier auront bien du mal à capter une bonne partie de la clientèle provinciale qui ne pourra plus, nouvelles mesures gouvernementales obligent, arriver à Orly.

Privés d’une arrivée directe sur la plateforme du sud de la région parisienne, les Rennais, les Bordelais, les Nantais entre autres auront la tentation de préférer New York via Londres ou CDG.

Mêmes difficultés pour La Compagnie et ses deux A321 neo neufs, dont New York est la seule destination et qui n’a toujours pas pu re-décoller.

Quant à Air France, à part les vols d’obligation de service public vers la Corse, elle a tout simplement tiré un trait sur Orly pour cet été, préférant regrouper l’ensemble de son trafic encore très faible sur CDG.

Seule sa filiale Transavia a repris ses vols mais avec des avions pour l’instant remplis aux deux tiers.

On le voit donc, Orly reprend vie peu à peu, mais le spectre d’un été meurtrier pour les compagnies aériennes françaises n’a pas tout à fait disparu.

* Air Caraïbes (Marc Rochet), Air Corsica (Luc Bereni), Amelia (Alain Regourd), Chalair (Alain Battisti), Corsair (Pascal de Izaguirre), French bee (Muriel Assouline), La Compagnie (Christian Vernet), Level (Jean François Morin) et Transavia France (Nathalie Stubler).

La périlleuse reprise des vols des compagnies françaises au départ d’Orly
Christophe Hardin a, à son actif, de nombreuses heures de vol en tant que personnel navigant commercial.

Il est adhérent à l'Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace (AJPAE) ainsi qu'à l'Association des journalistes du Tourisme (AJT).

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