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Paul-Henri Dubreuil (French Bee, Air Caraïbes) : "je m’éclate dans ce nouveau challenge" [ABO]

l'interview de Paul-Henri Dubreuil, PDG du Groupe Dubreuil


Paul-Henri Dubreuil, PDG du Groupe Dubreuil au sein duquel sont réunies French Bee et Air Caraïbes se fait discret dans la presse. À Montréal où il a accompagné le vol inaugural de French Bee depuis Orly, TourMaG s’est entretenu avec lui sur l’actualité du moment. Le poids très lourd des taxes, le nouveau schéma de gouvernance des deux compagnies aériennes qui semble figé après les turbulences, l’optimisation du réseau… et Corsair qui en prend pour son grade.


Rédigé par le Vendredi 9 Mai 2025

Paul-Henry Dubreuil à Montréal le 2 mai dernier - Photo : C.Hardin
Paul-Henry Dubreuil à Montréal le 2 mai dernier - Photo : C.Hardin
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Pas de jour férié pour Paul-Henri Dubreuil, Président-directeur général du groupe Dubreuil en ce week-end rallongé du 1er mai, mais un marathon à Montréal pour « installer » sa compagnie French Bee qui depuis ce 30 avril se pose désormais cinq fois par semaine au Québec.

Des rendez-vous en compagnie de sa sœur Sophie Jean-Victor Directrice générale déléguée du groupe et Marc-Antoine Blondeau, DG de la compagnie et quand même, quelques moments de détente avec lés équipes : une balade sur le Mont-Royal et l’inévitable dégustation de « la poutine » canadienne.

Le séjour est bref. Paul-Henri Dubreuil, 54 ans est un homme pressé. Pour rappel, il a pris la succession de son père Jean-Paul à la tête du groupe Dubreuil et est devenu PDG des deux compagnies Air Caraïbes et French Bee depuis le départ de Christine Ourmières-Widener.

Avant de regagner Paris - et la Vendée aux commandes de son propre avion - il a accepté de répondre à nos questions.


Taxe sur les billets d’avion : un surcout de 6 millions d’euros

TourMaG - Les vols vers Montréal sont bien partis pour French Bee avec d’excellents taux de remplissage, c’est un motif de satisfaction, mais le dirigeant de compagnies aériennes françaises que vous êtes, est-il préoccupé par la nouvelle augmentation des taxes et notamment la TSBA (Taxe de solidarité sur les billets d'avion) ?

Paul-Henri Dubreuil : Oui. À très court terme déjà c’est un surcoût de 6 millions pour French Bee et Air Caraïbes. Il n'y a pas eu de préavis. Nous avons été tout de suite au pied du mur. Effectivement des low cost comme Transavia ont pu se permettre d’appliquer le supplément à ses clients. De notre côté, un concurrent a choisi de l’absorber. Nous avons dû nous aligner.

Le plus inquiétant, c'est que cette augmentation de la TSBA va avoir un impact sur les volumes et une incidence sur le prix moyen par coupon. C’est une indicateur essentiel. Nous le sentons notamment sur New York, puisque sur l'international, c'est 37 euros de plus.

Ce n’est donc pas une bonne nouvelle. Cette taxe, qui était de 1 euro à une époque, augmente depuis sans fin. Nous avons fait le calcul sur un aller-retour Orly - Montréal, nous avons à présent 144 euros de taxes diverses et variées ! Quand notre client paye, admettons 500 euros un aller-retour, pour nous en net il nous reste 360 euros.

Les voyageurs ne comprennent pas... Ils constatent que les prix des billets augmentent. Mais pour avoir une vision claire de ces hausses, il faudrait les comparer aux tarifs hors taxes.

Paul-Henri Dubreuil : aider sur la vision stratégique

TourMaG - À propos de la gouvernance des deux compagnies aériennes, depuis son départ, c’est vous qui avez remplacé Christine Ourmières-Widener à la présidence des compagnies aériennes. Allez-vous rester dans cette configuration ?

Paul-Henri Dubreuil : Effectivement, avec le départ de Christine Ourmières-Widener, j'ai souhaité reprendre le manche des deux compagnies.

Sur le plan opérationnel, quatre directeurs généraux œuvrent parfaitement au quotidien. En revanche, je conserve la main sur la stratégie et la prise de décisions importantes comme l’ouverture de Montréal.

Avec ma sœur Sophie, nous en parlions depuis un moment. Nous avons poussé fort pour y aller et quand nous voyons le succès aujourd'hui, nous nous disons que nous aurions peut-être dû y aller plus tôt.


TourMaG - Vous êtes donc au siège à Orly plus souvent ?

Paul-Henri Dubreuil : Oui j’y vais deux jours par semaine. J’organise une réunion avec les directeurs de service, nous avons aussi notre comex mensuel, des réunions hebdomadaires sur des sujets de fond qu’il faut faire avancer. Honnêtement, cela se passe très bien et c’est comme cela que je dirige le groupe depuis toujours : laisser les collaborateurs se responsabiliser, prendre de l’autonomie et des décisions.

Pour les transporteurs aériennes du groupe, je compte faire exactement la même chose. J’essaie de structurer, avec maintenant quatre directeurs généraux, des personnes de qualité qui sont très impliquées, très investies pour la réussite de nos compagnies. Il y a du stress, mais nous le savons. Il ne faut pas aller dans l’aérien si on ne maîtrise pas son stress.

Groupe Dubreuil : une exception en France

TourMaG - Comment voyez-vous la suite ? Encore de la croissance ?

Paul-Henri Dubreuil : Nous restons à l’affut des opportunités, mais c’est surtout maintenant une recherche d’optimisation. Pour revenir à l’ouverture de Montréal, rendez vous compte, nous le faisons sans avion supplémentaire. C’est quand même exceptionnel.

C’est une ligne relativement courte et en l’intercalant entre du Los Angeles, du San Francisco ou de la Réunion, nous avons réussi à la faire passer dans le programme. C’est un peu comme vous me le dites « de la dentelle », mais c’est là, tout notre métier . Un avion, il faut le faire voler 5000 heures par an, 5002 heures mêmes pour être précis concernant l’A350 qui est un avion fort cher. Donc là nous sommes satisfaits.

Une partie de la famille Dubreuil. De gauche à droite : Jean Paul, Paul-Henri et ses deux sœurs,Valérie Dubreuil et Sophie Jean-Victor Directrices générales déléguées.Photo : C.Hardin
Une partie de la famille Dubreuil. De gauche à droite : Jean Paul, Paul-Henri et ses deux sœurs,Valérie Dubreuil et Sophie Jean-Victor Directrices générales déléguées.Photo : C.Hardin
TourMaG - On a entendu mille choses à propos de votre rapport à l’activité de l’aérien au sein du groupe. Une certaine réserve, un vertige en voyant les sommes engagées et la catastrophe du Covid…

Paul-Henri Dubreuil : Oui le Covid m’a donné des sueurs froides et nous ne pouvons pas nier que c’est un métier à haut risque.

D'ailleurs si vous regardez, il n'y a pas beaucoup de familles dans le monde qui détiennent des compagnies aériennes long-courriers. Nous sommes un peu une exception et en France. Le cimetière des compagnies qui ont déposé le bilan, est quand même bien fourni. Oui clairement nous avons eu une période difficile avec le Covid.

Ensuite, on se posait des questions stratégiques. Il y a eu cette approche d’une entrée minoritaire du groupe CMA-CGM (l’armateur CMA-CGM prévoyait de prendre 30% du pôle aéro du groupe Dubreuil NDLR) qui ne s’est finalement pas concrétisée et je dirais heureusement.

Je crois qu'on se serait fait manger tout cru ! Le fait aussi que mon père et Marc (Rochet NDLR) souhaitaient prendre du recul puis l’arrivée de Christine (Ourmières-Widener, NDLR) qui s’est mal passée comme vous le savez m’ont fait réfléchir. J’ai pris conscience que l’aérien que je suivais d'un tout petit peu plus loin depuis des années, finalement, avec mon niveau de connaissance, cela me permettait de prendre les destinées du pôle.

Après cette période transitoire qui a été un petit peu malheureuse parce qu'on aurait aimé que le binôme fonctionne, je me suis dit finalement : c'est à moi d'y aller. Comme dans les autres métiers.

C'est toujours ce que j'ai fait dans les autres filiales du groupe. Quand il y a eu des défaillances comme cela de patrons, soit de pôle ou de filiale, c'est toujours moi qui ai pris le relais. Et cette situation décrite comme transitoire ne l’est finalement pas.

Les gens me semblent épanouis et plutôt heureux. Moi, je m'éclate plutôt parce que, finalement, à 54 ans, c'est un nouveau challenge professionnel, certes compliqué, et puis certes avec du stress à cause de tous les impondérables qu'on peut connaître dans ce métier, mais c'est passionnant.

J'ai toujours été passionné d'aviation et je suis pilote depuis l'âge de 15 ans, en planeur, puis à 16 ans en avion. Je rentrerais depuis Paris avec mon avion. J’adore ça.

Corsair a joué avec le feu

TourMaG - Dans l’actualité il y a aussi la Commission européenne qui tique sur les modalités du soutien d’État, les aides publiques concédées à votre concurrent Corsair dans le cadre de sa restructuration.

Paul-Henri Dubreuil : Oui, et nous avons même déposé à la Commission, un recours parce que l’on considère que ces aides sont illégales. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils ont fermé Montréal, car ils exploitaient 10 avions et cela a été prouvé.* C’était un affrètement extérieur.

Il a donc été facile de constater qu’ils ne répondaient pas aux demandes imposées par la Commission européenne. Ils ont joué avec le feu pendant pas mal de mois. Nous l’avons fait savoir et cela a été pris en compte. Et surtout, il y a une aide qui a été accordée sous le manteau par l'État français de 32,4 millions.

Nous sommes dans une République. Cela paraît un peu dingue qu'on puisse signer un chèque alors que c'était strictement interdit. Il y a un État de droit et en Europe et dans ce pays. Chacun fait son business et rencontre ses difficultés, mais il ne faut pas que les règles soient biaisées.

Quand c'est fait « indirectement avec l'argent du contribuable », là, on se dit que ce n'est pas possible. Qui plus est, quand il y a une politique tarifaire très offensive. Pendant le Black Friday, ils ont massacré le marché. C’est insupportable. Cela a été « open-bar ». Nous étions tous les opérateurs, à quelques euros près. Et d'un seul coup, on dégrade de 50 euros !

En pleine période de pointe hivernale, cela a eu un effet négatif pour tout le monde. Franchement, c'est une destruction de valeurs. Nous ne pouvons pas nous permettre de jouer à cela. On ne joue pas avec notre argent. Une fois encore, c'est l'argent de la famille Dubreuil, que je représente, et on ne peut pas faire n'importe quoi. Ce n'est pas possible.



*une des mesures imposées par Bruxelles à Corsair pour toucher des aides était de maintenir la flotte à neuf avions, durant la durée du plan de restructuration. (NDLR)

Christophe Hardin Publié par Christophe Hardin Journaliste AirMaG - TourMaG.com
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