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Surtourisme, changer aussi les imaginaires... 🔑

L'édito de Paula Boyer


Les restrictions et les quotas ne feront pas tout. Ce sont les comportements de tous qu'il faut changer. Ceux des offices de tourisme, des TO, des agences de voyage et aussi -et, peut-être, surtout- ... des citoyens.


Rédigé par le Mardi 2 Avril 2024

Devant l'afflux de visiteurs qui mettent en danger les sites et (ou) leur environnement, troublent la quiétude des habitants du cru, font exploser le prix des logements, les autorités sont de plus en plus poussées à agir, à imposer des taxes, des quotas, des restrictions de tous ordres.

A l'évidence pourtant, au delà des déclarations tonitruantes, il n'est pas si facile de lutter contre le tourisme de masse. Non seulement, le tourisme fait vivre beaucoup de territoires, mais il est pourvoyeur d'emplois. Au niveau mondial, il fournirait même 10 % des emplois. Dans les communes touristiques, ce pourcentage est évidemment bien plus élevé.

En outre, partir en vacances est devenu une phénomène caractéristique de nos sociétés mondialisées. Là encore, un chiffre en dit long : en 1968, le nombre de visiteurs internationaux se chiffrait à 60 millions. En 2019, avant la pandémie donc, il atteignait le pic de 1,5 milliard..

Lire aussi : Haro sur le "surtourisme", un phénomène planétaire

Un pic d'autant plus préoccupant qu'à l'échelle mondiale, 95 % des flux se concentrent sur seulement 5 % des terres immergées. En France, compte tenu de l'abondance des sites touristiques, la pression est légèrement moindre puisque 80 % des flux se concentrent sur 20 % du territoire.

Cependant, selon l’étude Opinion Way pour Evaneos (février 2024), 9 Français sur 10 déclarent avoir eu à pâtir du surtourisme pendant leurs vacances, trois quart d’entre eux ont déjà renoncé à visiter un site en raison du temps d’attente ou ont constaté la dégradation des sites touristiques avec la présence de déchets ou des tags (67%), la dégradation des ressources naturelles (61%) ou de la qualité de vie pour les populations locales (57%).

En France, la fréquentation de sites emblématiques comme Etretat, le Mont Saint-Michel, les bords de mer, le mont-Blanc, les jardins de Giverny, les bouches de Bonifacio, les gorges du Verdon, etc- est, en effet, devenue très problématique.

Et ce d'autant plus que les flux se concentrent aussi sur quelques périodes : les "petites vacances", les week-end de printemps et plus encore, l'été ! Or, en France toujours, il n'est pas si facile de désaisonnaliser en raison du calendrier scolaire.

Pour autant, il n'est plus acceptable qu'il faille réagir, dans l'urgence, comme cela s'est produit, l'an dernier, lors du week-end de l'Ascension, au Mont Saint-Michel et au zoo de Beauval. Parce qu'ils étaient submergés, ces sites ont dû demander aux visiteurs de revenir « à une date ultérieure », suscitant une bronca sur les réseaux sociaux.


Le salut par l'intelligence artificielle ?

Pas sûr que ce soit une bonne idée d'aller à Venise penant le Carnaval : si les costumes sont superbes, la foule y est oppressante (©PB) e
Pas sûr que ce soit une bonne idée d'aller à Venise penant le Carnaval : si les costumes sont superbes, la foule y est oppressante (©PB) e
De fait, en France comme ailleurs, les autorités -à tous les niveaux- ne sont pas exemptes de contradictions. La France entend rester la première destination touristique mondiale et les destinations veulent que les opérateurs réussissent leur saison : comment y parvenir sans mettre en avant ses plus belles têtes d'affiche ?

En outre, à l'heure du numérique, les armes semblent inégales
: les avis en ligne sur Tripadvisor, les photos sur Instagram, les listes des villes les plus populaires révélée jusque sur Tik-tok incitent à aller, tous, aux mêmes endroits !

Par chance, selon certains experts, l'intelligence artificielle (IA), par ailleurs si décriée, pourrait devenir un atout.
Comme elle sait être prédictive, elle est d'ores et déjà utilisée par des opérateurs touristiques pour connaître à l'avance les pics de fréquentation et prendre des mesures adequates. On peut imaginer des usages encore plus précis, et plus nombreux, demain.

D'autres interventions sont possibles.
Ainsi, dans son plan de lutte contre le surtourisme publié en 2023, la ministre Olivia Grégoire avait prévu, entr'autres mesures, une campagne de communication « avec des influenceurs » pour sensibiliser la clientèle touristique française comme étrangère aux enjeux d'une meilleure répartition des flux et des pratiques touristiques. Louable intention.

Aux TO de comprendre que le surtourisme finira par nuire au business

L'afflux excessif de visiteurs met en danger certains sites exceptionnels. Ici, les falaises d'Etretat (©)
L'afflux excessif de visiteurs met en danger certains sites exceptionnels. Ici, les falaises d'Etretat (©)
Autre initiative également louable : pour faire connaître les 80 % du territoire français qui reste peu fréquenté, ADN tourisme a lancé les "challenges des territoires insoupçonnés". Dans le cadre du manifeste pour un tourisme responsable, cette fédération d’acteurs touristiques (offices de tourisme, comités départementaux et régionaux du tourisme) voulait inciter ses adhérents à mettre en avant d'autres sites que leurs plus célèbres "cartes postales". Au final, en 2021, ces acteurs ont présenté 44 projets et 9 ont finalement été récompensés.

Parmi les lauréats, les offres imaginées par les Offices de tourisme de Fecamp, de la presqu'île de Guérande, les balcons du Canigó dans le Roussillon, le Jura, la ville d'Issy-les-Moulineaux en bord de Seine, Martigues, Istres, Miramas et Salon-de-Provence ou encore Sirobe. Preuve qu'en y mettant de la bonne volonté, des institutionnels sont capables de faire des pas de côté.

Dans la foulée, la marque de voyage éco-responsable sur-mesure Fika Voyages -créée par l'agence Vie Sauvage- partenaire de ces "Challenges des territoires insoupçonnés", a mis en avant ces lauréats sur son site qui propose toutes les offres possibles sans avion.

Ce (petit) pas de côté d'ADN a probablement permis de faire monter un peu en puissance des territoires aux attraits "insoupçonnés". On aimerait que cette opération se poursuivre et qu'elle fasse école. Ce n'est en effet qu'une toute petite goutte d'eau dans la mer et il faudrait aller beaucoup, beaucoup plus loin. b["Il va falloir y mettre du sien", comme l'écrivait TourMag l'an dernier.

Autrement dit que les Offices de tourisme soient bien plus radicaux dans la sélection des sites mis en avant, et donc aussi dans ce qu'il est venu d'appeler le "démarketing". ]b

Même s'ils ont besoin de vendre et de préserver leurs marges, les tours operators et les agences de voyages devront, eux aussi, se convaincre que trop de touristes au même endroit, au même moment, finira par gêner le "business". Et, donc, revoir peu à peu leurs politiques commerciales.

"Lutter contre le surtourisme, c'est un moyen pour les TO de montrer leur savoir-faire"
, assurait, à raison, Julien Buot, le directeur de l'association Agir pour un tourisme responsable, lors du dernier Salon Mondial du tourisme à Paris.

Selon lui, la lutte contre le surtourisme se combine parfaitement avec la promotion d'un tourisme plus durable rendu chaque jour plus nécessaire par la lutte contre le réchauffement climatique. Il lui reste à en convaincre les "grands" du monde du tourisme. Pas sûr que ce soit moins dur que de gravir l'Everest.

Citoyens, encore un effort, un vrai !

A éviter : le Mont Saint-Michel pendant les week-ends surchargés de printemps Depositphotos.com Auteur MennoSchaefer
A éviter : le Mont Saint-Michel pendant les week-ends surchargés de printemps Depositphotos.com Auteur MennoSchaefer
Surtout, il va falloir que les touristes fassent preuve de plus de bon sens et soient, eux aussi, plus cohérents. Il ne peuvent pas se plaindre, par exemple, de l'afflux au zoo de Beauval et continuer avec les mêmes comportements moutonniers pendant les week-ends printaniers.

Certes, selon l'étude Evanéos (février 2024), 78% des Français envisagent de voyager hors-saison, 83% privilégient déjà des destinations moins fréquentées, et 52% soutiennent l'idée de quotas pour limiter l'afflux touristique. Si tel était réellement le cas, on se demande bien pourquoi tant de visiteurs se sont précipités, l'an dernier, pendant le week-end de l'Ascension, au Mont Saint-Michel et au Zoo de Beauval ? Pourquoi aussi il y a tant d'embouteillages sur les routes des vacances l'été et sur les routes des stations l'hiver ?

La faute pour partie au manque de flexibilité des locations (samedi/samedi). Mais aussi, aux "imaginaires touristiques" qui sont assez pauvres, et incompatibles, dans leur état actuel, avec un tourisme diffus.

Pourtant, il va bel et bien falloir se fourrer dans la tête que l'on peut réussir sa vie non seulement sans avoir une Rolex (!!!), mais aussi sans voir Giverny, le Mont Saint-Michel, Etretat, Venise ou New York. Evidemment, les imaginaires comme les mentalités, cela ne se change pas en un jour. Allez, encore un effort, un vrai !

PAULA BOYER Publié par Paula Boyer Responsable rubrique LuxuryTravelMaG - TourMaG.com
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