Tourisme : le Maroc se rêve en challenger mondial, opportunité ou concurrence ?

Le Maroc affiche ses ambitions.

Achraf Fayda, directeur général de l'ONMT a dévoilé à l'occasion du congrès des EDV qui se tenait à Taghazout jusqu'au 18 juin, le plan extrêmement ambitieux de son pays.

"Vous arrivez dans un Maroc, qui dans sa globalité se transforme et ce dans plusieurs domaines. Nous avons terminé 2024, avec 17,4 millions de touristes, soit la première destination d’Afrique. C'est une position inédite. Une fois que nous avons décroché cette place, nous avons regardé ce que pouvait être notre prochain défi.

Nous regardons le bassin méditerranéen," explique le directeur général.

Le quadragénaire, nommé fin 2024 après une décennie dans de grandes multinationales, n’a pas été choisi par hasard, car le Royaume veut partir à la conquête du monde.

Après avoir atteint plus de 17 millions de visiteurs, l'OMNT vise la barre des 26 millions, puis des 30 millions à l’horizon 2030.

Pour doubler sa fréquentation internationale, le pays peut s’appuyer sur deux leviers puissants : l’accueil l’hiver prochain de la Coupe d’Afrique des Nations, puis, quatre ans plus tard, de la Coupe du Monde de football.

Ce sera une première pour un territoire de la région. Le pays est bel et bien décidé ç faire les choses en grand.

"Notre offre est beaucoup plus proche de celle du Portugal, de l'Espagne ou de la Grèce que de l'Afrique. Sauf que nous avons encore beaucoup de marge de progression.

Nous accueillons un demi-touriste par habitant. À titre de comparaison, le ratio est de trois touristes par Portugais ou Grec, et de deux en Espagne. Voici notre nouvelle inspiration," souligne-t-il.

L’ONMT ambitionne donc de converger vers des standards plus européens. Pour cela, il veut s'appuyer sur le marché français. L’an dernier, six millions de Français ont traversé la Méditerranée, dont la moitié pour le loisir.

"La proximité qui unit nos deux peuples, tant sur le plan linguistique que culturel, renforcée par l’hospitalité marocaine, constitue un atout précieux.

Tout cela explique pourquoi nous ne sommes pas satisfaits de ce chiffre de 6 millions de Français. Nous voulons le doubler, voire le tripler. La France n’est pas un marché mature. Il faut absolument sortir de cette idée reçue."

Pour y arriver, il est essentiel de renforcer l’offre touristique, à commencer par la connectivité aérienne.

La semaine passée un partenariat a été signé avec Transavia, pour accroître la desserte. Et ce n’est qu’un début. Le Maroc mise également sur sa compagnie nationale.

"Cette ambition ouvre la voie à un développement massif dans les prochaines années. Ce mouvement est déjà enclenché depuis la signature du contrat-programme.

Dans les prochains 12 mois, nous allons réceptionner 18 nouveaux avions.

Pour le marché français, notre premier à l'international, nous comptons très rapidement doubler notre offre sur Casablanca, et de la quadrupler sur les lignes point à point, pour répondre à cette demande touristique en forte croissance," a dévoilé Ilham Kazzini, directrice du pôle commercial monde de la Royal Air Maroc.

Ces appareils seront affectés aux bases de Marrakech, Agadir et Dakhla, pour desservir, en priorité, les villes françaises.

Ainsi, la flotte va passer de 50 appareils en 2023 à 130 d’ici 2030, puis à 200 en 2037.

Et d'ici là, le Royaume va devoir répondre présent avec l'organisation de la Coupe d'Afrique des Nations. Si la Coupe du Monde jouera le rôle de vitrine mondiale, la compétition africaine servira de déclencheur des ambitions… pour le marché français.

"Nous voulons organiser la meilleure CAN de l'histoire. Nous visons 500 000 supporters étrangers entre le 21 décembre 2025 et le 18 janvier 2026. Or, la majorité des diasporas des équipes qualifiées vit en France.

A cette occasion, nous allons multiplier les lignes entre nos deux pays. Nous leur proposerons donc de venir voir un match, faire un stop ici avant de poursuivre pour ceux qui le souhaitent vers leurs pays d'origine," poursuit la responsable.

Dans le même temps, les capacités aéroportuaires vont doubler d’ici 2029, passant de 32 à 74 millions de passagers. Tandis que l’offre aérienne s’apprête à croître fortement, l’offre terrestre devrait suivre la même dynamique.

"Par le passé, notre offre touristique se concentrait essentiellement sur deux ou trois destinations : Fès, Agadir et Marrakech.

Aujourd’hui, nous voulons faire émerger un nouveau Maroc, une nouvelle destination.

Les 6 villes qui accueilleront ces grands évènements bénéficient d'un portefeuille dédié, spécifiquement alloué aux infrastructures et à l’animation touristique," affirme Achraf Fayda, le directeur général de l'ONMT.

Les capacités hôtelières vont s'accroitre considérablement, tout comme le nombre de lits du pays.

Pour accompagner cette montée en puissance, le Maroc prévoit de s’inspirer des modèles internationaux à succès. Un décret est en cours de préparation.

"Le texte va réglementer la location de logements touristiques, dans l’esprit du modèle d’Airbnb, mais aussi l’hébergement en bivouac dans le désert ou chez l’habitant. Nous voulons plus que doubler les lits," termine-t-il d'annoncer.

Dans ce contexte, les Entreprises du Voyage ont décidé d'emboiter le pas de cette destination ambitieuse, en signant un partenariat avec l'ONMT, dans le but de créer un cadre formel aux échanges et faire bénéficier de ce développement aux agences de voyages tricolores.

Le développement du Maroc est perçu comme une véritable opportunité du côté de Digitrips.

"Nous parlons tout simplement de notre best seller. Le point clé dans ce qui a été dit : l'agrandissement des infrastructures aéroportuaires. Ils ont un boulevard devant eux grâce à leurs atouts et la grande proximité avec la France.

Ils sont agressifs pour défendre ses parts de marché, car dans le même temps d'autres pays ont des stratégies de développement très importantes," analyse Frédéric Pilloud, le directeur digital.

Il suffit de voir ce qu'il se passe en Arabie saoudite, en Turquie ou encore dans les Émirats.

Pour accueillir plus de 30 millions de voyageurs, il n'est pas dit que le Royaume pourrait bien détourner une part de la clientèle de grandes destinations concurrentes, comme l’Espagne, voire… la France.

"En tant que passionné de la destination, je ne peux qu'applaudir. Cela s'inscrit dans un marché mondial en pleine croissance, porté par l'offre. À mes yeux, il est en passe de devenir un concurrent direct, et redoutable, du marché domestique français.

Au delà des chiffres, la démarche est aussi très qualitative. Pour rester compétitif, la France doit s'occuper des questions de sécurité et des transports, pour ne pas dégrader notre image.

Les budgets de promotion de l'ONMT pour les 5 prochaines années, font pâlir d'envie, le président d'Atout France que je suis," affirme Christian Mantei.

Du côté des producteurs, les nouveaux attraits du Maroc sont perçus comme une opportunité unique.

ÔVoyages entend passer de 40 000 à 80 000 voyageurs d'ici 3 ans. Malgré l’essor rapide des établissements touristiques aux quatre coins du pays, Raouf Benslimane reste frappé par la qualité de l’offre hôtelière.

"Ce qui se passe ici, je ne l’ai jamais vu ailleurs. C’est exceptionnel. Je leur ai fait cette promesse car en face tous les interlocuteurs sont fiables, les mentalités ont aussi changé à tous les niveaux. En plus, le pays parle notre langage avec le développement de ces nouvelles expériences.

Sur l'accueil et la relation humaine, le Maroc surclasse ses voisins régionaux. Et sur l’hôtellerie haut de gamme et plus, il figure dans le peloton de tête mondial.

Il n’y a désormais plus aucun frein à sa réussite," conclut le cofondateur du tour-opérateur.