Le problème c’est de savoir quel outil, quel compas, quelle boussole nous indique quelle route suivre, et nous prévient quand le cap sera atteint, et donc quand la France sera (enfin) devenue la première destination mondiale du tourisme durable - Depositphotos.com Auteur malpetr
« Il n’est pas de bon vent pour celui qui ne sait pas où il va » disait Sénèque en son temps.
Difficile de naviguer sans boussole et surtout sans cap. C’est un peu l’impression que l’on a, quand on parle de tourisme durable, tant nous naviguons à vue dès lors qu’il s’agit de rendre le tourisme plus responsable.
Il aura fallu que l’ADEME nous éclaire sur la part conséquente du tourisme dans ses émissions des gaz à effet de serre, pour éclairer quelques consciences, et susciter une frénésie d’ambitions stratégiques qui allait engager tous les acteurs de la filière à laver plus vert !
Pour porter cette ambition, le cap était donné au plus haut niveau de l’État : la France devait devenir la première destination mondiale du tourisme durable.
A lire aussi : Gaz à effet de serre : le tourisme doit (vite) agir ou mourir ?
On peut toujours ergoter sur la définition exacte du tourisme durable, et même sur les chiffres qui nous rappellent cruellement que plus on accueille de clientèles lointaines, moins on est durable, avoir comme ambition d’être premier, ça fait toujours son effet.
Le problème c’est de savoir quel outil, quel compas, quelle boussole nous indique quelle route suivre, et nous prévient quand le cap sera atteint, et donc quand la France sera (enfin) devenue la première destination mondiale du tourisme durable.
Difficile de naviguer sans boussole et surtout sans cap. C’est un peu l’impression que l’on a, quand on parle de tourisme durable, tant nous naviguons à vue dès lors qu’il s’agit de rendre le tourisme plus responsable.
Il aura fallu que l’ADEME nous éclaire sur la part conséquente du tourisme dans ses émissions des gaz à effet de serre, pour éclairer quelques consciences, et susciter une frénésie d’ambitions stratégiques qui allait engager tous les acteurs de la filière à laver plus vert !
Pour porter cette ambition, le cap était donné au plus haut niveau de l’État : la France devait devenir la première destination mondiale du tourisme durable.
A lire aussi : Gaz à effet de serre : le tourisme doit (vite) agir ou mourir ?
On peut toujours ergoter sur la définition exacte du tourisme durable, et même sur les chiffres qui nous rappellent cruellement que plus on accueille de clientèles lointaines, moins on est durable, avoir comme ambition d’être premier, ça fait toujours son effet.
Le problème c’est de savoir quel outil, quel compas, quelle boussole nous indique quelle route suivre, et nous prévient quand le cap sera atteint, et donc quand la France sera (enfin) devenue la première destination mondiale du tourisme durable.
En 2022, le secteur a émis 97 millions de tonnes de CO2
Chacun aura compris que cet objectif, repris d’ailleurs dans beaucoup de schéma de destination qui veulent être elles aussi premières dans leur catégorie, n’a aucun sens, parce qu’il n’existe aucun indicateur qui permettrait de faire ce type ranking et pour cause. On peut certes mesurer des progrès, mais comment fixer un tel cap sans jamais se fixer d’objectifs quantifiés sur le sujet.
L’ADEME qui suit ce dossier des externalités du tourisme avec beaucoup d’abnégation, introduit son dernier rapport sur la mesure des émissions de gaz à effet de serre du tourisme français pour l’année 2022, comme suit :
« Si le tourisme est un pilier économique majeur de la France, il est aussi très polluant. En 2022, le secteur a émis 97 millions de tonnes de CO2, soit l’empreinte carbone annuelle de 10,5 millions de Français. En cause, la mobilité et plus particulièrement le transport aérien »
On ne saurait être plus clair, et la question qui se pose naturellement à la lecture de ce nouveau bilan est la suivante : combien de tonnes en moins dans les 5 et 10 ans à venir pour devenir la première destination durable mondiale ? On passe de 97 à combien, comment, en combien de temps ?
L’ADEME qui suit ce dossier des externalités du tourisme avec beaucoup d’abnégation, introduit son dernier rapport sur la mesure des émissions de gaz à effet de serre du tourisme français pour l’année 2022, comme suit :
« Si le tourisme est un pilier économique majeur de la France, il est aussi très polluant. En 2022, le secteur a émis 97 millions de tonnes de CO2, soit l’empreinte carbone annuelle de 10,5 millions de Français. En cause, la mobilité et plus particulièrement le transport aérien »
On ne saurait être plus clair, et la question qui se pose naturellement à la lecture de ce nouveau bilan est la suivante : combien de tonnes en moins dans les 5 et 10 ans à venir pour devenir la première destination durable mondiale ? On passe de 97 à combien, comment, en combien de temps ?
A quel rang se classe la France sur ce seul critère des émissions de gaz à effet de serre ?
Ne jamais poser le débat en ce sens, rend caduque toutes les injonctions, les coups de menton, et bien évidemment cette idée d’être un jour la première destination en matière de tourisme durable.
Si on aime les ranking à ce point, peut-être faudrait-il commencer par savoir à quel rang on classe la France sur ce seul critère des émissions de gaz à effet de serre. Ben plutôt en fin de classement, parce que sur ce seul critère des emmissions de Gaz à effet de serre, plus on accueille de clientèles lointaines plus on recule dans le classement. Le « en même temps » à ses limites dans le tourisme aussi.
Sans objectif et sans indicateurs, il n’y aura pas de cap, et donc de stratégie efficiente. Et c’est dommage, parce que de son côté l’ADEME, fixe le cap très clairement
Les principaux leviers pour améliorer le bilan carbone du secteur touristique et ainsi atteindre une réduction de ses émissions de GES de 40 à 50% en absolu d’ici 2030 par rapport à 2018, en déclinaison de l’Accord de Paris sont:
Si on aime les ranking à ce point, peut-être faudrait-il commencer par savoir à quel rang on classe la France sur ce seul critère des émissions de gaz à effet de serre. Ben plutôt en fin de classement, parce que sur ce seul critère des emmissions de Gaz à effet de serre, plus on accueille de clientèles lointaines plus on recule dans le classement. Le « en même temps » à ses limites dans le tourisme aussi.
Sans objectif et sans indicateurs, il n’y aura pas de cap, et donc de stratégie efficiente. Et c’est dommage, parce que de son côté l’ADEME, fixe le cap très clairement
Les principaux leviers pour améliorer le bilan carbone du secteur touristique et ainsi atteindre une réduction de ses émissions de GES de 40 à 50% en absolu d’ici 2030 par rapport à 2018, en déclinaison de l’Accord de Paris sont:
- De faire évoluer la provenance et le mode de transport des touristes. Le nombre de touristes peut également devenir un paramètre-clé.
- Pour maintenir la tendance baissière des impacts CO2 constatée en 2022 dans la durée, il est nécessaire d’adopter des mesures publiques transformatives, notamment pour favoriser dans la durée un tourisme plus local.
Aucun ministre n’a eu le courage de proposer une COP dédiée à l’économie touristique
Aucun des ministres en charge du tourisme depuis 2018 n’a repris ses chiffres et valider ces orientations. Aucun ministre n’a eu le courage de proposer aux acteurs du tourisme de faire une COP dédiée à l’économie touristique, qui permettrait de fixer des objectifs par filière et par destination.
Du coup chacun y va de stratégie en fonction de ses intérêts, alors ne nous étonnons pas des accusations de greenwashing de la part de nombreuses associations qui dénoncent régulièrement nos injonctions paradoxales.
Parmi ces injonctions, celle qui consiste à ériger l’écotourisme comme LA voie la plus prometteuse pour changer la donne. J’ai toujours considéré le préfixe « eco » comme une réponse simpliste aux enjeux de l’écologie, qui faut-il le rappeler est une science avant d’être un parti politique.
Le pigment vert de la chlorophylle est devenu un symbole, là encore un peu simpliste, pour faire croire que marcher dans la nature, serait plus vertueux que marcher sur la plage, qui serait plus vertueux que marcher en ville. Mais ça ne marche pas comme ça, parce que si on a fait 1000 km pour venir marcher dans la nature, et bien s’est beaucoup moins écologique que si on a fait 100 km pour visiter le musée de la ville à côté de chez nous.
Il faut arrêter avec cette idée de hiérarchiser les pratiques touristiques, selon l’appétence des visiteurs à passer des vacances à la campagne ou à la mer, à la montagne ou en ville.
Appréhender le sujet du tourisme durable sous cet angle, c’est en détourner les enjeux par facilité, par une vision réductrice qui consiste à associer le vert à la nature, la nature à l’écologie et l’écologie au durable. J’ai bossé 10 ans en Auvergne, je n’ai jamais pensé que l’Auvergne était plus durable que les autres destinations. Penser ainsi, c’est s’exonérer de toute réflexion sur le bilan carbone du séjour, c’est s’exonérer du débat des indicateurs, du tourisme social, des loisirs de proximité, des mobilités…
Du coup chacun y va de stratégie en fonction de ses intérêts, alors ne nous étonnons pas des accusations de greenwashing de la part de nombreuses associations qui dénoncent régulièrement nos injonctions paradoxales.
Parmi ces injonctions, celle qui consiste à ériger l’écotourisme comme LA voie la plus prometteuse pour changer la donne. J’ai toujours considéré le préfixe « eco » comme une réponse simpliste aux enjeux de l’écologie, qui faut-il le rappeler est une science avant d’être un parti politique.
Le pigment vert de la chlorophylle est devenu un symbole, là encore un peu simpliste, pour faire croire que marcher dans la nature, serait plus vertueux que marcher sur la plage, qui serait plus vertueux que marcher en ville. Mais ça ne marche pas comme ça, parce que si on a fait 1000 km pour venir marcher dans la nature, et bien s’est beaucoup moins écologique que si on a fait 100 km pour visiter le musée de la ville à côté de chez nous.
Il faut arrêter avec cette idée de hiérarchiser les pratiques touristiques, selon l’appétence des visiteurs à passer des vacances à la campagne ou à la mer, à la montagne ou en ville.
Appréhender le sujet du tourisme durable sous cet angle, c’est en détourner les enjeux par facilité, par une vision réductrice qui consiste à associer le vert à la nature, la nature à l’écologie et l’écologie au durable. J’ai bossé 10 ans en Auvergne, je n’ai jamais pensé que l’Auvergne était plus durable que les autres destinations. Penser ainsi, c’est s’exonérer de toute réflexion sur le bilan carbone du séjour, c’est s’exonérer du débat des indicateurs, du tourisme social, des loisirs de proximité, des mobilités…
Nous sommes confrontés à un choix de modèle économique
L’écotourisme, ou le tourisme de nature, c’est un segment de vacances, et une de ses vertus c’est de faire de toucher du doigts à ceux qui le pratiquent, la fragilité de la nature et le besoin de respecter cette nature. En soi c’est déjà pas mal, mais ça ne fait pas de ceux qui fontb[ le tour du Mont Blanc en treck des « meilleurs touristes » que ceux qui passeront le week-end au Mont St Michel. ]b
L’ADEME, nous rappelle sans chichi, que nous sommes confrontés à un choix de modèle économique, pas de mode de vacances, et c’est ce modèle économique que nous devons faire évoluer, et il est intimement lié aux types de clientèles que nous voulons accueillir prioritairement.
Pour changer de paradigme et actionner les leviers suggérés par l’ADEME, alors oui il faut une COP du tourisme, il faut se fixer des objectifs dans une posture de solidarité, parce que certaines filières, certains territoires auront plus d’efforts à faire, donc il faudra peut-être les aider plus, leur donner plus de temps.
Nous avons besoin d’un cadre d’actions communs, parce que sans ce cadre nous prenons le risque de voir les efforts des uns anéantis par les pratiques des autres et voir les premiers se décourager. A quoi bon soutenir et financer des pratiques de mobilités décarbonées, si dans le même on multiplie les subventions aux compagnies low cost. Il faut mettre fin à cette hypocrise, à fortiori quand il y n’y a plus de sous dans les caisses.
L’ADEME, nous rappelle sans chichi, que nous sommes confrontés à un choix de modèle économique, pas de mode de vacances, et c’est ce modèle économique que nous devons faire évoluer, et il est intimement lié aux types de clientèles que nous voulons accueillir prioritairement.
Pour changer de paradigme et actionner les leviers suggérés par l’ADEME, alors oui il faut une COP du tourisme, il faut se fixer des objectifs dans une posture de solidarité, parce que certaines filières, certains territoires auront plus d’efforts à faire, donc il faudra peut-être les aider plus, leur donner plus de temps.
Nous avons besoin d’un cadre d’actions communs, parce que sans ce cadre nous prenons le risque de voir les efforts des uns anéantis par les pratiques des autres et voir les premiers se décourager. A quoi bon soutenir et financer des pratiques de mobilités décarbonées, si dans le même on multiplie les subventions aux compagnies low cost. Il faut mettre fin à cette hypocrise, à fortiori quand il y n’y a plus de sous dans les caisses.
Il ne s’agit pas de mettre fin au tourisme
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Le prospectiviste Michel Godet rappelait dans un de ses livres, le coût de l’indécision quand il s’est agi de mettre un terme à l’exploitation des mines de charbon en Lorraine. Entre le moment où la décision a été prise (pour des raisons économiques et pas écologiques) et la fermeture du dernier puit, il s’est passé 30 ans !
Il ne s’agit pas de mettre fin au tourisme, mais de faire baisser ses externalités et nous n’avons pas 30 ans devant nous pour nous mettre d’accord et agir !
Alors, si pour faciliter les annonces politiques, il faut absolument vouloir être le premier d’un hypothétique classement, partageons l’objectif d’être le pays qui fait le plus d’effort et le plus de progrès pour limiter le poids des externalités du tourisme, qui fait preuve de plus de solidarité territoriale, et qui finance le plus les entreprises et territoires qui s’engagent dans cette voie de progrès, et je dis ça alors qu’on annonce une baisse des crédits de l’ADEME de 35% dans la loi de finance !
Pas très sérieux tout ça si on veut servir d’exemple au monde entier.
Il ne s’agit pas de mettre fin au tourisme, mais de faire baisser ses externalités et nous n’avons pas 30 ans devant nous pour nous mettre d’accord et agir !
Alors, si pour faciliter les annonces politiques, il faut absolument vouloir être le premier d’un hypothétique classement, partageons l’objectif d’être le pays qui fait le plus d’effort et le plus de progrès pour limiter le poids des externalités du tourisme, qui fait preuve de plus de solidarité territoriale, et qui finance le plus les entreprises et territoires qui s’engagent dans cette voie de progrès, et je dis ça alors qu’on annonce une baisse des crédits de l’ADEME de 35% dans la loi de finance !
Pas très sérieux tout ça si on veut servir d’exemple au monde entier.
Jean Pinard - DR
Président de la société de conseils Futourism :
Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.
Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.