Kerouac est "un enfant du siècle" et ses autres ouvrages, plus courts, plus poétiques, plus romantiques rédigés souvent sous l’effet de la benzédrine, parfois sur des rouleaux de papier « chiotte » dans le désordre des nuits mexicaines, sont d’excellents révélateurs des maux de la société américaine : Les souterrains, Les anges vagabonds, Big sur, Mexico City blues... Depositphotos.com Auteur nito103
Manifeste de la beat génération ou simple roman, Sur la route, publié par Viking Press en 1957 après de nombreux refus, retentit comme un coup de tonnerre dans le ciel littéraire nord américain.
Ecrit sur le rythme lancinant et saccadé du jazz, par un écrivain en perdition, alcoolique et drogué, en rupture avec le paradigme dominant de l’American dream, Sur la route n’est pas le meilleur ouvrage de Jack Kerouac. D’ailleurs, si tout le monde en connaît le titre, peu l’ont lu.
Telles les légendes,
Sur la route est plutôt l’archétype de ces écrits compacts, denses, parfois mal construits mais passionnés que la littérature lègue à l’histoire afin de marquer un virage à 180 degrés dans les mentalités et les modus vivendi d’époques en crise.
Kerouac est « un enfant du siècle » et ses autres ouvrages, plus courts, plus poétiques, plus romantiques rédigés souvent sous l’effet de la benzédrine, parfois sur des rouleaux de papier « chiotte » dans le désordre des nuits mexicaines, sont d’excellents révélateurs des maux de la société américaine : Les souterrains, Les anges vagabonds, Big sur, Mexico City blues...
Au fil des années et des pages, Kerouac arpente indéfiniment les rues et les routes du nouveau et de l’ancien monde et se raconte : de démêlées avec la police en démêlées avec la justice, de rencontres amoureuses en liaisons torrides, souvent flanqué de ses inséparables acolytes : Ginsberg, Burroughs et Grégory Corso… tous poètes, tous alcooliques, tous défoncés, il n’en finit pas de dire sa souffrance, son besoin de liberté et de conter sa fuite : « J’étais un ivrogne notoire qui explosait n’importe où, un zen lunatique, un pochard » avoue l’écrivain échoué à Mexico, dans Les anges vagabonds.
Ecrit sur le rythme lancinant et saccadé du jazz, par un écrivain en perdition, alcoolique et drogué, en rupture avec le paradigme dominant de l’American dream, Sur la route n’est pas le meilleur ouvrage de Jack Kerouac. D’ailleurs, si tout le monde en connaît le titre, peu l’ont lu.
Telles les légendes,
Sur la route est plutôt l’archétype de ces écrits compacts, denses, parfois mal construits mais passionnés que la littérature lègue à l’histoire afin de marquer un virage à 180 degrés dans les mentalités et les modus vivendi d’époques en crise.
Kerouac est « un enfant du siècle » et ses autres ouvrages, plus courts, plus poétiques, plus romantiques rédigés souvent sous l’effet de la benzédrine, parfois sur des rouleaux de papier « chiotte » dans le désordre des nuits mexicaines, sont d’excellents révélateurs des maux de la société américaine : Les souterrains, Les anges vagabonds, Big sur, Mexico City blues...
Au fil des années et des pages, Kerouac arpente indéfiniment les rues et les routes du nouveau et de l’ancien monde et se raconte : de démêlées avec la police en démêlées avec la justice, de rencontres amoureuses en liaisons torrides, souvent flanqué de ses inséparables acolytes : Ginsberg, Burroughs et Grégory Corso… tous poètes, tous alcooliques, tous défoncés, il n’en finit pas de dire sa souffrance, son besoin de liberté et de conter sa fuite : « J’étais un ivrogne notoire qui explosait n’importe où, un zen lunatique, un pochard » avoue l’écrivain échoué à Mexico, dans Les anges vagabonds.
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Car, c’est bien de cela qu’il s’agit, Kerouac contrairement à ses prédécesseurs, n’est jamais vraiment épris ni de découverte, ni de connaissance, ni de grandes émotions esthétiques. Kerouac n’est ni Stendhal, ni Loti, ni même Henry Miller et encore moins Jack London, son ancêtre très éloigné…
S’il grimpe en haut de la pyramide de Téotihuacan, c’est pour fumer un joint de marijuana, « et étudier les réactions de ses instincts en ces lieux ». Le chef de file de la « beat génération » n’étant pas un grand érudit, ni même un voyageur cultivé, ses considérations sur les empires mexicains par exemple sont médiocres, pire, nulles : ne situe-t-il pas les Aztèques à Téotihuacan ? Et, quand il arrive à Tanger ou à Paris, il n’a pas la moindre idée de ce qu’est le Maghreb et son histoire coloniale.
Ce n’est donc pas vraiment mieux. Ses évocations restent d’ordre pratique, de petit niveau, purement descriptives : le port, les bateaux, la nourriture, les femmes qui lavent et font sécher leur linge, la vie quotidienne au Maroc vue par un Américain, un peu plus curieux et sensible que les autres !
Même leitmotiv à Paris, les rues, la pluie et quelques havres de bonne chère où les victuailles dégoulinent dans son palais enchanté ! En fait, seule lui importe la défonce. « Le monde réel est insupportablement lugubre » écrit-il d’ailleurs entre deux beuveries, et deux de ces états comateux dans lesquels il n’en finit pas de se vautrer partout où il met les pieds !
S’il grimpe en haut de la pyramide de Téotihuacan, c’est pour fumer un joint de marijuana, « et étudier les réactions de ses instincts en ces lieux ». Le chef de file de la « beat génération » n’étant pas un grand érudit, ni même un voyageur cultivé, ses considérations sur les empires mexicains par exemple sont médiocres, pire, nulles : ne situe-t-il pas les Aztèques à Téotihuacan ? Et, quand il arrive à Tanger ou à Paris, il n’a pas la moindre idée de ce qu’est le Maghreb et son histoire coloniale.
Ce n’est donc pas vraiment mieux. Ses évocations restent d’ordre pratique, de petit niveau, purement descriptives : le port, les bateaux, la nourriture, les femmes qui lavent et font sécher leur linge, la vie quotidienne au Maroc vue par un Américain, un peu plus curieux et sensible que les autres !
Même leitmotiv à Paris, les rues, la pluie et quelques havres de bonne chère où les victuailles dégoulinent dans son palais enchanté ! En fait, seule lui importe la défonce. « Le monde réel est insupportablement lugubre » écrit-il d’ailleurs entre deux beuveries, et deux de ces états comateux dans lesquels il n’en finit pas de se vautrer partout où il met les pieds !
De Mexico à Paris
Fuyard indiscipliné, frondeur, fêtard invétéré, homme révolté et blessé, parfois désespéré parfois joyeux, Jack Kerouac a beau voyager et mettre en scène avec talent la route et son actrice vedette, l’automobile, sur fond de grands espaces et de paysages lumineux, il n’en est pas moins un vagabond en quête de ce que l’on nommera bien plus tard, l’ « escapism ».
Se fuir, fuir les autres, fuir sa condition, fuir un pays contre lequel Ginsberg écrira le superbe poème fleuve « Howl » : « America, you gave me all and now I am nothing »… Fuir, toujours fuir… Voilà pourquoi, lointain héritier de Rimbaud, de Baudelaire, proche compatriote d’une génération d’Américains en perdition qui, comme Scott Fitzgerald et Hemingay venait, se saouler et se suicider sur la Côte d’Azur, Kerouac non seulement invente un nouveau type d’évasion mais devient le porte parole, le guru, le leader d’une nouvelle génération de globe-trotters impatients de trouver les antidotes à leur désespoir sur les routes du soleil.
Routards, hippies, back-packers… les années cinquante voient émerger une catégorie totalement inédite de voyageurs et de voyageuses riches jouant les pauvres, éduqués jouant les vagabonds, touristes jouant les aventuriers. Enfants d’une Amérique de moins en moins conforme au rêve promis, ces voyageurs sont bientôt rejoints sur les routes d’Orient, d’Amérique latine et d’Asie par de jeunes Européens en proie aux mêmes démons, formatant de nouvelles formes de voyages tenant plus de l’aventure personnelle que de la pratique touristique et façonnant une nouvelle iconographie totalement en rupture avec celle des voyages plus classiques de leurs illustres prédécesseurs, aussi aventureux aient-ils été.
Mais attention : Jack Kerouac n’était pas un vagabond. Il a consacré un ouvrage entier « Le vagabond américain en voie de disparition » à bien faire la différence entre le véritable vagabond allant de ville en ville, sans but, sans argent, sans domicile et cette génération plus ou moins dorée -William Burroughs n’est-il pas l’héritier des machines à écrire du même nom ?- à laquelle il appartient.
Une génération en rupture certes mais en rupture « soft », avec filet de secours dans les agences American Express ?
Sources : Jack Kerouac : Les anges vagabonds • Sur la route • Mexico City Blues • Allen Ginsberg : Howl • Journal 1952/1962
Se fuir, fuir les autres, fuir sa condition, fuir un pays contre lequel Ginsberg écrira le superbe poème fleuve « Howl » : « America, you gave me all and now I am nothing »… Fuir, toujours fuir… Voilà pourquoi, lointain héritier de Rimbaud, de Baudelaire, proche compatriote d’une génération d’Américains en perdition qui, comme Scott Fitzgerald et Hemingay venait, se saouler et se suicider sur la Côte d’Azur, Kerouac non seulement invente un nouveau type d’évasion mais devient le porte parole, le guru, le leader d’une nouvelle génération de globe-trotters impatients de trouver les antidotes à leur désespoir sur les routes du soleil.
Routards, hippies, back-packers… les années cinquante voient émerger une catégorie totalement inédite de voyageurs et de voyageuses riches jouant les pauvres, éduqués jouant les vagabonds, touristes jouant les aventuriers. Enfants d’une Amérique de moins en moins conforme au rêve promis, ces voyageurs sont bientôt rejoints sur les routes d’Orient, d’Amérique latine et d’Asie par de jeunes Européens en proie aux mêmes démons, formatant de nouvelles formes de voyages tenant plus de l’aventure personnelle que de la pratique touristique et façonnant une nouvelle iconographie totalement en rupture avec celle des voyages plus classiques de leurs illustres prédécesseurs, aussi aventureux aient-ils été.
Mais attention : Jack Kerouac n’était pas un vagabond. Il a consacré un ouvrage entier « Le vagabond américain en voie de disparition » à bien faire la différence entre le véritable vagabond allant de ville en ville, sans but, sans argent, sans domicile et cette génération plus ou moins dorée -William Burroughs n’est-il pas l’héritier des machines à écrire du même nom ?- à laquelle il appartient.
Une génération en rupture certes mais en rupture « soft », avec filet de secours dans les agences American Express ?
Sources : Jack Kerouac : Les anges vagabonds • Sur la route • Mexico City Blues • Allen Ginsberg : Howl • Journal 1952/1962
Retrouvez les autres articles de notre série "La contribution des écrivains voyageurs"
D’hier à demain
Les voyages initiés par Jack Kerouac restent d’autant plus d’actualité que l’évasion est à la portée de nombreuses bourses et que les raisons de fuir sont de plus en plus nombreuses… En quelque 60 ans, la Beat génération a imposé son modèle. Favorisant des périples au long cours, peu organisés, dérivant entre découverte culturelle, détente ou paradis artificiels, on les rencontrait dans les années soixante et après à Ibiza, à Formentera, à Goa, à Katmandu, à Ziguatanejo, à Tanger… et on les retrouve aujourd’hui partout où le soleil est radieux, la mer transparente, la boisson facile, les stupéfiants aussi…
Full moon dans les îles thaïlandaises, ashrams dans le Kerala, discothèques géantes à Ibiza, ils ont élu domicile sur les routes, les ports et les aéroports où des vols low-cost les déversent par milliers pour des durées plus ou moins longues.
Souvent polyglottes, rompus à l’art d’habiter le monde, ils s’incrustent dans le paysage, en épousent les formes, l’habit, la nourriture mais pratiquent un entre soi d’autant plus difficile à rompre qu’à toute heure, les yeux rivés sur leurs écrans, la tête dans le cyber espace, ils entretiennent des liens indestructibles avec leurs racines.
Désormais, dévorée par une immense toile d’araignée numérique, la planète de ces nouveaux travellers n’offre pas la même qualité de fuite et d’aventure que celles des années cinquante, où qui plus est, nous n’étions que quelque trois tout petits milliards à habiter la planète bleue ! Il est intéressant de noter que la « beat génération » a tellement influencé une partie de la génération du baby-boom qu’à l’âge de la retraite, une partie des boomers reprennent leur vagabondage, parfois leur exil, toujours vers le soleil. Il faut dire que la déroute économique actuelle a parfois raison de leur désir de sédentarité. On ne voit guère comment ce mouvement pourrait se tarir.
Au contraire, il s’amplifiera d’autant plus que toutes les jeunesses du monde, une fois leur pays totalement démocratisé, devraient s’y joindre.
Full moon dans les îles thaïlandaises, ashrams dans le Kerala, discothèques géantes à Ibiza, ils ont élu domicile sur les routes, les ports et les aéroports où des vols low-cost les déversent par milliers pour des durées plus ou moins longues.
Souvent polyglottes, rompus à l’art d’habiter le monde, ils s’incrustent dans le paysage, en épousent les formes, l’habit, la nourriture mais pratiquent un entre soi d’autant plus difficile à rompre qu’à toute heure, les yeux rivés sur leurs écrans, la tête dans le cyber espace, ils entretiennent des liens indestructibles avec leurs racines.
Désormais, dévorée par une immense toile d’araignée numérique, la planète de ces nouveaux travellers n’offre pas la même qualité de fuite et d’aventure que celles des années cinquante, où qui plus est, nous n’étions que quelque trois tout petits milliards à habiter la planète bleue ! Il est intéressant de noter que la « beat génération » a tellement influencé une partie de la génération du baby-boom qu’à l’âge de la retraite, une partie des boomers reprennent leur vagabondage, parfois leur exil, toujours vers le soleil. Il faut dire que la déroute économique actuelle a parfois raison de leur désir de sédentarité. On ne voit guère comment ce mouvement pourrait se tarir.
Au contraire, il s’amplifiera d’autant plus que toutes les jeunesses du monde, une fois leur pays totalement démocratisé, devraient s’y joindre.
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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