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L’Arabie Saoudite, le tourisme après le pétrole

Un pays aux ambitions sans limites


Depuis quatre ans, l'Arabie saoudite a ouvert ses frontières et veut attirer des millions de visiteurs d’ici 2030. En dépit d’atouts naturels et culturels indéniables, l’impact écologique de projets colossaux et l’image peu démocratique du pays pourraient freiner les ambitions sans limites du royaume wahhabite.


Rédigé par Jean-François RUST le Mercredi 20 Novembre 2024

Al Ula est la tête de pont du tourisme d'Arabie Saoudite. Impossible d’échapper à cette destination qui agrège le meilleur des atouts naturels et culturels du pays - Photo J.-.F.R.
Al Ula est la tête de pont du tourisme d'Arabie Saoudite. Impossible d’échapper à cette destination qui agrège le meilleur des atouts naturels et culturels du pays - Photo J.-.F.R.
Recevoir 100 millions de touristes en 2030. Voilà le cap fixé par l'Arabie saoudite depuis que le pays a décidé de passer d’une économie exclusivement pétrolière à un mix élargi aux nouvelles énergies, à la logistique et… au tourisme.

Tel est le choix de Mohammed ben Salmane pour son royaume, prince héritier résolu à bousculer les conservatismes pour préparer l’avenir et à affirmer une stature d’homme d’Etat réfractaire à toute contestation - l’affaire Khashoggi, journaliste dissident assassiné par le pouvoir en fut une preuve terrifiante.

Si l’argent ne peut pas tout acheter, au moins donne-t-il des moyens illimités.

Le fonds souverain du royaume, gavé par les dividendes pétroliers amassés depuis des lustres, finance trois projets touristiques hors normes : The Red Sea, Neom et Diriyah.

The Red Sea, 50 hôtels et 1 000 résidences en Arabie Saoudite

The Red Sea est le plus avancé.

A trois heures de route d’Al Ula (voir plus loin), il prévoit la construction de 50 hôtels et 1 000 résidences, au bord de la mer Rouge et sur une vingtaine d’îles désertes.

Un aéroport international et six resorts ont déjà ouvert en 2022 et les plus grandes chaînes hôtelières, Hyatt, Raffles, Carlton, Accor… ont signé des accords de partenariat.

Vendu comme « écologique », le projet vise le marché de l’hyper luxe. On s’interroge : qu’y a-t-il d’écologique à défigurer une zone vierge pour le seul plaisir de clients fortunés, même si l’on promet des transferts en véhicules électriques entre l’aéroport et les hôtels ?

Lire aussi : Futuroscopie - Déserts : du mythe à la mise en scène touristique 🔑

Nouvelles destinations-vacances

Le second projet est encore plus fou. Néom prévoit l’aménagement de 450 km de côtes, près de la Jordanie et du Sinaï.

Objectif : créer de toutes pièces une destination-vacances et une nouvelle aire d’habitat. Le projet est déjà sur les rails.

Néom comprendra la création d’une station de ski dans les montagnes de l’arrière-pays et la construction de The Line, une « barre » habitée futuriste de… 170 km de long, desservie par un train à haute vitesse. Capacité : 9 millions d’habitants !

Diriyah Destination est la troisième idée pour atteindre 100 millions de visiteurs - pèlerins de La Mecque et touristes nationaux inclus.

Dans cette ville située à 20 minutes de la capitale, Riyadh, un pôle de loisirs de 1 200 boutiques et restaurants, avec une vingtaine de musées et d’hôtels d’ultra luxe, est annoncé. Diriyah sera reliée à la capitale par métro. Titanesque.

Al Ula, tête de pont du tourisme

Les Saoudiens mènent ces projets avec professionnalisme, sous la houlette de ressortissants formés à l’étranger et de cabinets anglo-saxons rompus au marketing et à l’ingénierie.

La preuve avec Al Ula, tête de pont du tourisme saoudien. Impossible d’échapper à cette destination qui agrège le meilleur des atouts naturels et culturels du pays.

C’est dans cette vallée désertique du nord-ouest du pays que des Nabatéens venus de Pétra, en Jordanie, s’installèrent au 1er s. avant J.C. Au carrefour de pistes caravanières, ils sculptèrent de gigantesques tombeaux dans le roc. Le principal est Hégra, classé au patrimoine mondial par l’Unesco.

Al Ula livre des paysages spectaculaires, à l’image d’Elephant Rock, énorme bloc rocheux à l’allure de pachyderme. D’autres sites sont aménagés pour l’accueil des touristes : l’ancienne ville de Dadan et ses 700 caveaux creusés dans une falaise ; Jabal Ikmah et ses inscriptions rupestres, peut-être à l’origine de l’écriture arabe ; Harrat Viewpoint, panorama plongeant sur la vallée agricole.

Al Ula est déjà dotée d’un aéroport international, d’hôtels de luxe et d’un prochain resort signé Jean Nouvel (le Sharaan Resort), creusé dans la roche. Le territoire se flatte aussi d’accueillir Maraya, un palais de 500 places revêtu de glaces reflétant le désert, véritable salle de spectacles sortie du néant.

Boulevard, divertissement à Riyadh

Visiter Riyadh et Djeddah, les deux métropoles du pays, permet d’observer une nation en mouvement.

Dans l’enfer automobile de Riyadh, Boulevard, ouvert en 2019, est l’enclave de divertissement à la mode. Sur 900 000 m², Saoudiens, visiteurs du Golfe persique et Occidentaux s’y baladent en sécurité, entre boutiques de mode, cafés-terrasses, places à fontaines et écrans publicitaires dernier cri.

Ici, les femmes ne portent pas toutes le niqab, certaines se contentent du foulard (le hidjab). On dirait un parc d’attraction pour classes aisées - l’accès, payant, sélectionne les entrants.

Ailleurs en ville, la passerelle du Sky Bridge Experience, en haut du Kingdom Center, domine le Financial District et le gigantesque quartier d’affaires et résidentiel d’Al Olaya. Ils sont les témoins de l’essor économique fulgurant de cette capitale de 7 millions d’habitants.

Formule 1, marinas, shopping malls… c’est Djeddah

Bordant la mer Rouge, Djeddah a l’ambition de devenir la capitale balnéaire du pays.

Avec ses grands hôtels et résidences en chantier, son circuit de Formule 1, ses marinas et ses splendides fonds sous-marins, elle veut entrer dans la cour des grands. Ses plus de 200 marchés et shopping malls - le mot sobriété n’est pas encore entré dans le vocabulaire saoudien... - et sa fastueuse avenue Tahlia Street aux boutiques de luxe, raviront les fashionistas.

Plus typique, Old City protège une architecture ancienne. A l’heure de l’appel à la prière, il y flotte un parfum d’Arabie d’autrefois.

L’ensemble de la ville est animé d’une frénésie commerçante. Elle est encouragée par le pouvoir qui libère l’accès à l’entrepreneuriat à ceux qui en ont les moyens, donnant aux femmes bien nées la possibilité de prendre des responsabilités, mais laissant quantité de citoyens non Saoudiens végéter dans des emplois subalternes.

Lire aussi : Visa Arabie Saoudite : quelles formalités pour voyager ?

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