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Le Gouvernement cherche-t-il à ubériser les guides-conférenciers ?

Concurrence déloyale et déréglementation de la profession



Rédigé par Pierre Coronas le Mercredi 4 Novembre 2015

Le Gouvernement veut déréglementer la profession

La manifestation des guides-conférenciers au mont-Saint Michel était destinée à informer les touristes sur les causes de leur mobilisation - Photo DR
La manifestation des guides-conférenciers au mont-Saint Michel était destinée à informer les touristes sur les causes de leur mobilisation - Photo DR
Les guides-conférenciers de France se sentent d'autant plus abandonnés par les autorités que le Gouvernement cherche actuellement à déréglementer leur profession.

Il envisageait initialement de le faire par la Loi Macron. Dans une étude d'impact publiée le 13 novembre 2014, le ministère de l’Économie estimait ainsi que "l'activité de guide-conférencier est une profession où les barrières à l'entrée empêchent le potentiel d'emploi de se réaliser."

Ce document de travail du projet de loi pour la croissance et l'activité met en cause des "conditions de diplômes qui peuvent se révéler inadaptées, aussi bien en volume d'offre éducative qu'en adéquation avec les nécessités d'exercice de la profession."

Il rappelle que les formations universitaires pour le métier forment environ 200 à 300 étudiants par an.

"Ce vivier de compétences apparaît assez limité à l'heure où la profession de guide-conférencier se diversifie. Il est donc nécessaire de permettre à un nombre plus important de diplômés de l'enseignement supérieur d'entrer dans la profession", conclut le texte.

Et pour cela, le ministère préconisait de supprimer la carte professionnelle des guides-conférenciers. La mesure a finalement été retirée du projet de loi Macron.

Mais Bercy n'a pas dit son dernier mot. Des réunions de concertation se tiennent régulièrement au ministère de la Culture depuis début 2015. Les représentants du ministère de l’Économie n'y ont de cesse de marteler les mêmes arguments en faveur de la suppression de la carte professionnelle.

"C'est de plus en plus inquiétant. L’État nous répète à l'envi que nous sommes dans une situation de monopole", constate Cécile Loiseau, présidente de l'Association des guides-conférenciers du Mont Saint-Michel et adhérente au SPGIC (Syndicat professionnel des guides-conférenciers) récemment créé.

« Être guide, ça ne s'improvise pas »

La déréglementation de la profession de guide-conférencier devrait être décidée par ordonnance. En effet, l'Article 10 de la loi de simplification de la vie des entreprises autorise le Gouvernement à opter pour cette solution afin de "simplifier les régimes d'autorisation et de déclaration auxquels sont soumis certains professionnels".

L’État chercherait-il à « ubériser » les guides-conférenciers de France ? Nous avons tenté de joindre les services du ministère de l’Économie et de Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la Réforme de l’État et de la Simplification pour en savoir plus. Mais nos sollicitations restent, à ce jour, sans réponse.

Les autorités évoquent deux directives européennes (2005/36/CE en vigueur depuis octobre 2007 et 2006/123/CE) pour justifier leur intention d'ouvrir la profession de guide-conférencier en France à tous les titulaires d'un Master II. Peu importe la filière.

Une aberration pour Cécile Loiseau : "On devrait, au contraire, valoriser notre métier. Le Gouvernement dit vouloir attirer 100 millions de touristes annuels en France, mais il faut que nous soyons en mesure de bien les accueillir. Être guide, ça ne s'improvise pas. C'est un métier avec un savoir-faire."

C'est pour le faire savoir qu'elle a d'ailleurs organisé une manifestation à l'entrée de l'Abbaye du Mont Saint-Michel, vendredi 23 octobre 2015. Une quarantaine de guides-conférenciers y a pris part. Leur objectif était d'alerter les touristes et les informer au sujet de leur mobilisation.

Le Syndicat (patronal) national des agences de voyages (SNAV) les soutient dans cette démarche. "Nous sommes attachés à la reconnaissance des professionnels face aux autres nouveaux acteurs du marché, explique Valérie Boned, secrétaire générale déléguée du SNAV.

Ce n'est pas une posture réactionnaire. Le fait d'avoir une carte ou des critères pour accéder au statut de guide-conférencier représente un gage de qualité. Et nous y tenons beaucoup."

Des arguments que le SNAV a fait valoir lors de plusieurs auditions devant la DGE (Direction générale des Entreprises) et dans le cadre de la commission consultative auprès du ministère de la Culture.

Les guides doivent-ils devenir auto-entrepreneurs ?

Une commission au sein de laquelle, Bercy ferait régulièrement part de son souhait de voir un maximum de guides-conférenciers de France adopter le statut d'auto-entrepreneur.

A l'heure actuelle, 20% des guides professionnels le seraient déjà. Mais, à en croire Sophie Bigogne, du SPGIC, "ce statut n'est pas adapté aux guides".

Un avis que nuance Monique Sentey, déléguée générale de l'Union des Auto-Entrepreneurs (UAE), association indépendante dont l'adhésion est gratuite.

D'après elle, l'adoption du statut d'auto-entrepreneur "est adapté pour les guides qui construisent un programme qu'ils vont ensuite proposer, en indépendants, soit à des clients directs soit à des autocaristes, des tour-opérateurs, des offices de tourisme ou des musées".

En revanche, pour les guides spécialisés, et notamment les interprètes en chinois souvent très recherchés, qui sont mobiles, c'est plutôt une mauvaise idée car le statut d'auto-entrepreneur ne permet pas de déduire les frais de déplacements.

"Par ailleurs, certains guides qui travaillent beaucoup arrivent vite au plafond de 32 900 euros de chiffre d'affaires annuel qui les oblige à changer de statut et à être alors soumis à la TVA", poursuit Monique Sentey.

Malgré tout, les entreprises ne peuvent pas imposer le statut d'auto-entrepreneur aux guides qu'elles emploient. C'est illégal.

"C'est aux guides de s'adapter, conclut la déléguée générale de l'UAE. Il faut qu'ils analysent leur situation et adaptent leur statut en fonction. Ils peuvent, par exemple, choisir de s'associer."

« Les guides ont besoin de visibilité et de modernisation »

Autre idée : se tourner vers Expérience-Privée.com, plate-forme de mise en relation qui ne travaille qu'avec des guides-conférenciers professionnels.

Elle a été lancée en mars 2015 par Romain Lavertu. "Après une étude de marché auprès des guides-conférenciers, j'ai compris qu'ils avaient un réel besoin de visibilité et de modernisation", raconte le fondateur.

Il considère qu'il est possible de "moderniser une profession sans pour autant la précariser". Sa formule lui permet par ailleurs d'assurer la qualité des visites proposées et de "disposer de guides disponibles tout au long de l'année".

Expérience-Privée.com recense 170 guides en France, à l'heure actuelle. Ils sont soit auto-entrepreneurs, soit en portage salarial. Ce sont les clients (CE, entreprises, ambassades ou particuliers) qui paient à la plate-forme. Celle-ci reverse ensuite la somme aux guides en y prélevant une commission.

La formule pourrait plaire à d'autres professionnels. Car, outre leurs problèmes avec l’État et la concurrence qu'ils estiment déloyales, beaucoup peinent à travailler suffisamment pour s'assurer des revenus décents.

Si bien que certains envisageraient ironiquement d'adopter un nouveau slogan pour les prochaines manifestations : "Les guides veulent payer des impôts".

Mais pas assez aux yeux du Gouvernement visiblement...

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Commentaires
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1.Posté par toomuch le 04/11/2015 08:29 | Alerter
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ça commence à faire beaucoup,
les taxis,
les loueurs d'appart,
les restaurants à domicile,
les free tours (non mais je rêve...),
j'en passe certainement et des meilleures,

Toute cette soit-disante nouvelle économie mise en avant comme étant collaborative pour le bien de tous commence à devenir une petite industrie bien réelle et surtout bien illégale sans que les pouvoirs publics semblent s'en émouvoir....
Cela fait pourtant tout un tas de cotisations et de taxes en moins à récupérer pour l'Etat...

Il y a des choses qui m'échappent....

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