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Spa fermé, piscine en travaux... un remboursement intégral du voyage ? [ABO]

Une décision de la CJUE revient sur l’interprétation de la directive sur les voyages à forfait


Des voyageurs polonais partis en Albanie en septembre 2023 vont, sans le savoir, influencer profondément la lecture de la directive du voyage à forfait… en France. À la suite d’une mauvaise expérience dans un hôtel 5 étoiles, où les piscines étaient en travaux, une décision importante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient impacter le travail et la vigilance des agences de voyages.


Rédigé par le Vendredi 7 Novembre 2025

Une décision de la CJUE doit pousser les agences de voyages et TO à une grande vigilance portée à la "sélection des prestataires" - Depositphotos @nataliamylova
Une décision de la CJUE doit pousser les agences de voyages et TO à une grande vigilance portée à la "sélection des prestataires" - Depositphotos @nataliamylova
Le quotidien des agences de voyages ne dépend pas seulement des décisions stratégiques prises par leurs têtes de réseau.

Le droit joue un rôle tout aussi déterminant, à mesure que les jurisprudences s’empilent et redéfinissent le Code du tourisme ainsi que l’interprétation de la directive sur les voyages à forfait.

Ce qui faisait dire sous forme de boutade à Chloé Rezlan, co-fondatrice du cabinet Adeona Avocat·e·s, lors du séminaire d’ATR dans le Vaucluse, que "le droit, c’est la vie, il est partout."

Et après l’affaire de la ceinture non attachée, celle des lacets défaits ou encore de l’information non mise à jour sur France Diplomatie, une nouvelle jurisprudence européenne vient secouer le secteur du tourisme français, notamment en raison de la responsabilité de plein droit qui pèse sur les agences.

Cette surtransposition de la directive reste l’une des plus sévères et rigides au monde, plaçant les professionnels français dans un cadre réglementaire particulièrement contraignant.

Revenons donc sur cette décision de la CJUE, rendue fin octobre, dans une affaire qui s’est déroulée en Pologne.


Quel est le contexte de l’affaire portée devant la CJUE ?

En juillet 2022, un couple de Polonais réserve un séjour tout compris en Albanie, dans un hôtel 5 étoiles.

Sauf que leurs vacances, prévues pour la première semaine de septembre 2023, ne se sont pas du tout déroulées comme prévu.

Dès le premier jour, les voyageurs sont réveillés par les bruits de démolition des deux piscines de l’établissement. Les travaux s’étendent sur 4 jours, de 7 h 30 à 19 h 30.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, un autre chantier démarre au troisième jour, cette fois pour ajouter un étage à l’hôtel.

Deux jours plus tard, les piscines, la promenade du front de mer, le pavage donnant accès à la mer et une partie des infrastructures sont tout simplement détruits.

Excédé, le couple saisit l’agence de voyages et réclame un dédommagement de 5 346 euros, pour une réservation initiale de 2 048 euros. Le professionnel, lui, refuse d’indemniser intégralement les voyageurs, estimant ne pas être tenu responsable.

Il avance que la démolition des installations résultait d’une décision des autorités albanaises, relevant donc de circonstances exceptionnelles et inévitables, ce qui l’exonérerait de toute obligation de dédommager les clients.

L’agence propose alors, en guise de "geste commercial", des chèques-vacances d’un montant de… 165 euros. Une proposition pour le moins dérisoire au regard du préjudice subi.

Peut-être qu’avec un vrai geste, le voyagiste aurait évité une action en justice. Mais faute de solution amiable, l’affaire a fini par atterrir devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Les questions jurisprudentielles posées à la CJUE ?

En 2024, le tribunal d’arrondissement de Rzeszów, en Pologne, a saisi la CJUE de quatre questions préjudicielles.

La première interroge la Cour sur le point de savoir si la directive européenne 2015/2302 s’oppose à une législation nationale imposant à l’organisateur de démontrer la faute d’un tiers pour pouvoir s’exonérer de sa responsabilité en cas de non-conformité.

La seconde demande à la Cour de trancher sur une question cruciale, à savoir si une agence de voyages est tenue de rembourser intégralement un séjour, alors même que la prestation a été partiellement assurée.

Les deux dernières questions portent sur la nature et la finalité des droits à réduction de prix et à indemnisation : doivent-ils être interprétés comme une forme de réparation pour le voyageur, ou comme une sanction infligée à l’agence de voyages ?

Enfin, la justice polonaise interroge la CJUE sur un point de fond : une décision de puissance publique, en l’occurrence la démolition des piscines de l’hôtel ordonnée par les autorités locales, peut-elle être considérée comme une "circonstance exceptionnelle et inévitable" (CEI) ?

Pour rappel, [la définition]urlblankj:https://www.tourmag.com/Qu-est-ce-que-les-circonstances-exceptionnelles-et-inevitables%C2%A0_a94509.html de cette terminologie, qui remplace la force majeure définit une CEI comme d’un événement qui créent une situation échappant au contrôle du professionnel comme du voyageur et dont les conséquences n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures avaient été prises.

Qu’a décidé la CJUE ?

Deux ans après les faits, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a enfin tranché.

Elle rappelle d’abord que la directive européenne ne conditionne pas l’exonération de responsabilité à la démonstration d’une faute d’un tiers. Il suffit que la non-conformité soit imputable à un tiers étranger à la prestation, et que celle-ci soit imprévisible ou inévitable.

Autrement dit, la législation polonaise, plus stricte sur ce point, contrevient au cadre fixé par la directive.

En clair, les professionnels n’ont pas à prouver la "faute" d’un tiers pour s’exonérer de leur responsabilité — une exigence jugée excessive et contraire au droit européen.

"Cette confirmation est bienvenue," pour les professionnels, selon Chloé Rezlan.

Concernant le remboursement intégral du séjour, même lorsque certaines prestations ont été partiellement assurées, la Cour a été claire : en cas de non-conformité suffisamment grave, le voyageur peut réclamer le remboursement total du forfait, même s’il a profité de certains services.

L’évaluation doit se faire au regard de l’objet global du voyage.

Si celui-ci perd tout intérêt pour le client, par exemple à cause de nuisances majeures ou de conditions altérant complètement l’expérience, il doit être considéré comme inexécuté dans son ensemble.

"C’est une réponse préjudiciable aux pros… Une prestation partielle n’exclut pas un remboursement total si l’expérience du voyage a été substantiellement dénaturée.

Le 'caractère approprié' de la réduction de prix dépend du résultat global du séjour, pas simplement de la quantité de services consommés,
" a commenté l'avocate.

L’enseignement : une grande vigilance portée à la "sélection des prestataires"

Pour la Cour, ni la réduction de prix ni l’indemnisation n’ont vocation à sanctionner le voyagiste ou à instaurer des dommages-intérêts punitifs.
Ces mécanismes visent uniquement à rétablir l’équilibre contractuel entre le client et le professionnel.

Les agents de voyages restent donc exposés à des obligations strictes en cas de non-conformité, mais sans risque de surcompensation pour le voyageur.

La CJUE précise également qu’une décision d’autorité publique ne constitue pas automatiquement une circonstance exonératoire.

Autrement dit, si le voyagiste (ou son prestataire) était informé de la procédure ou pouvait raisonnablement l’anticiper, la condition d’imprévisibilité ne tient plus.

En clair, les agences doivent désormais surveiller de près les décisions politiques ou administratives susceptibles d’affecter leurs destinations, avant même d’y envoyer des clients.

Faute de quoi, en cas de démolition de piscine, de fermeture de salle de sport ou de travaux dans un spa, les professionnels pourraient être contraints de rembourser intégralement le séjour, voire d’indemniser les voyageurs.

"La vigilance s’impose lors de la sélection des prestataires et du suivi des contentieux ou litiges locaux susceptibles d’impacter les infrastructures proposées aux clients," rappelle Chloé Rezlan.

De cette affaire, il faut retenir que le grand principe de la CJUE reste inchangé, elle veut protéger au maximum le consommateur.

Certes, aucune indemnisation automatique n’est prévue, mais les professionnels font face à une lecture toujours plus rigoureuse de leurs obligations.

"L’organisateur reste responsable de la qualité globale du voyage, même lorsque les désagréments proviennent de tiers ou de décisions extérieures, dès lors qu’ils étaient prévisibles.

La décision appelle les voyagistes à renforcer leur veille juridique et opérationnelle sur les destinations proposées.

Elle encourage aussi une gestion plus proactive des risques de non-conformité. Le simple fait de 'subir' une situation extérieure ne suffit plus, s’il était possible de l’anticiper ou de proposer des alternatives satisfaisantes,
" conclut-elle.

Terminé donc la table de Francfort, dès lors que les prestations sur place seront jugées non conformes de manière suffisamment importante, le remboursement devra être intégral.


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