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Tour du monde des réceptifs : comment la Chine a vécu la cohabitation avec le coronavirus (Partie I)

Interview d'Olivier Marchesin, le directeur général d'EXO Travel en Chine


Face à une situation de confinement (presque) généralisée au niveau mondial, la rédaction de TourMaG.com s'adapte. Tandis que les tour-opérateurs sont sur le pont pour faire rentrer les voyageurs et que les agences de voyages tentent de convaincre leurs clients de reporter les séjours, les réceptifs se démènent pour leur survie, loin des aides de l'Etat Français. Nous avons décidé de prendre de leurs nouvelles. Aujourd'hui, direction la Chine avec l'interview d'Olivier Marchesin, le directeur général d'EXO Travel en Chine.


Rédigé par le Mercredi 25 Mars 2020

La Chine a été en première ligne dans l'épidémie de Coronavirus, nous revenons avec Olivier Marchesin, le directeur général d'EXO Travel en Chine, sur les dernières semaines - Crédit photo : Depositphotos @huangcarlos
La Chine a été en première ligne dans l'épidémie de Coronavirus, nous revenons avec Olivier Marchesin, le directeur général d'EXO Travel en Chine, sur les dernières semaines - Crédit photo : Depositphotos @huangcarlos
TourMaG.com - EXO Travel possède un bureau d'une trentaine de personnes en Chine. Comment avez-vous vécu les dernières semaines et mois dans la province de Canton ?

Olivier Marchesin :
Tout d'abord, il faut savoir que la province de Canton a été la 2e plus touchée par la propagation du coronavirus, derrière celle du Hubei.

Pour récapituler dans l'ordre chronologique des choses, nous avons entendu parler du virus à partir de la mi-janvier. Tout est allé très vite, le Nouvel An chinois se rapprochait, faisant craindre aux autorités le pire, en raison du nombre de mouvements lors de cette période.

Dès le 23 janvier, la ville de Wuhan a été placée en lockdown (confinement, ndlr) strict.

Les habitants n'avaient pas le droit de bouger, même la nourriture leur était livrée. Sur le reste de la Chine, le confinement n'était pas obligatoire, mais recommandé, sauf que la communication a fait que les gens ont compris l'importance de la situation.

Les Chinois sont donc très rapidement tous restés chez eux, en portant des masques.

TourMaG.com - Vous avez pu donc sortir ?

Olivier Marchesin :
J'ai continué à me balader, nous n'avons pas connu le sentiment de gravité qu'il y a actuellement en Europe, d'ailleurs il était même conseillé d'aller respirer l'air frais dehors.

J'évitais alors les endroits avec du monde, pour préférer les bords de la rivière pour marcher un peu. Par contre, nous avons connu une importante pénurie de masques, comme vous pouvez la connaître.

Si nous pouvions sortir, tous les magasins et les bureaux sur l'ensemble du territoire étaient fermés, sauf les commerces alimentaires. Dans les grandes structures comme les supermarchés, il y avait une prise de température obligatoire et le port du masque l'était aussi.

"La présence de la police et des infirmiers pour prendre la température"

TourMaG.com - Il y avait donc un grand contrôle, loin de ce que nous vivons ici...

Olivier Marchesin :
Sans doute, il faut se rendre compte que le contrôle était tel, qu'à chaque sortie de l'autoroute, il y avait la présence de la police et des infirmiers pour prendre la température de toutes les personnes.

Ce n'est pas tout, nous devions faire scanner un code-barres pour que les autorités étudient notre parcours. Nous étions tracés encore plus que d'habitude, mais surtout cela permettait de savoir où une personne infectée s'était rendue par le passé.

Dans chaque résidence, les gardiens vous contrôlaient et prenaient la température, si vous aviez plus de 37,5°C, ils appelaient les hôpitaux et vous étiez placé en quarantaine.

Toutes ces mesures avaient lieu dans tout le pays. Toute la population était très concernée. Après le côté négatif du confinement, c'était la surveillance des résidents entre eux.

TourMaG.com - Vous n'êtes pas sans savoir que le confinement en France est plus ou moins bien appliqué. Qu'en est-il en Chine ? Un pays où le peuple est plus "docile"...

Olivier Marchesin :
Il y a eu quelques cas rapportés dans les médias, mais attention, en France nous avons une image des Chinois qui est totalement faussée.

Les médias français aiment bien véhiculer l'image d'une population totalement sous le joug du pouvoir en place, mais ce n'est pas le cas.

Vous savez j'ai du personnel qui parfois peut etre très critique par rapport aux décisions du gouvernement, j'ai plus peur qu'eux. Il est possible de critiquer le pouvoir dans la rue, je connais beaucoup de personnes qui sont anti-gouvernement.

Je vis en Chine depuis 2004, le changement est important à ce niveau, ma femme qui est chinoise est abasourdie par ce qu'elle peut lire dorénavant sur les blogs.

"La population est très étonnée de la gestion de l'épidémie par la France"

TourMaG.com - Il y aurait donc une certaine ouverture du régime ou du moins une population qui se libère un peu plus ?

Olivier Marchesin :
Ils se lâchent. A Pékin, les gens aiment parler politique, ailleurs ils s'en moquent un peu.

Il ne faut pas oublier que les Chinois ont toujours été des businessmen, les épaves les plus vieilles qui gisent dans les mers proviennent d'ici.

A partir du moment où ils sont libres de faire du business et de gagner de l'argent, ils ne disent rien. La première liberté demandée par le peuple ici est de gagner de l'argent.

TourMaG.com - Donc le parti communiste ne sortira pas affaibli par cette épreuve...

Olivier Marchesin :
Je ne pense pas, bien au contraire. Ma femme qui est très critique envers le pouvoir, me dit que si la Chine a réagi si vite, c'est aussi parce que nous avons un parti unique.

Pour construire l'hôpital, il n'y a pas eu le débat sur l'appel d'offres et rien n'a été demandé à la population. En 10 jours l'infrastructure hospitalière était debout.

Les Chinois hallucinent de ce qu'il se passe en Europe. La population est très étonnée de la situation et la gestion de l'épidémie par la France.

Par exemple, ce matin une équipe médicale de 4 ou 5 personnes en combinaison est venue contrôler des voisins qui viennent de la province du Hubei.

Ils sont testés au départ, une fois arrivés ici, puis une dernière fois plusieurs jours après, donc il y a un contrôle qui subsiste.

Aides de l'Etat : "nous trouvons que c'est encore un peu lent et léger"

TourMaG.com - Pendant que la France a mis en place des mesures proches d'un Plan Marshall pour soutenir l'économie, qu'en est-il en Chine ?

Olivier Marchesin:
Nous trouvons que c'est encore un peu lent et léger. Concernant le tourisme, le pouvoir a peu bougé, ils parlaient de couper le paiement de la TVA, sauf que nous n'avons aucune activité.

Les charges sociales ont été baissées, il faut savoir que nous payons 44,5% de charges sociales soit un peu plus qu'en France.

Nous bénéficions aussi d'un report de quelques mois, que nous devrons payer en juin 2020.

Des aides sur les salaires ont aussi été mises en place, mais ce n'est pas énorme, car équivalent à 120 euros par mois, pour compenser la baisse des salaires.

Après il y a un système permettant aux entreprises de réduire les salaires, notamment en baissant le salaire minimum, mais je ne connais pas son montant, car je n'ai pas voulu les baisser.

TourMaG.com - Pourquoi ça ?

Olivier Marchesin :
Il faut savoir que le tourisme n'est pas l'industrie première en Chine, peu de personnes souhaitent travailler dans le tourisme, car il y a beaucoup de business possibles et qui payent bien mieux.

La majeure partie du staff que nous avons n'a jamais bossé dans le tourisme, donc si demain, ils n'ont plus rien, ils iront chercher du boulot ailleurs, d'autant qu'ils n'ont pas une formation dans le secteur.

Si je réduisais trop leurs salaires, j'ai la crainte qu'ils bénéficient d'opportunités une fois la sortie de crise amorcée.

D'ailleurs, avec ma femme nous ne nous versons plus de salaires. Mais la crise étant devenue mondiale, la possibilité de trouver du travail ailleurs s'est réduite.

"Quelques entreprises de l'industrie touristique ont fermé définitivement leurs portes"

TourMaG.com - Ainsi, les mesures prises ne permettent pas à une entreprise sans trésorerie de survivre ?

Olivier Marchesin :
En effet, j'ai entendu que quelques entreprises de l'industrie touristique ont fermé définitivement leurs portes.

Ma femme est sur un groupe de discussions d'agences de voyages inbound. Autant au début tout le monde parlait du tourisme, autant maintenant certains vendent des produits annexes, comme des vêtements ou des produits de leur région, ils sont passés en mode survie.

La situation est compliquée pour de nombreuses entreprises du secteur.

TourMaG.com - Comment avez-vous vécu chez EXO Travel ces deux derniers mois ?

Olivier Marchesin :
Nous avons connu deux phases, car au début nous étions partis pour une crise interne de trois mois.

Sauf que le coronavirus s'est répandu dans le monde entier et la planète doit trouver une solution pour contrôler et résorber la crise sanitaire.

Actuellement, l'ensemble des populations a peur de la maladie, mais je me dis que d'ici quelques mois, nous aurons appris à vivre avec ce risque.

Je me dis que d'ici quelques mois, il y aura un retour à la normale. Nous attendons que le traitement soit trouvé, même si la chloroquine montre des effets positifs sur le virus.

Après nous sommes dépendants des autres pays, car ici la crise a été gérée de façon exemplaire, je me dis que cela va jouer positivement sur l'image de la Chine.

"Je pense que la Chine voulait aussi prouver quelque chose au monde"

TourMaG.com - En France, beaucoup de rumeurs circulent et de théories du complot, sur le fait que le gouvernement chinois n'a pas révélé réellement l'ampleur de la contamination et toute la vérité sur le coronavirus. Avez-vous entendu les mêmes choses ?

Olivier Marchesin :
Oui bien évidemment, il y a beaucoup de personnes qui sont contre le pouvoir en place et ne prennent pas les informations pour argent comptant.

Mais cela n'a de valeur que pour moi, je connais beaucoup de monde en Chine, j'ai notamment pas mal d'amis médecins, mon entourage aussi, et nous n'avons pas rencontré ou eu vent d'une seule personne malade.

Je pense que les Chinois ont été honnêtes, j'ai l'impression qu'ils ont envie de s'acheter une bonne image auprès de la communauté internationale.

La Chine a eu une publicité tellement négative après les Jeux Olympiques de Pékin et l'Expo Universelle... Aujourd'hui, le pays est en conflit ouvert avec les USA.

Ils ne jouent pas sur la dimension militaire, mais sur la force commerciale, un secteur où l'image est importante.

Nous avions un rapport par un médecin d'une clinique de Shanghai qui nous disait que vu les moyens utilisés, mais aussi la digitalisation et l'avancée technologique du pays, il était impossible de tricher.

Je pense que la Chine voulait aussi prouver quelque chose au monde. Je peux paraître très positif, mais je sais aussi être très critique envers le gouvernement, je vous partage mon sentiment.

Retrouvez les autres articles sur le "Tour du monde des réceptifs" grâce à la carte interactive :


Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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